INTERVIEW – JÉRÔME BOURDAIS, PRÉSIDENT ÎLE-DE-FRANCE DU CDRE : « LE COLLABORATEUR, QUI A BESOIN DE RECONNAISSANCE ET D'OBJECTIFS DANS LES DIFFÉRENTES DÉCISIONS DE L'ENTREPRISE, DOIT ÊTRE PLACÉ AU CENTRE DES DÉBATS ET DES INFORMATIONS »
Conscient de la crise de vocation que suscite le secteur, le président Île-de-France refuse de baisser les bras et se montre plus combattif que jamais, dévoilant un arsenal de mesures qui pourraient, selon lui, inverser cette tendance
INTERVIEW – JÉRÔME BOURDAIS, PRÉSIDENT ÎLE-DE-FRANCE DU CDRE : « LE COLLABORATEUR, QUI A BESOIN DE RECONNAISSANCE ET D'OBJECTIFS DANS LES DIFFÉRENTES DÉCISIONS DE L'ENTREPRISE, DOIT ÊTRE PLACÉ AU CENTRE DES DÉBATS ET DES INFORMATIONS »
Conscient de la crise de vocation que suscite le secteur, le président Île-de-France refuse de baisser les bras et se montre plus combattif que jamais, dévoilant un arsenal de mesures qui pourraient, selon lui, inverser cette tendance
Après 3 ans en qualité de directeur Général de la Villa M, en assurant la préouverture et l’ouverture de l’établissement et suite à la reprise de l’opérateur Paris Society par le groupe ACCOR, Jérôme Bourdais a ouvert JB Consulting, une société qui propose du conseil, de la formation, du recrutement et de l’accompagnement d’ouverture d’hôtels.
Il a rejoint les propriétaires de la Villa M pour des missions de conseil, intégré un collectif d’experts au sein de la société HDC Hospitality pour des projets de développement et ouvertures d’hôtel et débutera en tant qu’enseignant au sein de l’école Ferrandi Paris pour les programmes Master et Bachelor sur l’Hospitality Management, lors de la rentrée prochaine.
Malgré cet agenda bien chargé, Jérôme Bourdais conserve ses prérogatives de président Île-de-France au sein du CDRE, le Club des Directeurs de la Restauration et d’Exploitation. Et, face à la crise des vocations, qui sévit toujours au sein du secteur et le perturbe fortement, le président régional ne manque pas d’idées pour ce club aux 120 membres sur le territoire. Le Journal des Palaces lui a tendu son micro pour les recueillir.
Journal des Palaces : En tant que président Île-de-France du CDRE, quel regard portez-vous sur le recrutement au sein du secteur de la restauration ? Jérôme Bourdais : Nous subissons actuellement une pénurie, voire l’absence de vocation dans le domaine de la restauration à Paris, comme en Province. L’image de notre profession n’a pas été renouvelée, ni valorisée, pour susciter l’intérêt et l’enthousiasme, en cuisine, comme en salle. Nous ne retenons, à travers la communication, que les points négatifs d’un engagement sans limites dans des conditions difficiles avec des salaires en deçà des attentes. Nous sommes très réceptifs et concernés par cette situation et nous menons des changements importants au sein de la profession. Ainsi, des thématiques telles que le temps de travail réaménagé, la prise de conscience relative à l’équilibre personnel et professionnel, l’accessibilité aux activités sportives et bien-être, la meilleure qualité et équilibre des repas du personnel ont été explorées.
Cependant, l’expérience opérationnelle est essentielle et nécessaire pour envisager d’évoluer vers des postes d’encadrement au sein des établissements. Il est impératif que le discours change dans les écoles hôtelières et membres comex à l'intérieur des hôtels pour susciter plus de vocations et surtout être plus en phase avec la réalité et l’exigence que requiert le métier.
