Le Journal des Palaces

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INTERVIEW – VINCENT POULINGUE, DIRECTEUR GÉNÉRAL, HÔTEL DU PALAIS, BIARRITZ : « DANS L'HÔTELLERIE DE LUXE, TOUT DOIT SE FAIRE DANS L'AISANCE » (France)

Cinq mois après sa prise de fonction, Vincent Poulingue raconte son arrivée à la direction générale de l’Hôtel du Palais, l’institution de Biarritz et de la côte Atlantique, ainsi que sa vision d’un métier exigeant où il faut sans cesse donner l’exemple.

INTERVIEW – VINCENT POULINGUE, DIRECTEUR GÉNÉRAL, HÔTEL DU PALAIS, BIARRITZ : « DANS L'HÔTELLERIE DE LUXE, TOUT DOIT SE FAIRE DANS L'AISANCE » (France)

Cinq mois après sa prise de fonction, Vincent Poulingue raconte son arrivée à la direction générale de l’Hôtel du Palais, l’institution de Biarritz et de la côte Atlantique, ainsi que sa vision d’un métier exigeant où il faut sans cesse donner l’exemple.

Catégorie : Europe - France - Interviews et portraits - Interviews
Interview de Christopher Buet le 11-08-2023


L’hôtel trône sur la falaise tel un palais surplombant l’océan devant lui, la cité balnéaire de Biarritz et ses plages secouées par les rouleaux d’écume. Au loin, les Pyrénées découpent l’horizon, offrant un cadre si spécial à ce lieu. Dans ce décor unique, l’Hôtel du Palais, membre de The Unbound Collection by Hyatt, et ses façades rouge brique et beige coiffées d’un toit de pierres grises fait figure d’institution et se pose comme le phare de l’hôtellerie de luxe sur la côte atlantique dont il est l’unique palace. Un statut rare qui témoigne de l’excellence de l’endroit.

Bâti en 1855, l’édifice n’est au départ pas destiné à être un hôtel. En effet, c’est Napoléon III qui en ordonne la construction afin d’offrir une résidence d’été à l’impératrice Eugénie. La Villa Eugénie, comme on l’appelait, restera la propriété du couple impérial jusqu’à 1880 et sa vente qui acte sa transformation en hôtel-casino d’abord puis en hôtel à compter de 1892.

Cet ancrage, hérité du Second Empire, a survécu au temps et a été sublimé par les récentes rénovations qui se sont étalées de 2018 à 2022. Un travail patrimonial et contemporain pour permettre à l’Hôtel du Palais d’épouser son époque et d’en relever les défis, notamment environnementaux.

Une perspective qui enthousiasme Vincent Poulingue. Nommé directeur général début 2023, ce Normand aux racines bretonnes entend bien entretenir le prestige du lieu dans un mariage harmonieux d’exigences, de luxe et de convivialité, comme il l’a expliqué longuement au Journal des Palaces.

Journal des Palaces : Pourriez-vous évoquer les grandes lignes de votre parcours ?

Vincent Poulingue : J’ai fait une école hôtelière, à Dinard, avec un BTS, que j’ai complété par un troisième cycle avec un MBA en Gestion hôtelière internationale à l’ESSEC, en partenariat avec Cornell. Ensuite, j’ai intégré le groupe Barrière comme contrôleur de gestion dans les hôtels, d’abord du Royal de La Baule, celui de Deauville puis Le Normandy toujours à Deauville où j’ai terminé ma carrière en qualité de directeur financier. Puis, j’ai passé 14 ans avec InterContinental en tant que EAM et GM dans divers pays pour enfin rejoindre Hyatt en avril dernier pour prendre la direction générale de l’Hôtel du Palais.

Pourquoi avoir quitté les métiers de la finance pour des postes plus opérationnels ?

