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INTERVIEW - ARNAUD GIRODON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU DATAI LANGKAWI, MALAISIE ET FUTUR CEO DE DATAI HOTELS & RESORT : « LE DATAI LANGKAWI A PERMIS DE CRÉER LES STANDARDS DE LA MARQUE »

Après une carrière complète déroulée à l’international, l’Aveyronnais va prendre la tête du nouveau groupe malaisien Datai Hotels & Resorts pour exporter les valeurs du Datai Langkawi

INTERVIEW - ARNAUD GIRODON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU DATAI LANGKAWI, MALAISIE ET FUTUR CEO DE DATAI HOTELS & RESORT : « LE DATAI LANGKAWI A PERMIS DE CRÉER LES STANDARDS DE LA MARQUE »

Après une carrière complète déroulée à l’international, l’Aveyronnais va prendre la tête du nouveau groupe malaisien Datai Hotels & Resorts pour exporter les valeurs du Datai Langkawi

Catégorie : Asie Pacifique - Malaisie - Carrières - Interviews et portraits - Nominations - Interviews
Interview de Vanessa Guerrier-Buisine le 25-08-2023


Arnaud Girodon dirige le Datai Langkawi depuis neuf ans. Neuf années au cœur d’une forêt tropicale malaisienne, où il a pu assouvir son goût pour un environnement riche et préservé. Après cette longue parenthèse, à la barre de cet hôtel unique en Malaisie, l’Aveyronnais transforme l’essai en prenant la tête du groupe Datai Hotels & Resorts d'ici une quinzaine de jours. Un groupe dont les piliers sont fondés sur ceux du Datai Langkawi, nourris par un Arnaud Girodon déterminé à dupliquer la réussite de son hôtel à d’autres pays d’Asie.

La passion de ce Français est née dès l’âge de 11 ans, lorsqu’il rend visite à sa tante, gouvernante générale du George V, avant que l’hôtel n’intègre le groupe Four Seasons. Alors qu’il pénètre par les coulisses dans cet établissement emblématique, c’est la révélation, c’est dans la « haute hôtellerie » qu’il fera carrière, à l’international. Son BTS Hôtellerie du lycée d’hôtellerie et de tourisme de Saint-Quentin en Yvelines en poche, il assouvit instantanément son désir de voyage et de nouveaux horizons. Direction l’Angleterre où il fait ses armes en tant que stagiaire chez Accor, avant de faire des extras au Dorchester à Londres. Il participe à l’ouverture d’hôtels Accor, mais bien qu’il considère le groupe comme une « bonne école », il n’y trouve pas le type d’hôtellerie qui le fait rêver. Il rejoint alors une destination plus ensoleillée et en plein essor, Dubaï, en intégrant le groupe Jebel Ali Hotels & Resorts, au sein duquel il évolue rapidement vers un poste de directeur de la restauration. Expérience particulièrement formatrice pour le jeune Français, qui, à seulement 24 ans, gère alors 17 bars et restaurants et 800 collaborateurs.

Après quelques années au Moyen-Orient, qu’il met à profit en basculant de la restauration à la direction de résidences au sein du groupe Rotana, Arnaud Girodon s’envole vers l’Asie. En 2006, il prend la direction de l’Indigo Pearl Resort à Phuket avant une escale en 2011 à l’InterContinental Koh Samui Resort et un arrêt au Vietnam, où il devient directeur général de l’InterContinental Danang Sun Peninsula Resort en 2013. Mais, c'est en Malaisie que le globe-trotteur posera ses valises et celle de sa famille en 2014, pour ne plus quitter ce pays de cœur. Alors que le Datai Langkawi, un hôtel situé dans un écosystème unique, fête ses 30 ans, le français se tourne vers de nouveaux horizons.

Pour le Journal des Palaces, et à l’occasion d’un nouveau virage dans sa carrière, Arnaud Girodon a accepté de poser un regard sur cette carrière et d’évoquer ses engagements ainsi que ses projets pour Datai Hotels & Resorts.

Journal des Palaces : Vous êtes issu de l’univers de la restauration, la direction d’hôtels et d’un groupe hôtelier était-elle un objectif de carrière ?

Arnaud Girodon : C’était très clair pour moi : dès que j’ai commencé l’hôtellerie, je voulais être directeur général.
J’ai préféré la restauration, car elle mobilisait plus de créativité. C'est plus difficile en termes de gestion humaine, notamment, car ce sont souvent des équipes qui changent. La gestion des coûts variables nécessite par ailleurs une grande attention. La restauration offre aussi beaucoup de possibilités de créer du revenu et un peu plus d'indépendance, que j'apprécie énormément. Après plusieurs années dans cet univers passionnant et au Moyen-Orient, j’ai voulu voir autre chose.

Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?

Le côté humain d'abord. La créativité ensuite, qui est encouragée selon les organisations. C’est pour cela que je suis moins attiré par l’hôtellerie de chaîne, plus par de petits groupes ou des hôtels individuels. C’est aussi un métier qui permet de conjuguer voyage et rencontres, sans parler des plaisirs gastronomiques. L’hôtellerie privilégie la convivialité, c’est ce qui me séduit le plus.

Comment définiriez-vous l’hôtellerie de luxe ?

La définition stricte s’attache au confort des chambres et des espaces publics. Cette définition manque de modernité, n’est plus en phase avec la réalité actuelle. Il s’agit d’une organisation qui, en plus de pouvoir combler ces demandes exigeantes des clients, de confort, d'espace en chambre, de qualité de restauration élevée, implique de déployer le sens du détail, de l'anticipation, une véritable approche humaine. Cette approche humaine est ce qui peut manquer dans certains grands établissements, parfois trop techniques au détriment de l’humain. Il faut savoir créer de réelles émotions, des expériences uniques.

Pourquoi avoir posé vos valises en Asie ?

Mon épouse et moi-même sommes tombés amoureux de l’Asie à notre arrivée en Thaïlande. Lors de ma prise de poste à Phuket pour un rebranding, j’ai été immédiatement mis à l'aise. Quand vous travaillez en Asie, les propositions sont souvent en Asie, et j’ai donc poursuivi ma carrière dans cette région.

Je suis allé faire l’ouverture de l’InterContinental à Danang, au Vietnam, un pays plus compliqué en termes de vie de famille, à la fois au niveau médical et au niveau de l’enseignement. Ma fille avait trois ans, et mes jumeaux venaient de naître lorsque l’opportunité du Datai s’est présentée, je l’ai donc saisie, et nous sommes partis pour la Malaisie. Nous nous y sentons très bien.

Quels sont vos objectifs en tant que directeur général du Datai Langkawi, et d’ici peu en tant que président directeur général du groupe Datai Hotels & Resorts ?

Concernant le Datai Langkawi, les objectifs sont nombreux, et notre futur directeur général sera bien occupé. Le projet le plus important est le lancement de nos résidences, une vingtaine de résidences de luxe attachées à l'hôtel, qui sont en vente, de 8 à 15 millions de dollars. Nous allons également construire des espaces publics, avec une nouvelle piscine, des restaurants et bars, de nouveaux spas, etc. Nous augmentons l'inventaire de l'hôtel, en entrons dans une hôtellerie encore plus luxueuse, et ce sont des projets pour les trois prochaines années.

Dans le cas du groupe Datai Hotels & Resorts, nous avons deux ouvertures d’hôtels en projet, et trois autres en perspective.

Selon vous, quels sont les principaux défis et opportunités auxquels fait face le secteur de l'hôtellerie de luxe ? La Malaisie présente-t-elle des particularités ou les enjeux sont-ils sensiblement identiques ?

Le défi majeur pour moi est le réchauffement climatique, qui soulève tout l'aspect durabilité. Certains veulent voyager plus localement, en évitant les longs trajets. En tenant compte des nouveaux usages, nous allons pouvoir déployer des politiques plus locales.

Par ailleurs, la compétition avec les maisons et les résidences individuelles, y compris dans l’hôtellerie de luxe, est une problématique à prendre en compte.

La question de l'absorption de l’intelligence artificielle est une évolution clef dans l'industrie. Elle va forcément bouleverser la façon dont nous nous occupons de nos clients, dont nous vendons nos chambres, et influencer la mise en place de services plus adaptés.

Ces différents défis sont ainsi des opportunités pour l'hôtellerie.

Enfin, nous relevons aussi un défi qui est propre à la Malaisie, le changement régulier de gouvernement. Notre groupe, propriété de Khazanah Nasional, est une « government linked company » (NDLR : une société liée au gouvernement), ce qui nous lie aux premiers ministres en place. À chaque élection, nous devons nous réajuster, selon les ambitions des politiques en matière d’investissements, mais nous arrivons toujours à discuter avec les nouveaux premiers ministres pour aller dans la bonne direction.

L’hôtel fête ses 30 ans cette année, qu’a-t-il de différent des hôtels de sa catégorie ?

La différence la plus forte du Datai Langkawi est son emplacement. Il est implanté au cœur d’une nature extraordinaire. Nous sommes dans un archipel qui concentre la plus grande biodiversité d'Asie. Nous avons, en totalité, plus de 2.000 hectares de terrains vierges, ce qui est rare.