À quels défis les membres de l’association font-ils face en matière de ressources humaines ? À mon sens, les défis sont multiples :
Nous constatons une disparité dans les fonctions et le rôle des ressources humaines dans les différents hôtels représentés de chaine franchisée, managée ou hôtels indépendants,
Il convient de clarifier une marque employeur pour les futures recrues,
mettre l’accent sur les responsabilités sociétales au sein de nos établissements pas toujours une priorité,
Diversifier les réseaux de recrutement déjà saturés,
Préserver et fidéliser ses talents après un programme de formation et développement personnel,
Développer la relation avec les écoles hôtelières, malgré la pleine activité et le flux tendu dans les équipes,
S’entourer d’une équipe de managers inspirée et compétente malgré des grilles de salaire en deçà de l’expérience proposée.
Ces défis sont-ils identiques en Île-de-France qu’en province ? Ces défis sont encore plus difficiles à relever en Province en raison de la saisonnalité de l’activité et des contrats de travail plus courts. Nous y observons en outre davantage de stabilité sur des postes de cadre, même si ces derniers nécessitent de temps en temps du renouvellement. Cette situation est accentuée par le fait que les réseaux professionnels sont plus limités en Province et ne facilitent pas les échanges et la communication. Enfin, la difficulté de se loger et coût du loyer important à Paris et dans quelques régions françaises ne facilitent pas l’intégration.
À quelles difficultés sont confrontés les membres du CDRE en matière de recrutement et de ressources humaines en général ? Plusieurs difficultés affectent le recrutement de nos membres. Depuis le Covid, nous faisons face à une perte de vocation. Nous constatons une absence de candidature sur tous les postes opérationnels. Nous observons de plus une concurrence importante sur les conditions de travail et niveaux de rémunération.
La nouvelle génération se distingue par une certaine instabilité et de l’impatience. Elle considère certaines tâches opérationnelles, pourtant nécessaires pour un rôle de futur manager, ingrates. Face à cela, il est indispensable que le secteur revoie ses méthodes de recrutement.
Quelle politique préconisez-vous auprès de vos membres en matière de ressources humaines ? Nous considérons que, face à cette situation, la marque employeur doit plus que jamais être travaillée et mise en avant, un livret d’accueil, à l’attention des recrues est indispensable afin de faciliter leur intégration dans l’entreprise. Cette dernière doit adopter une philosophie qui lui est propre et qui doit lui permettre d’avoir une vraie vision. L’accent doit être mis sur l’intégration des recrues. La fonction RH doit être revalorisée et adopter davantage de séniorité, notamment pour faire face à l’aspect juridique, social, au recrutement ou pour assister davantage le GM. Enfin, il est primordial de ne pas négliger le départ d’un collaborateur. Il est important de comprendre les raisons de ce départ pour tenter de rectifier ce qui n’a pas fonctionné.
Selon vous, quelles actions spécifiques devraient être mises en œuvre pour faciliter la politique RH de vos membres ? Des interventions plus régulières d’experts RH ou cabinets de recrutement lors de nos rencontres seraient profitables. De même, la tenue d’ateliers avec certains membres du CDRE sur les nouvelles initiatives RSE dans nos hôtels et nouvelles initiatives à l'intention du collaborateur (gestion, finance, conseils, équilibre personnel/professionnel, priorités, activités bien-être…) va être proposée.
Par ailleurs, le CDRE va mettre à disposition son site internet pour la diffusion de CV et de postes ouverts, avec nos recommandations. Nous incitons également nos membres à développer le réseau à travers différents Clubs de la profession (AGGH, Club des concierges clefs d’or, Club des dirigeants d’hôtel…). Enfin, nous souhaitons valoriser le Trophée CDRE et développement des jeunes talents à travers les écoles et les médias qui relaient l’information.