Quand j’ai décidé de faire de l’hôtellerie, mon but était de devenir un jour directeur général d’un hôtel. En discutant avec des professionnels puis au cours de mes études, je me suis persuadé qu’il fallait être un bon gestionnaire et que cela passerait par la finance. Puis, j’ai eu un choix à faire. Soit, je restais à faire de la finance toute ma vie, soit je faisais ce que j’avais planifié de faire et je revenais vers les opérations pour compléter ma formation sur le terrain. J’ai pris cette chance et le groupe InterContinental m’a fait confiance. À l’époque, c’était Philippe Brovelli, vice-président des opérations pour la Polynésie Française chez InterContinental, qui m’a offert un poste de directeur adjoint à l’InterContinental de Tahiti.

J’y ai appris pendant quatre ans en étant responsable de toute la partie opérationnelle : chambres, restauration, maintenance, animation… Après quatre ans, le groupe m’a donné l’opportunité de rentrer en Europe, toujours en tant que n°2 mais d’un flagship, l’Intercontinental Paris – Le Grand, situé place de l’Opéra. Là, je me suis plus aguerri au luxe à la française dans cet écrin haut de gamme.

D’où est née votre passion pour l’hôtellerie ?

J’ai eu la chance de rencontrer très jeune Philippe Gazagne, à l’époque directeur général du Royal à Deauville puis directeur général du groupe. C’est quelqu’un qui m’a inspiré et avec qui j’ai beaucoup discuté. Je n’ai jamais pu travailler avec lui, mais il a joué un rôle important dans mes décisions. Quand j’ai quitté la finance pour l’opérationnel, c’est à lui que je me suis adressé.

Qu’avez-vous appris de Philippe Gazagne et qui vous sert encore aujourd’hui ?

Une attitude, sa façon d’approcher les choses, sa vision de l’hôtellerie de luxe, du développement et du service client.

Quelle vision de l’hôtellerie de luxe avez-vous construite ?

Dans ma vision, le luxe à la française, surtout dans l’hôtellerie, a une histoire, une tradition et des codes bien précis. En travaillant pour un grand groupe étranger et à l’international, j’ai découvert que nous pouvions faire évoluer tous ces codes et que la clientèle du luxe attendait plus. Ils veulent que nous délivrions un service toujours plus haut de gamme, mais tout en apportant une flexibilité et une adaptation à leurs besoins, avec une approche plus ludique du luxe. C’est ce que j’ai appris avec la clientèle étrangère, surtout en resort, où il faut être là sans l’être, être ultra-pointu. Dans l’hôtellerie de luxe, tout doit se faire dans l’aisance.

Tentez-vous de transmettre cette vision et ce savoir-faire à vos équipes ?

C’est un axe majeur de développement. Au quotidien, cela se traduit par beaucoup de management par l’exemple, pour montrer ce qu’on veut. C’est ainsi que j’ai appris et cela fonctionne bien avec des explications et de la communication. Je suis très régulièrement au contact des clients.

L’un des objectifs, en prenant le poste de directeur général de l’hôtel, était de renforcer le lien avec la clientèle. Je ne vais pas prendre les assiettes pour servir, mais si quelque chose traîne, je vais m’en occuper plutôt que de demander à quelqu’un d’autre de le faire. Je ne vais pas hésiter à tenir la porte ou aider à porter les bagages si besoin.

Pourquoi avoir adopté ce management de « proximité » ?

J’estime que ce que j’attends de mes équipes, je dois être le premier à être capable de le mettre en œuvre. Si je veux que mes équipes soient accueillantes, chaleureuses, aidantes, précises, il faut que je le sois aussi. Si je ne suis pas en mesure de leur montrer, elles n’auront aucune raison de me suivre.

Qu’appréciez-vous particulièrement dans le fait d’être directeur général ?

J’apprécie la diversité des rencontres que nous sommes amenés à faire à travers les équipes et la clientèle. Tout cela est très riche humainement. J’aime également être impliqué de A à Z, avoir la capacité de prendre des décisions. Ce n’est pas tant le fait d’être décisionnaire que d’être le chef d’orchestre.

