PEGGY FOCHEUX-DUVAL, DIRECTRICE DU PROGRAMME RISEHY POUR HYATT HOTELS CORPORATION : « SI NOUS LES AVONS AIDÉS À DEVENIR DES ADULTES, ALORS NOUS AVONS RÉUSSI »
Depuis 2018, le groupe Hyatt investit dans la jeunesse avec une initiative de formation et d'inclusion de ceux que les circonstances ont éloignés de l'emploi. Peggy Focheux Duval, à la tête de cet ambitieux projet, revient pour le Journal des Palaces sur la genèse et le développement du programme. |
|
PEGGY FOCHEUX-DUVAL, DIRECTRICE DU PROGRAMME RISEHY POUR HYATT HOTELS CORPORATION : « SI NOUS LES AVONS AIDÉS À DEVENIR DES ADULTES, ALORS NOUS AVONS RÉUSSI »
Depuis 2018, le groupe Hyatt investit dans la jeunesse avec une initiative de formation et d'inclusion de ceux que les circonstances ont éloignés de l'emploi. Peggy Focheux Duval, à la tête de cet ambitieux projet, revient pour le Journal des Palaces sur la genèse et le développement du programme. |
Catégorie : Monde - Carrières
- Interviews et portraits
- Carrière - Interviews
Interview de Romane Le Royer le 20-11-2024
Peggy Focheux-Duval, directrice du programme RiseHY pour Hyatt Hotels Corporation Crédit photo © Hyatt Hotels & Resorts Elle évolue au sein du groupe Hyatt depuis plus de 27 ans. Peggy Focheux Duval a, en effet, fait ses premiers pas comme manager Food&Beverage pour l’Hyatt Regency Greenwich dans l’État du Connecticut, avant de revenir en France, et plus particulièrement au Hyatt Regency de l’aéroport parisien de Charles de Gaulle, dont elle devient la directrice des ressources humaines en 2008. En 2013, elle évolue pour devenir directrice de l’apprentissage et du développement pour Hyatt France. Après 10 ans à ce poste, et souhaitant rester dans ce domaine de la formation, elle prend la tête du programme RiseHY.
Le programme RiseHY de Hyatt, officiellement lancé en octobre 2018 après deux années de préparation, est le fruit des efforts de l’équipe de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), à la demande de Mark Hoplamazian, directeur général du groupe. Dès 2016, l’objectif était clair : développer une initiative qui aurait un impact positif sur les communautés locales, dans le monde entier. Le programme s’est alors concentré sur le soutien aux jeunes éloignés de l’emploi, qui possèdent du potentiel, mais manquent de réseau et de ressources pour le concrétiser. Aujourd’hui, alors qu’un huitième de la population mondiale est âgée de 15 à 24 ans, 23 % de cette catégorie est éloignée de l’école et de l’emploi.
Le programme vise un objectif ambitieux : d'ici à la fin de 2025, Hyatt s’est engagé à recruter et à accompagner 10.000 de ces jeunes à travers le monde, en leur offrant des opportunités de formation et de développement professionnel dans le secteur de l'hôtellerie. Plus qu’une simple initiative de recrutement, RiseHY repose sur des partenariats avec des associations locales et propose un accompagnement personnalisé, incluant mentorat et coaching, pour aider ces jeunes à s’épanouir.
En avril 2023, après une période rendue compliquée par la pandémie de COVID-19, environ 6.150 jeunes avaient déjà intégré le programme, dans 67 pays différents. Après la crise, Hyatt a redoublé d’efforts pour atteindre l’objectif fixé et continuer d'offrir des opportunités dans une grande majorité de ses hôtels. L’engagement reste solide : connecter le talent de ces jeunes à de réelles perspectives de carrière dans l’hôtellerie. Un engagement qui tient à cœur à Peggy Focheux Duval, que le Journal des Palaces a pu rencontrer.
Journal des Palaces : Comment se déroule le recrutement des jeunes qui intègrent le programme RiseHy ?
Peggy Focheux Duval : Il y a beaucoup de proactivité de notre part. Une des facettes du rôle que j'occupe aujourd'hui est de développer des partenariats avec des associations. Dans le monde associatif, nous avons à la fois les grandes organisations, à l'échelle internationale, et de toutes petites associations qui connaissent les jeunes à l'échelle locale. On ne ferme la porte à personne. Nous sommes partenaires avec des associations parce que nous ne pouvions pas simplement nous déplacer dans des quartiers prioritaires et proposer des formations, nous n’aurions pas été crédibles. C’est pour cela qu’on salue et qu'on valorise ces associations à travers le monde, parce qu'elles ont la crédibilité, elles ont l'expérience, elles connaissent ces jeunes et elles ont un lien très fort avec eux. Nous avançons avec ce principe de valorisation de cette relation et l’idée que nous travaillons d’égal à égal. Ce n’est pas un groupe hôtelier qui va sous-traiter avec une association ; nous nous rassemblons autour d'une même conviction que ces jeunes sont débordants de talent et qu’il faut les accompagner.
