INTERVIEW – NICOLAS BRUTIN, CO-FONDATEUR DE MODULE CARRÉ : « NOUS VOULONS PROUVER QU'EN PLUS D'ÊTRE MODULAIRES ET ÉCO-RESPONSABLES, NOS PRODUITS PEUVENT ÊTRE BEAUX, AVEC DES COULEURS DIVERSES ET DES ASPECTS MODERNES » (France)
« Nous avons pu développer un système d’amortisseurs entre les dalles qui capte l’électricité plutôt que de la renvoyer dans le bas du dos et engendrer des troubles musculosquelettiques » |
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INTERVIEW – NICOLAS BRUTIN, CO-FONDATEUR DE MODULE CARRÉ : « NOUS VOULONS PROUVER QU'EN PLUS D'ÊTRE MODULAIRES ET ÉCO-RESPONSABLES, NOS PRODUITS PEUVENT ÊTRE BEAUX, AVEC DES COULEURS DIVERSES ET DES ASPECTS MODERNES » (France)
« Nous avons pu développer un système d’amortisseurs entre les dalles qui capte l’électricité plutôt que de la renvoyer dans le bas du dos et engendrer des troubles musculosquelettiques » |
Catégorie : Europe - France - Interviews et portraits
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Interview de Christopher Buet le 22-06-2023
En sport, difficile d’être insensible aux problèmes de surface tant ce que les sportifs ont sous le pied peut déterminer la performance. Le hockey sur gazon, habitué aux surfaces synthétiques, en sait quelque chose. Pour un meilleur confort de ses athlètes, la Fédération Française de Hockey (FFHockey) a ainsi noué un partenariat avec Module Carré pour équiper ses terrains.
L’entreprise française, fondée par Nicolas Brutin et Giovanni Belloni, s’est spécialisée dans les revêtements de sol, proposant des solutions durables, résistantes et efficaces à destination de ses clients. Si le sport a rapidement saisi l’opportunité, l’hôtellerie pourrait également en bénéficier car les dalles produites par Module Carré ne manquent pas d’atouts.
À commencer par l’infinité de possibilités qu’elles proposent. Carrées, elles se déclinent aussi à présent en triangle, permettant ainsi de créer des damiers aussi graphiques qu’originaux et dynamiques. De quoi laisser libre cours à l’imagination et dessiner ce que l’on désire pour créer un effet et une ambiance uniques, d’autant que plusieurs couleurs sont disponibles.
Mieux, en travaillant avec des designers et architectes, la société a diversifié son offre et propose également du mobilier, aussi bien des plateaux que des tables ou des plans de travail pour la cuisine et la salle de bain. Une évolution qui ouvre de nouvelles perspectives.
Après cinq ans d’existence et fort de son expérience dans le sport qui lui a permis de perfectionner son produit dans sa dimension biomécanique et d’élargir ses collections, Module Carré et sa quinzaine de salariés effleurent encore le potentiel de leur activité et entendent conquérir l’hôtellerie de luxe.
Aussi, le Journal des Palaces a cherché à comprendre, avec l’un des fondateurs, NicolasBrutin, comment ces revêtements de sol s’emboîtant tel un puzzle, ne nécessitant ni colle, ni joint, pourraient s’inviter aux côtés des marbres et autres parquets anciens de l’hôtellerie de luxe.Journal des Palaces : Quand a été créée la société Module Carré ?Nicolas Brutin : Module Carré a été fondée en 2018 autour de trois piliers : - La modularité. Celarevient à proposer des solutions, murales ou revêtement de sol, pouvant se poser sans colle, sans vis, sans clou, sans résine.
