INTERVIEW - ÉLODIE LACROIX, GENERAL MANAGER SOFITEL ROME VILLA BORGHESE : « L'HÔTELLERIE DE LUXE EST AVANT TOUT UN SAVOIR-FAIRE QUI RESPECTE L'INTIMITÉ DU CLIENT ET LUI APPORTE UNE COMBINAISON DE SENSATIONS » (Italie)
À la tête de l’un des fleurons de l’hôtellerie romaine, Élodie Lacroix s’est totalement fondue dans l’art de vivre à l’italienne, dont elle a adopté tous les codes |
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INTERVIEW - ÉLODIE LACROIX, GENERAL MANAGER SOFITEL ROME VILLA BORGHESE : « L'HÔTELLERIE DE LUXE EST AVANT TOUT UN SAVOIR-FAIRE QUI RESPECTE L'INTIMITÉ DU CLIENT ET LUI APPORTE UNE COMBINAISON DE SENSATIONS » (Italie)
À la tête de l’un des fleurons de l’hôtellerie romaine, Élodie Lacroix s’est totalement fondue dans l’art de vivre à l’italienne, dont elle a adopté tous les codes |
Catégorie : Europe - Italie - Interviews et portraits
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Interview de Guillaume Chollier le 22-09-2023
Sur les hauteurs de Rome, à quelques pas seulement des jardins de la Villa Borghese, véritable îlot de verdure et de zénitude de style anglais, parsemé de fontaines et de statues, le Sofitel Rome Villa Borghese couve la Ville éternelle du regard. À la fois proche des lieux du quartier des ambassades, mais aussi de la Piazza di Spagna, de son célèbre escalier de la Trinité-des-Monts et de la fontaine de Trévi, l’un des emblèmes de Rome, cet ancien palazzo du XIXe siècle, dont la décoration intérieure a été signée Jean-Philippe Nuel, est un cocon dans une ville trépidante, qui est également l’un des berceaux de l’histoire.
À la tête de cette institution hôtelière de la ville, Élodie Lacroix est une GM épanouie et heureuse. Diplômée de l’ESC Rouen, appelée aujourd’hui NEOMA, elle complète un master en Marketing et Category management. Habitée depuis longtemps par le monde de l’hôtellerie et vouant une réelle appétence pour ce secteur, elle sollicite le groupe Accor pour son stage de fin d’études, en vue de son mémoire intitulé : La marque Sofitel pourrait-elle être la bernache de luxe du groupe Accor ?
Ainsi, c’est en Chine qu’elle débute comme stagiaire au sein de l’enseigne, en 2007. Deux ans plus tard, elle saisit une opportunité d’emploi de sales manager pour les Sofitel au Luxembourg, avant d’être promue directrice commerciale au sein du Sofitel St James de Londres, l’une des vitrines de la marque. Trois ans plus tard, elle rejoint les équipes du groupe Arora, propriétaire de deux Sofitel, dont celui d’Heathrow, le principal aéroport de la capitale anglaise.
En 2013, elle intègre, pour 18 mois, le groupe Jumeirah pour lequel elle ouvre, en sa qualité de directrice des ventes et de la marque, les marchés France, Benelux et Italie. Puis, elle saisit l’opportunité que lui offre le groupe Raffles pour reprendre la direction commerciale et marketing du Royal Monceau, qui vient de décrocher le statut Palace.
En 2016, Élodie Lacroix est sollicitée par le groupe Hilton pour reprendre la Direction Commerciale et Marketing du Rome Cavalieri, A Waldorf Astoria Hotel, à Rome et lui propose un programme de développement pour devenir general manager un an plus tard.
C’est alors que, fin 2022, le groupe Accor et la marque Sofitel lui présentent l’opportunité d’occuper la Direction Générale du Sofitel Rome Villa Borghese, récemment rénové.