Dans certains quartiers, où il n’existe pas forcément d’association avec laquelle former ce partenariat, ce sont les hôtels qui ouvrent leur porte en grand, et nous pouvons procéder à un recrutement « organique », en direct. Les jeunes qui participent au programme sont également de très bons ambassadeurs, puisqu’ils font venir des amis à eux qui sont dans un même quartier.
Quel autre rôle peuvent jouer les associations, en dehors du recrutement ?
Elles nous permettent d'avoir un soutien pour organiser des programmes de formation. Il y a trois parties dans ces programmes. La première, c'est l’apprentissage de ce qu’une de nos associations partenaires au Royaume-Uni appelle les « Life Skills », les compétences de vie. Parce que certains de ces jeunes doivent réapprendre à se lever le matin, à être à l'heure pour des rendez-vous. Il y a ensuite ce qu'on appelle les « Soft Skills », les compétences sociales et émotionnelles : l'idée, c'est de leur redonner confiance en eux. Alors avant même d'envisager une formation technique, nous souhaitons leur montrer leur montrer qu’ils peuvent avoir confiance en nous et en eux-mêmes. C'est pour ça qu'on effectue un travail autour des compétences sociales et émotionnelles en amont.
Existe-t-il un dénominateur commun entre les communautés défavorisées ou diffèrent-elles complètement d’un pays à l’autre ?
Chaque jeune est lu dans son individualité. On commence souvent avec l’idée que ces jeunes se désintéressent du secteur de l’hôtellerie. En France, nous avons accompagné des jeunes qui ne se voyaient aucunement dans ce domaine. En Inde, en Thaïlande, en Malaisie, par exemple, on a des jeunes dont le rêve était de faire une école hôtelière, mais dont les parents n'étaient pas en mesure de payer l'école.
Chaque culture, chaque jeune, a quelque chose d’unique. Nous avions à cœur de comprendre qui sont les jeunes, quelles sont leurs caractéristiques, quels sont localement leurs besoins, de façon à toujours déployer un programme local qui ait du sens.
On retrouve des caractéristiques communes, parce que tous, pendant plusieurs semaines, ont besoin d'une formation technique. En revanche, c'est une formation que l’on adapte, nous avons autant de cas de figure que de jeunes : ils ont parfois été élevés dans des orphelinats, et sont ensuite un peu livrés à eux-mêmes dans certains pays, on a des jeunes qui sont parfois issus de l'immigration. Il y a une diversité qui rend l'aventure extrêmement riche, et qui ne laisse personne insensible.
Quelles sont les associations qui ont pu vous accompagner en France ?
Nous avons bâti notre programme en France exclusivement avec l’association Les Déterminés, en 2019, après une rencontre avec Michel Morauw, alors vice-président régional d’Hyatt France. C’est une association qui continue de se développer, et qui au tout début a permis de faire le lien avec les petites associations de quartier. Le côté multisectoriel des Déterminés, qui ont de leur côté une activité d’entrepreneuriat, permet aux jeunes qui entament le programme dans nos hôtels et qui s'aperçoivent au bout de quelque temps qu’ils ne sont pas intéressés par l’hôtellerie, d’être accompagnés et réorientés vers d'autres secteurs. Si ça ne fonctionne pas avec Hyatt, l’association continue d'accompagner ces jeunes.
Quelles sont les formations techniques que vous proposez, et pour quels types de métiers ?
Beaucoup de choses ont évolué avec le temps. Quand on a lancé le programme, on avait identifié trois postes qui semblaient être les plus pertinents : serveurs de restauration, commis de cuisine, et employés d'étage. Nous nous sommes rendu compte qu'on avait des jeunes qui arrivaient avec des cursus ou des envies différentes, donc on ne s'interdit aucun poste. Aujourd’hui, nos jeunes travaillent dans tous nos secteurs, que ce soit le spa, la sécurité, la finance, la restauration ou la cuisine.
Cette formation prend différentes formes selon les hôtels. On a des hôtels qui ont des programmes départementaux de formations, où on va inculquer les bases des métiers.
En France, mais pas seulement, pour répondre à la demande des jeunes qui veulent être « mis dans le bain ». Ils vont être mis en situation d'apprentissage sur le terrain. Ils vont être encadrés par des « buddies », des employés qui sont au même niveau que les jeunes du programme, et qui sont une forme de référent informel sur le terrain. Parce qu'on sait que parfois, il y a des questions qu'un jeune n'osera jamais poser à son responsable, donc il y a ce lien d’égal à égal. Nous avons également des coachs qui vont être là pour observer les jeunes, les accompagner, les aider à s’améliorer.
Enfin, nous avons un programme de mentorat, pour permettre aux jeunes de se projeter dans l'avenir. Ce sont parfois les managers qui sont impliqués dans le programme, et qui me demandent à en faire partie.