C’est un hôtel qui a déjà obtenu de nombreuses récompenses, pour son design, pour sa qualité de service, etc. Il est différent, tant par son niveau de service que pour les équipements que nous offrons. Nous avons un golf et des activités de pleine nature, en pleine jungle.

Quelles expériences les plus authentiques proposez-vous à vos clients ? À l’occasion des 30 ans, avez-vous décliné une offre spéciale ?

La plupart des expériences que nous proposons sont fondées sur la nature et la durabilité. Nous avons notamment créé une expérience appelée « Mandi Embun », qui évoque la sylvothérapie, en malaisien, un concept créé au Japon. J’y ai envoyé mes équipes pour l’étudier.

Nous amenons nos clients au cœur de notre forêt tropicale, auprès de cascades. Là, nous avons créé des plateformes et nos clients peuvent se baigner dans une Fontaine de Jouvence dont ils tirent des bénéfices. Nous leur préparons un thé, et les initions au Silat, un art martial malaisien, accompagné d’exercices de respiration. Ces expériences complètent les ateliers que nous avons développés au sein de notre laboratoire, le Nature Center.

Pour célébrer les 30 ans du Datai, nous avons décliné un programme en quatre volets. L’art et la culture dans un premier temps, la communauté ensuite, la nature, et pour finir la gastronomie. Pour chaque volet, nous nous sommes associés à des associations locales.

En quoi la marque Datai Hotels & Resorts sera-t-elle différente des autres marques d’hôtellerie de luxe ?

Le Datai Langkawi a permis de créer les standards de la marque. Nous allons choisir des hôtels qui bénéficient d’emplacements en connexion avec la nature et dans lesquels l’engagement en faveur d’un développement durable est déjà ancré ou peut être mis en place.

Nous souhaitons pouvoir offrir des expériences uniques, mais un client qui a choisi le Datai Langkawi pour ses valeurs, devra les retrouver dans chacun de nos hôtels. Le Datai est au cœur de la jungle, un autre hôtel pourrait être au bord de l’eau, mais le prérequis est le contact avec cette nature, qui doit être importante, bonifiée, respectée.

Notre service restera humble, offrant une vraie proximité. Ici, le service est chaleureux, nous approchons les clients avec hospitalité. Les Malaisiens accueillent les clients comme s’ils les recevaient chez eux. Cette relation avec le client est extrêmement précieuse, car je pense que cela sera d’autant plus apprécié dans le futur. Ce sera développé dans tous nos hôtels, à travers nos valeurs de marque :
  • Notre hospitalité malaisienne,
  • Nature et Environnement,
  • Le Design comme Force Vitale,
  • Héritage et Culture,
  • Succès Durable,
  • Connexion.

Votre démarche RSE est centrale dans votre hôtel. Pourriez-vous évoquer votre engagement ?

Nous avons lancé un programme complet, qui bénéficie de son propre site web, The Datai Pledge (https://thedataipledge.org/), sur lequel toute notre action est déclinée. Il s’articule autour de quatre piliers : Pure For The Future, Fish For The Future, Wildlife For The Future et Youth For The Future. Ce programme a été créé avec l’aide d’un ami naturaliste.

Cela nécessite un travail avec les communautés locales, les écoles ou des ONG engagées pour la jeunesse, la protection de la nature ou encore des mères de famille isolées. Par ailleurs, nos équipes sont très engagées, à travers notamment notre démarche zéro déchets, dont nous sommes vraiment fiers, car elle est réelle et aboutie.

Vous êtes au Datai depuis neuf ans, comment allez-vous appréhender ce nouveau défi de développer la marque Datai Hotels & Resorts ?

Dès 2019, nous avons eu le souhait de développer la marque, mais le Covid nous a ralentis. Notre objectif est d’exporter la marque Datai sur l’Asie. Les pays que nous ciblons sont la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande, éventuellement le Vietnam et potentiellement le Laos et le Cambodge.

Nos projets les plus concrets sont pour le moment situés sur la Malaisie, l’Indonésie ou les Philippines.

Pourriez-vous citer quelques rencontres professionnelles qui ont marqué votre carrière ? Avez-vous des mentors et si oui, pouvez-vous nous en parler ? Que vous ont-ils appris ?

Deux personnes en particulier ont vraiment influencé ma façon de faire du business. Martin Weber, un Suisse, qui a travaillé avec moi dans le groupe Jebel Ali. Il a un sens profond du détail, très intuitif, quelqu’un qui est très opérationnel, et pour qui « non » n’est pas une réponse.

