INTERVIEW - ÉRIC DARDÉ, FONDATEUR, BEAUMIER : « LE LEADERSHIP EN MANAGEMENT, CE N'EST PAS ÉCRIRE DES PROCÉDURES, MAIS PASSER DU TEMPS AVEC LES ÉQUIPES » (France)
Alors qu'il a débuté sa carrière en tant que serveur, Éric Dardé, aujourd'hui à la tête d'un groupe hôtelier, accorde un soin tout particulier à la formation de ses équipes et à la relation qu’il entretient avec elles.
INTERVIEW - ÉRIC DARDÉ, FONDATEUR, BEAUMIER : « LE LEADERSHIP EN MANAGEMENT, CE N'EST PAS ÉCRIRE DES PROCÉDURES, MAIS PASSER DU TEMPS AVEC LES ÉQUIPES » (France)
Alors qu'il a débuté sa carrière en tant que serveur, Éric Dardé, aujourd'hui à la tête d'un groupe hôtelier, accorde un soin tout particulier à la formation de ses équipes et à la relation qu’il entretient avec elles.
L’histoire d’Éric Dardé a tout du conte moderne. Celui d’un autodidacte qui, à la force de sa volonté, de sa curiosité et de son engagement, a gravi les échelons et bâti un groupe hôtelier comptant dix hôtels partagés entre mer et montagne.
Un parcours exceptionnel dont il ne tire aucune gloire, sinon de faire ce qu’il aime, en accord avec ses valeurs et ses principes. Surtout, le dirigeant en a fait sa force. Amoureux du terrain depuis toujours, il a développé une approche très personnelle de manière à ne jamais se couper de cette réalité qui irrigue ses choix. Prompt à empoigner la serpillère pour nettoyer lui-même le sol d’un de ses hôtels, Éric Dardé ne jure que par l’exemple qui inspire et forge le respect de ses équipes. Des salariés dont il se veut proche afin de leur transmettre son savoir-faire, lui qui a tout connu, depuis les verres du bar aux tableaux Excel de revenue management, et de comprendre leurs attentes.
Plus qu’une marque, l’entrepreneur a voulu Beaumier comme une « famille » dont les membres partagent la même culture de l’hospitalité et de l’engagement envers le client et la localité. Entre croissance et transmission, ce passionné s’est confié au Journal des Palaces sur son approche du management et son lien organique avec ceux qui contribuent chaque jour à la réussite de son aventure.
Journal des Palaces : Vous avez recruté durant l’été une nouvelle responsable des ressources humaines, spécialisée dans le recrutement et l’attractivité. Quelle est votre stratégie ?
Éric Dardé : Nous attendons d’elle qu’elle nous aide à trouver ces talents qui ont la même vision que nous. Trouver des personnes très bonnes techniquement n’est pas facile, mais possible, mais trouver des talents qui s’intègrent dans un collectif, dans notre culture, c’est une autre paire de manches. Nous avons besoin que Marie-Charlotte (Deleuze) nous aide à décrire ce que veut dire cette culture, nous apporte une méthodologie concrète pour aller au-delà du slogan marketing.
Comment traduiriez-vous la culture que vous défendez ?
Chez Beaumier, qu’on soit au marketing, à la comptabilité, au contrôle de gestion ou en réservation, nous sommes tous des personnes de terrain. Tout le monde connaît nos hôtels et je fais participer aux projets de rénovation. Il y a une approche de terrain avec une obsession pour le client. Tous les matins, nous devons nous lever avec cet objectif de prendre soin de nos clients.
Personnellement, à la base, je suis un serveur sans diplôme qui n’a pas été à l’école, mais cela fait 30 ans que je fais et suis passionné par ce métier. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est parce que j’ai investi mon énergie et mon temps à m’occuper de mes clients, de mes équipes, et à savoir compter. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires en 30 ans, qui m’ont énormément appris. J’ai tout fait, certes sans talent, mais avec sens. J’ai été serveur, barman, réceptionniste, revenue manager, dans le marketing, la vente, directeur des opérations dans des hôtels une étoile, deux étoiles… J’ai toujours eu cette obsession du terrain et c’est la seule chose qui me parle.
Quelle place occupe le mentorat dans votre approche du travail avec vos équipes ? Comment transmettez-vous votre passion ?