Totalement investie, avec ses équipes, afin de positionner ce bel établissement sur un marché dans lequel le luxe se développe très rapidement depuis deux ans, Élodie Lacroix a accepté d’évoquer, pour le Journal des Palaces, les coulisses de cet établissement emblématique de la capitale romaine, ainsi que sa vie d’expatriée dans le secteur de l’hôtellerie de luxe dans l’une des capitales qui est, non seulement l’une des plus touristiques du monde, mais dans laquelle business et vie diplomatique sont également très présents.
Journal des Palaces : Pourquoi avoir choisi d’évoluer dans l’hôtellerie de luxe ?
Élodie Lacroix : Ayant passé tous mes étés à Cannes sur la Croisette, j’ai toujours adoré entrer dans ces beaux établissements situés sur ce boulevard mythique et voir l’attention que le personnel portait aux clients, le détail du service, l’expérience. De plus, j’ai été habituée pour chacun de mes anniversaires à une grande table, où je m’émerveillais, certes de la gastronomie, mais une fois de plus, du service. Le luxe m’a toujours fascinée, cependant, après mon premier stage pour la marque Louis Vuitton, j’ai compris que c’était le service de luxe qui me plaisait plus que le produit. J’ai donc naturellement intégré et évolué au sein de différentes marques hôtelières de luxe, ce qui m’a permis de voir à travers chacune d’elles : les services, les expériences, les standards et leur définition du luxe.
Quelle est votre définition de l’hôtellerie de luxe ?
L’hôtellerie de luxe est avant tout un savoir-faire qui respecte l’intimité du client et lui apporte une combinaison de sensations. Elle est l’attention aux détails, la personnalisation, la facilitation et la surprise que nous offrons à nos clients. L’hôtellerie de luxe offre des expériences exclusives et authentiques. Enfin, elle est, et se doit, d’être responsable et innovante.
Quels sont, selon vous, les principaux défis et opportunités auxquels fait face ce secteur ?
L’hôtellerie de luxe ne s’arrête plus, aujourd’hui, à de beaux établissements. Face à la diversité des produits, les hôteliers de luxe se doivent d’être exigeants. En effet, le luxe se définit aujourd’hui par l’expérience offerte aux clients, l’émotion que l’on crée, la surprise, et donc le souvenir qui restera. C’est à travers ces points que l’hôtellerie de luxe et chaque établissement doivent se différencier.
Face à une clientèle internationale, multigénérationnelle, avec des exigences de consommation et de services différents, l’hôtellerie de luxe doit être audacieuse, créative et doit s’adapter.
Enfin, le secteur doit faire preuve d’innovation et se doit d’être engagé sur des causes environnementales et de société.
Quelle est la situation de l’hôtellerie de luxe à Rome ?
Rome, la Ville éternelle, connaît un changement important dans l’hôtellerie de luxe. Pendant des années, elle ne comptait que quelques établissements de renom et de marque : Rocco Forte, Dorchester, St-Régis, Waldorf Astoria, Sofitel… Depuis 2 ans, nous observons de nouvelles ouvertures comme Six Senses, Bulgari et sont annoncés Rosewood, Mandarin Oriental, Orient-Express… Rome était une capitale bien en retard sur ce point, mais dont l’avenir est aujourd’hui très prometteur.
Quand a été créé le Sofitel Roma Villa Borghese ? L'hôtel se trouve dans un élégant bâtiment historique de sept étages datant du XIXe siècle, qui était à l'origine une maison d'hôtes appartenant à la famille aristocratique Ludovisi Boncompagni. On dit que Caravaggio a trouvé refuge dans l'écurie de la Villa Ludovisi Boncompagni pendant sa fuite. Aujourd'hui, les anciennes écuries abritent le rez-de-chaussée du Sofitel Rome Villa Borghese, caractérisé par des arcs, des plafonds voûtés et des sols en mosaïque. À l'origine annexe de la noble famille Ludovisi-Boncompagni, l'hôtel est ouvert par un Italien, en 1890, qui le baptise Hôtel Boston, en hommage à la ville américaine où il a fait fortune. En 1991, le bâtiment est acheté par le groupe Accor et devient Le Sofitel Rome. Il sera reconnu comme un hôtel cinq étoiles en 2008 et prendra le nom de Sofitel Rome Villa Borghese. Ayant 78 chambres et suites, et situé au pied des jardins de la villa Borghese, le Sofitel Rome Villa Borghese offre aux clients de l’intimité, un côté cosy, au calme, à cinq minutes à pied de toutes les attractions les plus connues de Rome.