Le second est Imad Elias, qui était le directeur des opérations de Rotana Hotels. J’ai travaillé à ses côtés lorsque j’étais à Dubaï, et il m’a marqué, car ses capacités sont extraordinaires au niveau commercial. Il a un sens profond du marketing et du positionnement. C’est quelqu'un d’extrêmement performant et de très humain à la fois. Les personnes qui entraient dans son bureau pour lui annoncer qu’elles quittaient leur poste pour de nouveaux horizons en tremblaient, de peur de le décevoir. Il était énormément aimé par ses équipes, très charismatique.

Y a-t-il des mantras ou citations qui vous accompagnent ?

Il y a deux citations que j’affectionne.

La première est celle de Mohammed ben Rachid Al-Maktoum, émir de Dubaï, qui indiquait, « la course à l’excellence n’a pas de ligne d’arrivée ». Même dans l'hôtellerie, il ne faut pas avoir de complaisance par rapport à la compétition.

La seconde est une citation de Nelson Mandela « cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse ». Les ouvertures que j’ai gérées m’ont prouvé que des projets qui paraissent compliqués, voire impossibles, sont réalisables.

Quel manager êtes-vous ? Comment avez-vous évolué dans votre manière d’encadrer vos équipes ?

Je reste un directeur de terrain, accessible et à l’écoute, car je souhaite que mes équipes puissent avoir des idées et en parler. Cela peut être compliqué en Asie, car les personnalités sont plus réservées, malgré une grande créativité. Les équipes doivent être assez à l’aise pour parler, je tâche donc de gagner leur confiance, ce qui se fait dans le temps.

Je suis de nature à beaucoup déléguer, pour que les équipes évoluent plus rapidement. Chacun travaille sur ses différents projets, soit en même temps, soit à différents moments.

Je sais également le type de directeur général que je ne souhaite pas être : celui qui prend des décisions de court terme, qui est très dur au niveau humain, qui ne donne pas les moyens de réussir à ses équipes.

En tant que Français, quels sont, selon vous, les bienfaits d’une expérience à l’étranger ?

Il y a tout d’abord des bienfaits personnels. Cela ouvre l'esprit, permet justement d'éviter tout a priori non-fondé. On s’aperçoit que chaque nationalité, chaque personne, a ses avantages et ses inconvénients. D’un point de vue professionnel, vous acquérez des expériences variées, relevez différents défis. Cela est très riche, car permet de s’adapter plus facilement, d’avoir une vision plus globale.

Quels conseils donneriez-vous aux professionnels de l’hôtellerie de luxe qui souhaitent travailler à l’étranger ?

Pour vivre une expérience à l’étranger, la base est d’avoir une certaine ouverture d’esprit, d’être ouvert à des cultures différentes, à une gastronomie autre, à des traditions et coutumes. À cela doit s’ajouter le désir profond de voyager.

Il faut alors faire preuve d’humilité, ne pas arriver dans un nouveau pays avec un sentiment de supériorité. Il faut être ambitieux et déterminé, c’est évident, mais ne pas tomber dans la condescendance. Les Français renvoient parfois une image d’arrogance et de nombreux expatriés commettent cette erreur de confondre ambition et arrogance.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut faire carrière dans le secteur de l’hôtellerie de luxe ?

Pour faire carrière dans le secteur, il faut être ambitieux et déterminé. Il faut également être ouvert d’esprit, car, particulièrement dans l'hôtellerie de luxe, les clients et collaborateurs viennent de différents horizons, et il faut pouvoir les servir correctement. Cela nécessite d’être curieux, de bien se renseigner sur les cultures.

Il ne faut pas avoir peur de servir non plus. Vous serez un serviteur, pas un serviteur servile, mais vous servirez les clients et devez donc avoir envie de leur faire plaisir. Cette notion de prendre plaisir à faire plaisir et à donner du plaisir est nécessaire pour durer dans ce secteur.

Il faut enfin savoir faire preuve de loyauté, ne pas changer d’employeur tous les six mois, ce qui renvoie une mauvaise image. Tout au long de mon parcours, je suis resté trois à quatre ans au sein du même hôtel. Si vous êtes impatients, évoluez au sein du groupe ou changez de département dans l’hôtel qui vous emploie.

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À propos de l'auteur

Journaliste experte de l’hôtellerie de luxe et inspirée par les femmes et les hommes qui l'incarnent, Vanessa aspire à valoriser et sublimer la beauté et l’élégance des palaces à travers ses écrits. “Dans un palace, la simplicité sert la quête de l’excellence” admire-t-elle.

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