Il n’y a pas de règle, mais il ne faut jamais faire les choses par systématisme, mais avec naturel, sens et simplicité. Le leadership en management, ce n’est pas écrire des procédures, mais passer du temps avec les équipes. Je ne planifie pas mon année, en revanche, je vais là où je pense que c’est nécessaire. Historiquement, tous les étés, j’allais aux Roches Rouges pour la préouverture et mes tâches étaient : nettoyer les fenêtres du restaurant, mettre les housses sur les coussins des transats de la plage. J’en profitais pour parler aux équipes, goûter la nouvelle carte avec le chef.
L’hiver dernier, en rouvrant les hôtels, je suis passé dans chacun. J’ai rempli mon rôle de président de groupe, mais j’ai aussi passé la serpillère dans le hall à Val Thorens, car j’estimais que ce n’était pas assez propre. Dès que vous faites ça, vous envoyez un message à vos équipes. Mettre la main à la pâte apporte toujours quelque chose. Déjà en tant que directeur d’hôtel, je passais ma vie sur le terrain à montrer l’exemple et à cette condition, les équipes vous suivent. C’est plus compliqué aujourd’hui avec dix hôtels, mais je le fais encore différemment. En grandissant, garder cette complicité avec les équipes devient de plus en plus dur et si nous la perdons, il devient difficile de comprendre les besoins des équipes, car elles n’osent plus nous les dire. Ce sera l’un des rôles de Marie-Charlotte et ses équipes : maintenir le lien, la proximité.
Vous fonctionnez sur un modèle saisonnier. Comment a évolué votre gestion du personnel par rapport à ce rythme ?
Notre envie de fidéliser nos équipes est récente, car ce n’est que récemment que nous avons trouvé une bonne balance. 2024 sera probablement la première année avec un équilibre entre été et hiver.
Le saisonnier a un profil atypique, puisque ce sont majoritairement des personnes qui le font une courte période de leur vie. Rares sont ceux qui le font pendant 10 ans, ça va représenter 5 % de vos équipes. Ce que nous essayons de faire dans notre approche, c’est la règle des 80-20, c’est-à-dire que nous faisons un gros effort sur les 20 % de nos équipes qui ont envie de nous suivre saison après saison. Nous essayons, à travers notre culture et notre philosophie de ressources humaines, de reconnaître ces personnes-là. Nous allons leur donner tout ce dont ils ont besoin pour s’exprimer et grandir avec nous.
Vous manifestez un attachement très fort à vos équipes. En quoi les traitez-vous différemment d’un autre groupe ?
Nous offrons à nos équipes une liberté qu’elles trouveront rarement dans d’autres groupes hôteliers. Cette liberté entre dans une méthodologie de travail. Nous apportons à nos créatifs une cohérence, une compréhension de nos clients, la capacité à savoir compter, faire une fiche technique, bien gérer les équipes et les coûts matière. Derrière, nos créatifs ont juste à s’exprimer. Par exemple, nos chefs créent eux-mêmes leur carte, ils vont choisir eux-mêmes leurs producteurs. Leur seule contrainte, c’est notre promesse de mettre en avant la localité avec des produits de saison. Si vous demandez des sushis, vous n’en aurez que si nous nous implantons au Japon.
Nous avons cette envie sincère de laisser beaucoup d’autonomie à nos équipes dans la mesure où elles prennent plaisir à faire plaisir dans notre cadre. C’est assez unique et c’est ce qu’il y a de plus dur à mettre en place. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous offrons cette possibilité d’intégrer un collectif dans lequel vous pouvez participer à créer une vision de l’hospitalité.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui envisage de lancer sa carrière dans ce secteur de l'hôtellerie de luxe ?
Il faut être très ouvert d’esprit, être une éponge, car, même dans les moments difficiles, on apprend énormément. Il faut aussi être un gestionnaire quoi qu’on fasse. Si vous êtes généreux, en général, on vous le rend, et vous créez ainsi un environnement dans lequel on partage avec vous. Cela va vous faire grandir.
L’hôtellerie, c'est beaucoup d’humain, donc si l’on a cette générosité, et que l’on l’équilibre avec un cerveau bien fait, en sachant compter, on ne peut que réussir.
Dans la réalité d’une vie d’entreprise, il y a toujours un aspect économique. Les résultats économiques permettent de payer les salariés, les investisseurs et il faut savoir le faire intelligemment, et donc comprendre les différents aspects d’un bon business. Il n’y a rien de compliqué, mais il faut y penser très jeune, car ça éduque et cela aide à comprendre le contexte et pourquoi certaines décisions sont prises.
Journaliste aux multiples atouts et voyageur curieux, Christopher a une grande appétence pour les établissements au raffinement soigné, où s’accordent gastronomie de caractère, service impeccable et élégance sincère. Une plume discrète et gourmande au service d’une certaine idée du luxe.