Il a été rénové en 2019. Jean Philippe Nuel a su lui apporter un style contemporain qui fait la différence sur un marché très classique en y respectant la partie historique et la destination, grâce à de nombreux détails.
Enfin, le personnel du Sofitel travaille dans ce bel établissement depuis, en moyenne, 15 à 20 ans, ce qui offre au client un service exclusif, authentique et chaleureux. Ceci se retrouve souvent dans les commentaires que nous recevons de nos clients.
Comment se distingue-t-il des autres hôtels de luxe de Rome ?
Le Sofitel Rome Villa Borghese se distingue par son histoire, son bâtiment. Il fait partie des hôtels cinq étoiles historiques de la ville de Rome. Son style contemporain lui a permis de redynamiser son image et la marque Sofitel. Il se distingue par son service, grâce aux équipes de l’hôtel qui sont passionnées et fidèles. C’est le seul hôtel de luxe ayant ce « french zest » qu’apporte la marque et le savoir-faire reconnu des Français.
Quels objectifs vous ont été assignés lors de votre prise de poste ?
Le Sofitel Rome Villa Borghese ayant été rénové en 2019, il a, malheureusement, connu, comme tout le monde, les effets du Covid, lors de sa réouverture. Il y a donc un enjeu de positionnement ou repositionnement marketing et de communication à ajuster et renforcer sur le marché local, car la communication de la rénovation des lieux a été étouffée par cette pandémie. Il y a aussi un enjeu de marque puisqu'il est le seul Sofitel en Italie.
Un objectif m’a également été confié en matière de restauration, qui connait une concurrence importante à Rome. Nous travaillons donc sur notre différenciation, qui pourrait plaire tant à la clientèle locale qu’internationale.
Enfin, un objectif commercial m’a été fixé en positionnant notre établissement comme une oasis de paix pour les groupes, les incentives et évènements jusqu’à 30 personnes, ainsi qu’en le positionnant sur des marchés non ou peu approchés jusqu’à présent.
Quels sont vos projets pour vous démarquer encore davantage de vos concurrents ?
Nous avons tout d’abord un projet artistique ! Je souhaite que le Sofitel Rome Villa Borghese devienne la maison des jeunes artistes de demain. Nous avons déjà commencé à approcher de jeunes artistes en leur permettant d’exposer et de vendre.
Nous soutenons un projet de restauration, en mettant à l’honneur une gastronomie italienne à travers une carte saisonnière romaine et un menu de dégustation, en invitant tous les deux mois une région italienne au Settimo, notre restaurant.
Nous souhaitons, de plus, afficher un zeste français, avec l’idée de créer le meilleur croissant français à Rome et d’inclure dans notre offre de restauration des touches françaises. Ainsi, depuis septembre, notre carte s’enrichit d’un plateau de fromage franco-italien, d’une carte des vins d’exception, tant français qu’italiens. Enfin, pour Noël, nous proposerons un panettone au foie gras et une bûche au Limoncello.
Enfin, nous suivons un projet « ESG » souhaitant engager l’hôtel envers les communautés locales et travaillant sur une certification « green key ».
Je poursuis aussi un autre objectif : mettre à l’honneur ceux qui rendent le séjour de nos clients, inoubliable, je parle bien sûr de mes équipes passionnées, attentionnées et expertes.
Quel type de clientèle recevez-vous ?
Nous avons majoritairement une clientèle loisir : couples ou familles, mais également une clientèle d’affaires et institutionnelle. Comme tous les hôtels d’Italie, nous avons environ 40% d’Américains, suivis des Français, Européens, Anglais. Nous accueillons de plus en plus des clients de l’Amérique latine et du Moyen-Orient. Nous pensons voir une hausse de la clientèle asiatique dans les deux prochaines années.
Quelles expériences uniques proposez-vous à vos clients ?
