INTERVIEW – SYBILLE DE MARGERIE, FONDATRICE : « JE CHERCHE À VÉHICULER UN ART DE VIVRE QUI MÊLE TRADITION ET CRÉATION DANS UN ESPRIT DE LUXE À LA FRANÇAISE » (France)
Créée il y a 30 ans, l’agence Sybille de Margerie s’est imposée comme un acteur incontournable de l’hôtellerie et de l’hospitalité de luxe, révolutionnant les intérieurs des plus prestigieux établissements entre audace et sophistication. |
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INTERVIEW – SYBILLE DE MARGERIE, FONDATRICE : « JE CHERCHE À VÉHICULER UN ART DE VIVRE QUI MÊLE TRADITION ET CRÉATION DANS UN ESPRIT DE LUXE À LA FRANÇAISE » (France)
Créée il y a 30 ans, l’agence Sybille de Margerie s’est imposée comme un acteur incontournable de l’hôtellerie et de l’hospitalité de luxe, révolutionnant les intérieurs des plus prestigieux établissements entre audace et sophistication. |
Catégorie : Europe - France - Interviews et portraits
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Interview de Christopher Buet le 20-07-2023
Au loin, les cimes du massif alpin hérissent l’horizon, habillées de leur délicat manteau neigeux. Autour, les sapins affinent un décor de carte postale où se love une majestueuse bâtisse en bois, un chalet XXL dont le charme extérieur n’a d’égal que le luxe qu’il renferme. Il faut dire que le lieu n’a rien d’un gîte de montagne pour randonneurs ou alpinistes. Devant s’élève une immense statue de cheval, composée de panneaux réfléchissants. Un cheval gris rendu blanc par la neige et qui donne son nom au bijou alpin de LVMH, le Cheval Blanc Courchevel. Plus qu’un hôtel, il se veut le mariage entre la tradition et la modernité, une audace sophistiquée imaginée en partie par Sybille de Margerie.
Une évocation du style créé au fil de trente ans d’efforts et de projets au service de l’hôtellerie de luxe, qui garde encore en son cœur une place toute particulière. Ce luxe, la créatrice au regard de jade y a consacré sa vie, par choix mais aussi par filiation, elle qui a été biberonnée au prestige des plus beaux établissements. Habituée aux dorures et aux sols en marbre, elle se passionne pour les volumes, la manière d’agencer les pièces et d’y disposer le mobilier. Dans son esprit naît la volonté d’apporter son écho à cet univers qui la fascine. Un écho qu’elle souhaite personnel et singulier.
Par sa sensibilité, son sens du détail, ses intuitions et ses convictions, le choix des matériaux dans un refus permanent de l’inconfort, Sybille de Margerie gagnent la confiance des plus grands hôteliers et acteurs du secteur, multipliant les projets à travers le monde des Alpes au Moyen-Orient, en passant par Saint-Tropez, la Champagne ou les Antilles. Une expérience unique qu’elle a accepté de partager avec le Journal des Palaces, dans un entretien où il a été question de luxe donc mais aussi d’émotion.
Journal des Palaces: Au-delà de votre bureau parisien, Sybille de Margerie possèdez-vous d’autres antennes à l’international? Combien comptez-vous de collaborateurs?
Sybille de Margerie: Le savoir-faire développé au sein de mon agence est le fruit du travail d’une équipe de plus d’une vingtaine de collaborateurs à Paris. Nous avons également un bureau à Florence et à Dubaï. Ce socle international, et le mix culturel qui en découle sont des atouts supplémentaires pour les projets d’envergure que nous portons dans diverses régions du monde.
Quelle est votre vision du luxe aujourd’hui? Comment a-t-elle évolué au fil des années?
Plus que jamais le luxe rassure : symbole d’héritage, de transmission de qualité, dans un monde qui s’uniformise, il répond désormais au besoin d’évasion et d’un art de vivre où se mêlent subtilement passion et création. Longtemps synonyme de possessions et de prestige, il devient émotionnel et renvoie au plaisir individuel.
Ma vision du luxe est cette quête d’enchantement, offrir une expérience singulière, un luxe sensoriel, qui naît de la surprise, de l’harmonie, de l’attention aux détails, de la fluidité des espaces. Mon univers est celui d'un luxe intemporel, un luxe discret qui se lit dans les détails et ne se veut pas ostentatoire. Et ce, sans jamais déroger au confort.