Que préconisez-vous pour fidéliser les collaborateurs ? Il va de soi qu’une bonne ambiance de travail va favoriser la fidélisation des collaborateurs. Cela passe aussi par des managers concernés et mobilisés sur la formation et développement des talents, ainsi que par la mise en place de plannings à la carte et adaptés. Prévoir un budget en faveur d’un Team Building qui renforcerait la cohésion d’équipe peut par ailleurs se révéler pertinent dans une optique de fidélisation des collaborateurs. Parallèlement à l’ensemble de ces mesures, je suis convaincu que motiver les collaborateurs avec des variables sur objectifs SMART peut revêtir des effets bénéfiques quant à leur fidélisation.
Incitez-vous vos membres à s’appuyer sur du mentorat ? Quels en sont les résultats ? Le mentorat fait partie de l’ADN du club et de nos valeurs. Nous avons des membres avec de longues expériences, très abouties et diversifiées, qui sont légitimes pour coacher et accompagner de futurs professionnels. Nous représentons tous types de structures hôtelières et de restauration, ce qui permet de comprendre les différentes opportunités très larges du secteur. Notre Trophée est l’exemple de la réussite du mentorat au sein du CDRE avec plus de 20 ans d’existence et un concours unique en France, axé sur le management, qui fait partie des 13 concours nationaux reconnus du secteur de l’hôtellerie restauration.
Quel type de management le CDRE soutient-il ? Nous sommes favorables à un management participatif à l'intérieur d'un collectif de passionnés de la restauration et l’hôtellerie aux valeurs épicuriennes. En cela, nous promouvons les ateliers de travail et de réflexion sur des thèmes d’actualité, le respect des parcours de chacun et des personnalités des collaborateurs.
Enfin, nous incitons au partage de best practices sur des problématiques ou des succès story.
Préconisez-vous également un accompagnement spécifique pour les middle-managers de vos membres ? Auprès de nos nouveaux membres, nous proposons la mise en place de tuteurs ou référents. La diversité multigénérationnelle, multiculturelles, ainsi que l’incomparable expérience de nos membres font la force et l’intérêt de notre club.
Une politique RSE cohérente, impliquant les collaborateurs, est-elle nécessaire afin de les fidéliser ? La politique RSE est essentielle dans les établissements en phase avec les inspirations de la nouvelle génération, avec, par exemple, des actions écoresponsables ou des actions sur la pénibilité au travail. Les équipes dans l’hôtellerie restauration sont en majorité jeunes et supervisées par des trentenaires ou quadragénaires d’expérience.
Le collaborateur, qui a besoin de reconnaissance et d’objectifs dans les différentes décisions de l’entreprise, doit être placé au centre des débats et des informations. Il peut de ce fait apprécier la proximité et l’accessibilité de ses managers et dirigeants.
Soutenez-vous une démarche d’offboarding, en cas de départ des collaborateurs de vos membres ? En cas de départ de l’un des collaborateurs d’un membre du CDRE, nous serions favorables à proposer à celui-ci des alternatives au sein des établissements membres club, via, par exemple, le compte WhatsApp du CDRE, qui offre une grande réactivité. Il serait également envisageable de proposer à ce collaborateur un plan d’évolution sur un établissement en phase avec ses attentes, via les membres CDRE et de partager avec lui l’expérience et la passion qui animent chaque membre du club à travers un coaching ou des conseils…
Quel est LE conseil que vous donneriez à un jeune qui souhaite intégrer le secteur ? C’est un métier passionnant, aux multiples orientations et responsabilités, qui permet d’envisager une carrière internationale, de développer son sens managérial à travers différents secteurs d’activité avec, dans certains cas, une approche entrepreneuriale et travailler au sein d’établissements avec un supplément d’âme et d’authenticité.
Avoir le sens de l’hospitalité et l’accueil est indispensable, comme pratiquer les langues au sein d’équipe multiculturelle. Enfin, il faut conserver à l’esprit la volonté de faire rayonner le savoir-faire à la Française et sa notoriété dans le monde de l’hôtellerie restauration.
Journaliste depuis 20 ans, Guillaume est un inconditionnel des lieux exclusifs où se mêlent confort, qualité de service et gastronomie. Le tout, teinté d’une simplicité et de sourire qui sont l’apanage du luxe ultime.