Nous proposons des expériences uniques selon différentes catégories : culture, gastronomie, art et artisanat, « green », aventure, wellness. Nous aimons offrir des expériences sur-mesure en découvrant avant tout l’émotion que nos clients recherche.
En septembre, l’expérience, que nous appelons Golden hour, est très appréciée par nos clients : un de nos guides experts de la ville, qui dispose d’une multitude d’anecdotes sur Rome, vient chercher nos clients en Fiat 500 décapotable, en fin de journée, afin de leur faire visiter la ville qui s’habille d’or au coucher du soleil.
Par ailleurs, nous accompagnons les amoureux de l’artisanat italien dans un atelier dans lequel ils peuvent créer eux-mêmes leurs fameuses et uniques sandales romaines.
Combien de collaborateurs et de nationalités travaillent au Sofitel Rome Villa Borghese ?
Nous avons 93 collaborateurs dont 70% sont des Italiens et 30% proviennent de différents pays comme la France, l’Espagne, les Philippines, Libye, Russie, Égypte, Maroc, Roumanie, Bangladesh, Cameroun.
Pourquoi avoir épousé une carrière en Italie ? Quels sont les bienfaits d’une expérience internationale ?
J’ai eu une opportunité sur une marque de luxe de renom et un établissement iconique de Rome, Le Rome Cavalieri, A Waldorf Astoria Hotel ! Mais, je n’ai pas qu’épousé une carrière en Italie, j’ai aussi épousé un Italien et fondé une famille de deux petits garçons.
Une expérience à l’international permet de développer son sens de l’adaptation, de découvrir d’autres cultures, coutumes, traditions qui vous enrichissent. Cela vous ouvre la tête et surtout l’esprit !
Dans l’hôtellerie de luxe, comment sont perçus les Français et les directeurs français en Italie ?
Les Français sont reconnus pour un savoir-faire dans le luxe : art, mode, gastronomie, art de la table, design… Nous sommes très présents dans ces domaines et de ce fait les directeurs français sont respectés. Toutefois, ils se doivent de respecter les traditions italiennes. L’Italie a aussi une place de renom dans le secteur du luxe.
Vous travaillez à Rome depuis 2016, qu’appréciez-vous le plus dans votre pays d’adoption ?
L'Italie possède le plus grand patrimoine artistique et culturel du monde, un mélange d'œuvres d'art incroyables qui vivent en équilibre entre paysage, culture, art, histoire et architecture. On parle d’un véritable musée à ciel ouvert pour de nombreuses villes !
L’Italie, c’est aussi une gastronomie de tradition qui se transmet de génération en génération. Chaque région a ses spécialités. Je ne savais pas faire des pâtes avant d’arriver en Italie : c’est une véritable institution et un sujet très sérieux ici. J’ai également été étonnée de la variété de vins de qualité que l’Italie propose. Je pense qu’il faudrait une vie entière pour tous les découvrir !
Enfin, j’apprécie la variété des paysages, à quelques heures de Rome ou de la côte Amalfitaine, d’où vient mon époux, ce qui nous permet de partir au bord de la mer, à la montagne, aux lacs, voir des cascades… Le tout, en quelques heures. Je dois avouer que ces escapades me donnent une sensation de vacances en deux jours.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite évoluer dans le secteur de l’hôtellerie de luxe à l’étranger ? Osez partir et vous ouvrir ! Le luxe à l’étranger vous apprend des codes, des traditions et des coutumes différentes. Ces richesses vous forgeront dans votre manière d’aborder l’établissement que vous régirez un jour et face à une clientèle de luxe internationale, sensible au respect de leurs traditions et de leurs codes.
Osez prendre de nouveaux défis et de sortir de votre zone de confort ! Je pense qu’une carrière internationale rend les candidats plus forts et plus expérimentés. Mais, pour cela, il faut oser changer, être curieux d’apprendre et savoir se remettre en question.
Trouvez vos mentors, il me semble important d’apprendre et d’être guidé par des seniors. À vous de choisir vos mentors en fonction de leur parcours, expériences et personnalité.
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