Quel regard portez-vous sur l’architecture d’intérieur dans les hôtels de luxe et son évolution au fil des années?
L’enjeu de notre métier est de savoir innover en intégrant les nouveaux modes de vie et de consommation des clients. Une chambre a toujours les mêmes fonctions et plus ou moins les mêmes équipements. Pour autant elle peut avoir des visages différents et offrir un vécu plein de surprises.
Notre savoir-faire et notre objectif sont de proposer une part d'imaginaire qui restera le marqueur de l'expérience client. Désormais le choix d’un lieu de villégiature de luxe est la quête d’un espace intemporel, insolite. Notre créativité s’exprime ainsi au travers de multiples détails, avec de l’audace dans les espaces, dans les couleurs et les matériaux. Pour un hôtel, un spa ou un bateau, le summum du luxe est finalement d’être hors du temps.
Avec quels établissements prestigieux collaborez-vous?
Les marques de prestige nous ont accordé leur confiance, telles que Mandarin Oriental (Paris, Le Caire), Four Seasons (Grand-Hotel du Cap-Ferrat, résidences privées Dubai), Kerzner (Atlantis Royal Residences, Dubai) Baccarat (Villa Camerata à Florence) mais aussi des groupes et investisseurs indépendants.
Comment choisissez-vous vos collaborations dans le secteur de l’hôtellerie de luxe?
La plupart des projets naissent d’une rencontre. Elle est faite de confiance réciproque et d’un partage de valeurs communes. Un projet d’hôtellerie de luxe est un travail de longue haleine avec des enjeux financiers lourds. Il est donc fondamental que les objectifs entre l’investisseur, l’opérateur, l’architecte et toutes les parties prenantes soient clairement alignés.
Quelles sont les exigences des hôtels de luxe avec lesquels vous collaborez?
Les investisseurs et marques de luxe font appel à nous afin de proposer à leur clientèle un art de vivre, un ressenti particulier.
Il s’agit ainsi de rester créatifs tout en intégrant les contraintes liées à l’exploitation d’un hôtel, contraintes techniques, de sécurité, de réglementation. Cet exercice, que nous maîtrisons parfaitement, est fondamental pour la réussite d’un projet.
Qu’apportez-vous aux hôtels qui vous sollicitent?
Pour les projets qui me sont confiés, j'essaie d’apporter une réponse originale, empreinte de passion. Mon objectif est d’apporter des solutions créatives en cohérence totale avec l’identité de la marque, en résonance avec le lieu, la ville, le quartier où s’implante l’hôtel.
A cette fin, être à l’écoute de notre client est une phase inappréciable. Elle nous oriente sur les bonnes pistes pour élaborer une réponse personnalisée, vraiment créative, et d’ailleurs rarement refusée.
Comment s’articule votre travail avec les hôteliers? Jusqu’où poussez-vous la réflexion et la collaboration?
Concevoir un hôtel, c’est concevoir un volume, un espace à vivre, un espace de vie. En tant qu’architecte d’intérieur, j’ai une vision particulière de l’espace intérieur et des volumes. La première phase dans mon travail consiste à dessiner les espaces, à optimiser les aménagements, à rendre la circulation fluide. J’y mets beaucoup de passion car c’est la base du succès d’un hôtel, tant pour l’opérateur que pour le client final.
Ensuite intervient la phase créative. Il s’agit alors de révéler la dimension immatérielle et l’unicité d’un lieu, de susciter un saisissement. Nous constituons des harmonies qui rassemblent toutes les finitions et le mobilier, et nous dessinons des pièces uniques adaptées aux besoins spécifiques des espaces.
Aujourd’hui peut être plus encore qu’auparavant, nous sommes très attentifs à nous inscrire dans la durée et à fuir les effets de mode. Nos créations d’intérieur se veulent pérennes, intemporelles. Tout en apportant bien entendu de la nouveauté, voire de la fantaisie, au travers des sélections de matières et la collaboration avec des artisans d'art.
Nous sommes par ailleurs extrêmement soucieux de la mise au point finale, l’instant où il faut faire preuve d’exigence en termes de qualité, de finition dans les moindres détails, être vigilant à conserver la ligne créative initiale.