J’aime avoir une vision globale sur le pilotage de l’entreprise, ne pas être cantonné à une tâche ou à un secteur d’activité. Et malgré tout, il faut être capable d’entrer dans le détail de chaque aspect de l’hôtel, de chaque décision. C’est palpitant.

Quelle vision du métier de directeur général avez-vous construit au fil des années ? Comment celle-ci a-t-elle évoluée depuis vos débuts ?

Ma vision a évolué comme celle de n’importe quel dirigeant au cours de sa carrière. Nous apprenons en voyant notamment des facettes du métier que nous n’imaginions pas forcément. J’ai à présent une vision plus large qui va au-delà du métier pour prendre en compte les tenants et les aboutissants en amont et en aval de l’hôtel. Dans le cadre d’un hôtel qui va s’intégrer dans un groupe, cela se traduit par la compréhension de son rôle et de comment il va participer au succès global de la chaîne. S’il y a un propriétaire (indépendant), il faut comprendre ses motivations. Ça, je n’en avais pas la moindre idée quand j’ai commencé à travailler dans l’hôtellerie.

Puis, il y a tout le volet humain, dont je ne me doutais pas forcément, où j’ai pu être confronté à des situations parfois déroutantes. Je suis moins naïf sur les relations humaines, et un peu plus pragmatique.

Il y a une chose qui est restée identique, en revanche, c’est l’idée que je me faisais de la qualité du service, le niveau de détail, la perfection, la relation à la clientèle. Ce niveau d’excellence nécessaire au quotidien dans notre métier et nos hôtels qui n’a pas changé.

Vous avez récemment pris la tête de l’Hôtel du Palais à Biarritz. Comment s’est passé votre prise de fonction ?

Quand je suis arrivé à Biarritz, tout s’est fait assez simplement. Hyatt, Michel Morauw pour ne pas le citer, m’a très bien accueilli et a tout mis en œuvre pour faciliter mon intégration au groupe et à l’hôtel. Je suis allé au contact des équipes comme j’en ai l’habitude et comme j’aime le faire sur le terrain pour apprendre à les connaître. Cela m’a permis aussi de prendre les dossiers en cours et de comprendre le passé de l’hôtel, d’où viennent les gens et comment ils sont arrivés là. Je leur ai présenté les objectifs qui nous étaient fixés et nous avons discuté de la manière de les atteindre.

Quels objectifs vous ont été fixés ?

Des objectifs qualitatifs, financiers et organisationnels aussi. En effet, c’est un hôtel qui rouvre et qui, comme tous les autres après le Covid, a eu des challenges de recrutement. Il fallait donc revoir l’organisation, repenser l’opérationnel. L’un des objectifs était d’être sûr qu’on reparte sur de bonnes bases.

Ce genre de défi me plaît, car il m’oblige à sortir de ma zone de confort. Si vous regardez ma carrière, c’est mon moteur. Je suis passé de la finance aux opérations, du resort de luxe à un hôtel de luxe citadin, de la Polynésie française à Paris. Ce qui me motive, c’est de découvrir de nouvelles choses, de m’adapter et de me « challenger ».

L’Hôtel du Palais a connu une longue phase de travaux (ndlr : réouverture le 3 juin 2022 après quatre ans de travaux). Les avez-vous suivis ?

Non, quand je suis arrivé tout était fini. Je n’ai pas eu à faire le suivi de chantier et ce n’est pas plus mal, car ce n’est pas une période très facile à vivre. Gérer des travaux, une fermeture, une réouverture, essuyer les plâtres… On sait qu’après des travaux, tout ne se passe pas forcément très bien. Il peut rester des choses à revoir, certains travaux peuvent ne pas avoir été faits comme il fallait et ne correspondent pas aux attentes opérationnelles et des clients. Il y a toujours une période de transition où on doit régler des détails et que je n’ai pas subi. C’est plutôt sympathique d’arriver dans un hôtel prêt à l’emploi.