À quel moment dans leur parcours au sein d’Hyatt pouvez-vous leur proposer une mobilité internationale ?
Nous avons toujours pris beaucoup de précautions, parce qu'on veut être sûrs qu'un jeune ait envie de voyager pour les bonnes raisons et non pas qu'il doive quitter son pays pour trouver une opportunité. Beaucoup de jeunes, malheureusement, sont dans une telle situation de pauvreté qu'ils veulent absolument se donner une chance et partir.
La mobilité reste possible dès le départ, tout en sachant qu'on est extrêmement vigilants, parce qu'on veut absolument qu’elle soit à l'initiative du jeune. Dès lors qu'un jeune est recruté dans nos hôtels, c'est un collègue à part entière. Il a les mêmes chances, les mêmes opportunités d’évolution qu'un autre.
Et, concernant la mobilité en poste ?
En moyenne, on dit qu'il faut 12 à 18 mois pour vraiment être en maîtrise de son poste actuel. On veut les encourager à se développer, mais on s'est rendu compte que certains, par l'histoire qu'ils ont vécue, veulent parfois aussi profiter de cette nouvelle vie. Il faut un sas de décompression, une stabilité parce qu'il se passe beaucoup de choses dans leur vie en très peu de temps. Alors, on respecte ça, mais nous voulons aussi leur proposer une évolution s’ils le souhaitent.
Par ce programme, Hyatt cherche avant tout à aider les communautés que le groupe côtoie, mais pas forcément une rentabilité des investissements ?
Absolument. L'hôtellerie, c'est un poste d'humain à humain. Nous n’avons pas la prétention d'être l'employeur parfait. Nous provoquons la rencontre de deux mondes dont il était préalablement écrit qu'ils ne devraient jamais se croiser. Nous forçons ce chamboulement et on en est fiers. Si on les remet en mouvement, ça nous va aussi, nous sommes contents. C’est une philosophie : si nous les avons aidés à devenir des adultes, alors nous avons réussi.
Vous avez officiellement lancé le projet en octobre 2018. Un an plus tard commençait la pandémie de COVID -19. Quels ont été vos principaux défis dans ce projet ?
Le COVID a été un gros obstacle, notamment pour l'Amérique du Nord, qui était la région géographique qui, dès le début 2019, a vraiment travaillé sur ce projet. Il fallait trouver des partenaires associatifs, il fallait articuler les programmes, donc la pandémie a été un vrai défi. C’est d’ailleurs cette recherche de partenaires associatifs aux États-Unis qui représente un énorme défi. La forme fédérale du pays a rendu plus ardue la tâche de tisser des liens avec les associations, et avec les jeunes, qui sont bien moins proches des aides qui existent peut-être autour d’eux.
Mais nous avons surtout dû faire face au défi du biais inconscient selon lequel ces jeunes, parce qu'ils ne sont pas à l'école ou en situation d’emploi, auraient fait quelque chose de mal. Il faut changer le regard porté sur ces jeunes qui ont une telle résilience qu'ils ont développé une intelligence émotionnelle. Ces jeunes méritent autant d’opportunités et de considération que tout autre jeune.
Vous vous êtes fixés comme objectif d’atteindre les 10 000 jeunes formés et employés, à l’horizon 2025. Quels sont les autres objectifs que vous préparez pour ce projet ?
Nous avons, pour l'instant, un objectif fondamental d'accompagner les jeunes dans leur développement, mais également nos équipes pour qu'elles aient toutes les ressources disponibles pour s'établir dans ces rôles de coachs et de mentors. Nous lançons aussi un conseil international constitué de dizaines d’employés formés via le programme RiseHY pour que l’on puisse comprendre ce qu'on peut faire pour avoir plus et encore mieux pour les accompagner.
Et, au-delà de 2025, quel avenir pour le programme ?
Ce n'est pas encore fixé. Nous effectuons un travail de recherche aujourd'hui, nous prenons le temps de nous entretenir avec des ONG, avec nos collègues, avec des leaders, avec les jeunes. Nous avons le sentiment qu'il serait fou de nous arrêter là parce que l’on a l’humilité de dire que le nombre de vies sur lesquelles on a un impact positif est encore trop limité. Il y a encore beaucoup de choses à faire, donc on nourrit l'espoir que l’aventure se poursuive.
Quelles seraient vos solutions concrètes pour augmenter l'attractivité du secteur de l’hôtellerie et de la restauration ?
Pour moi, qui voue une passion sans limite au leadership et à l’humain, l'attractivité du secteur vient de l’environnement dans lequel on évolue. C'est un environnement dans lequel on a envie de venir travailler avec le sourire, d'apprendre, de s’épanouir. Je place donc beaucoup de responsabilités sur les épaules du leader, qui a la capacité d’influencer positivement les équipes. Il ne faut pas oublier le rôle humain qu’il joue dans une équipe. Le fait de donner envie à un collaborateur de rester se travaille plus sur le relationnel au sein de l’équipe que sur le reste.
|
|