Comment définiriez-vous votre style?
Plus qu’un style reconnaissable, je cherche à véhiculer un art de vivre qui mêle tradition et création dans un esprit de luxe à la française.
S’éloigner de tous les codes conventionnels est l’esprit du luxe que je revendique, un luxe fait de subtilités invisibles mais ressenties. Ces multiples détails qui créeront une émotion, celle qui restera inscrite dans la mémoire des clients. La quintessence du luxe est, selon moi, de révéler à travers le design l’âme propre et l’unicité d’un lieu, de porter d’une histoire. Qu’il s’agisse de Courchevel, Florence, Le Caire, Saint Bart, Dubaï ou la Côte d’Azur, mon fil conducteur est caractérisé par le langage des couleurs et des matières.
De quoi vous inspirez-vous pour créer?
Voyages et expositions sont autant de sources d'inspiration pour prendre du recul, regénérer la créativité et éviter l'écueil des tendances.
Nouez-vous des partenariats avec des artistes pour créer des ambiances avec des œuvres uniques? Si oui, pouvez-vous nous donner des exemples?
Ces collaborations sont toujours au cœur de nos projets et contribuent à ce supplément d'âme que nous cherchons à susciter.
Du Mandarin Oriental Paris avec des broderies signées Lesage, aux résidences privées Atlantis The Royal aux finitions très «haute couture» signées de quatre artistes, quatre femmes, ausavoir-faire unique: Annie Trussart, experte en broderie, Helen Amy Murray pour ses cuirs sculptés à la main, Anne Corbiere, qui tisse le métal, et Isabelle Poupinel pour son travail de la porcelaine.
Tout récemment, pour la rénovation des villas Beauchamp et Clair Soleil du Grand-Hôtel Cap-Ferrat, nous avons sollicité la main de deux peintres: Claire Basler pour une fresque onirique réalisée directement sur site, et Cécile Gauneau pour un dégradé de vagues dans les chambres. Ainsi que la technicité de Véronique de Soultrait qui a tressé des motifs en corde en un décor original et sophistiqué.
Vous cherchez à coller à l’image du lieu où vous travaillez. En quoi est-ce primordial de s’adapter à l’environnement qui vous entoure?
L’une des manières de caractériser un bâtiment est de tenir compte de l’endroit où il est implanté. C’est également source de créativité. Nous passons beaucoup de temps à le visiter, à identifier ses richesses, son historique. Ma philosophie est de révéler, à travers le design, l’âme propre d’un lieu.
Quelle place accordez-vous aux excentricités pour faire ressortir votre travail au sein d’un établissement ou d’une pièce?
Créer un univers attractif ne passe pas, selon moi, par l’excentricité. Dans ma démarche, imaginer l’atmosphère spécifique d’un lieu s’appuie sur une dimension plutôt poétique et culturelle, jouer sur la sensibilité, générer une forme de vibration qui ira directement au cœur des clients.
Vous aimez marier les matériaux, les textures au sein d’une même pièce. Pourquoi?
Mon goût pour les matières nobles a toujours guidé mon inspiration. L’approche sensorielle que nous créons implique un travail en finesse de choix de matériaux, de couleurs, d’ambiances lumineuses.
Comment choisissez vos matériaux? Votre réflexion artistique prend-elle également en compte une dimension responsable?
Nous privilégions des partenariats avec des artisans locaux, des artistes, capables de réaliser des ouvrages uniques en adéquation avec le lieu et son environnement.
Quelle est la création dont vous êtes la plus fière ? Pourquoi?
Cheval Blanc Courchevel reste encore 10 ans après sa création une réalisation à laquelle je suis particulièrement attachée. Ce fut une aventure extrêmement séduisante, humainement et professionnellement, riche de rencontres.
Quels sont vos prochains projets?
Parmi nos projets actuels, il y a deux projets emblématiques. L’historique Shepheard Hotel au Caire, en bordure du Nil, propriété de la société Al Sharif qui portera l’enseigne Mandarin Oriental. Et la reconversion d’un domaine du XVe siècle à proximité de Florence, la Villa Camerata, sous l’impulsion du groupe Omnam, en futur hôtel Baccarat.
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