Quelle image aimeriez-vous imprimer à cette institution basque durant votre passage à sa direction générale ?

Je pars d’une page blanche avec un outil complètement rénové donc ça me laisse du champ pour imprimer un style et positionner l’hôtel. J’aimerais en faire un palace moderne en phase avec son temps et qui s’intègre bien dans son environnement. J’aimerais un resort luxueux dans lequel on se sente bien, à l’aise que ce soit en famille ou que l’on vienne pour des raisons professionnelles. Je veux qu’on y soit comme dans une maison de vacances où on vit des moments uniques et agréables, et où on revient tous les ans avec ses habitudes.

J’aimerais réussir à créer cette connexion émotionnelle. Ce n’est pas évident de réussir à capter ce qu’attend chaque client et lui donner le sentiment d’être chez lui, car chacun a sa perception de ce qu’est sa sphère intime.

Qu’entendez-vous par « palace moderne » et comment cela se traduit-il concrètement ?

C’est une hôtellerie qui répond aux attentes de ses clients, est respectueuse de l’environnement, des gens qui y travaillent, de ses clients, et qui techniquement est au point. Nous avons la chance d’avoir un hôtel rénové donc en termes de qualité de produit, nous répondons à toutes les attentes actuelles concernant l’ambiance, la décoration ou les matériaux utilisés.

Ces travaux ont-ils permis de mettre l’accent aussi sur le numérique avec plus d’outils connectés ?

Nous n’avons pas de chambres connectées, par exemple, mais je ne suis pas sûr que ce soit ce que nos clients recherchent en venant ici. En revanche, l’évolution numérique a eu lieu. Nous utilisons des outils modernes de gestion, des tablettes au quotidien dans le travail des équipes, des applications mobiles pour être en contact direct avec les clients. Nos télévisions sont connectées, mais cela devient la norme et il est vrai que nous n’avons pas de tablettes pour gérer les éclairages ou les climatisations. Nous n’avons pas encore fait ce virage.

Selon vous, quels sont les principaux défis et opportunités auxquels fait face le secteur de l'hôtellerie de luxe ?

Il y aura nécessairement un défi environnemental parce qu’il faut que nos hôtels s’adaptent à la réalité de l’environnement global sans pour autant que ça ne dégrade les prestations. Il va falloir être inventif pour compenser ce qui aujourd’hui n’est pas forcément compatible avec le développement durable. Je pense notamment à nos consommations d’énergie ou aux produits d’accueil personnalisés dans les chambres. Il faudra adapter les matériaux et le design. Nos systèmes de climatisation sont-ils aussi adaptés ? Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas fournir ce service, surtout avec le réchauffement climatique.

Il faudrait repenser tous nos modes de consommation en général. Sur la restauration, comment s’approvisionne-t-on en matières premières ? Faut-il ne faire que du local ou faut-il des ingrédients exceptionnels et si oui, comment les fait-on venir chez nous ? Ce défi ne sera pas simple, car dans un palace, on s’attend à des choses exceptionnelles, peu importe la saisonnalité des produits.

Où en êtes-vous de cette démarche ?

Nous allons vers les producteurs locaux pour les faire travailler et développer le tissu économique local. Cela permet aussi de réduire nos émissions de carbone sur l’approvisionnement. Ce sont des petits gestes que nous mettons en place au quotidien avec une carte qui s’adapte.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite évoluer dans le secteur de l’hôtellerie de luxe ?

La curiosité est importante. Il faut aller chercher les expériences à l’étranger, découvrir des cultures et des façons de travailler différentes dans différents pays et différentes marques. Il ne faut pas hésiter à pousser les portes.

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À propos de l'auteur

Journaliste aux multiples atouts et voyageur curieux, Christopher a une grande appétence pour les établissements au raffinement soigné, où s’accordent gastronomie de caractère, service impeccable et élégance sincère. Une plume discrète et gourmande au service d’une certaine idée du luxe.

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