- L’écoresponsabilité. C'est un engagement environnemental fort. Une grande partie de nos gammes et collections sont fabriquées en plastiques recyclés. Créer un produit éco-conçu et revendiquant une étiquette « verte » pour après le sceller ou le coller, ça n’était pas logique. Il fallait donc réfléchir à la méthode d’installation. Nous n’enlevons pas le sol existant, nous venons le recouvrir, que ce soit du carrelage ou du parquet, ce qui évite des déchets, de la poussière, de l’amiante… Nous avons obtenu une certification « Cradle to Cradle » pour une de nos plaques en plastiques recyclés. Cela veut dire que nous pouvons les réutiliser à l’infini. Nous faisons en sorte que tous nos produits respectent au maximum ces intentions.
- L’esthétisme. Il est primordial dans l’hôtellerie de luxe. Nous voulons prouver qu’en plus d’être modulaires et écoresponsables, nos produits peuvent être beaux, avec des couleurs diverses et des aspects modernes.Quelle est votre vision du luxe ?Le luxe, c’est préserver nos ressources, et donc, pouvoir proposer un produit aussi bien esthétique que respectueux.Avec quels établissements prestigieux collaborez-vous ?Aujourd’hui, nous sommes dans une phase prospective. Nous étions à la remise des awards Hôtel & Lodge. Nous y avons participé à différentes animations avec l'objectif de se faire connaître des hôtels de luxe, de faire connaître notre matériau.
Nous avons trouvé un ambassadeur, l’hôtel Rosalie (quatre étoiles, situé près de Place d’Italie à Paris), très engagé dans la même démarche environnementale et détenteur du label « Clef Verte » pour un tourisme durable. Nous n’avons pas refait le sol, car ils ont choisi de le faire en filets de pêche recyclés, mais nous avons rénové les meubles vasques avec nos plaques recyclées (Polygood), sur une base blanche à partir de frigidaires recyclés. Nous avons aussi ajouté des inclusions noires, à partir de matériels informatiques (clavier, souris…).
C’était il y a un an et demi et notre client est tellement satisfait que nous avons aussi réalisé des plateaux de courtoisie pour chaque chambre. Nous avons de nombreux projets comme créer des poubelles recyclées, des boîtes à savons, etc. Ce qui est intéressant, c’est que ce projet nous permet de développer de nouvelles habilitations pour nos produits.Avez-vous pu nouer des contacts avec des hôteliers plus prestigieux, discuter de leurs besoins, de ce que vous pouvez leur apporter ?Nous découvrons leurs besoins et cherchons à les comprendre. Sur la fabrication, nous nous sommes fixés un cahier des charges très contraignant et les hôtels de luxe en ont un également. Il faut trouver le juste compromis sur le sourcing des matières premières, la qualité du produit pour avoir le rendu le plus abouti qui puisse apporter une plus-value aux palaces, et ensuite établir des collaborations.Quelles sont les exigences des hôteliers à votre égard ?Le plus important est la répétabilité. Quand nous proposons un produit, nous devons pouvoir le faire à l’échelle d’un palace, de façon harmonieuse. Aujourd’hui, dans la fabrication d’objets ou de sols, avec les matières fossiles, il est aisé de tenir cette contrainte, car la matière première reste la même. Nous, une grande partie de nos matières premières vient du tri et du recyclage, donc c’est une contrainte importante. Par exemple, un noir ébène, selon les déchets que nous allons trouver, peut varier. À nous de mettre des contraintes encore plus sévères sur le choix des couleurs pour avoir une collection homogène.Cette nuance, ce côté non standardisé peut aussi être un de vos atouts. Qu’en pensez-vous ?Il faut trouver aussi cette tolérance d’avoir un produit légèrement différent d’une chambre à l’autre et faire accepter aux clients ces nuances. Cela fait partie de notre proposition de produit. Nous venons, par exemple, de faire une bibliothèque test pour un architecte travaillant pour un hôtel de luxe. Cette bibliothèque est faite de panneaux translucides. La recherche était justement sur ce projet d’avoir une pièce unique, de jouer sur le reflet des couleurs à travers le matériau, l’originalité, l’aspect précieux de chaque élément.Sentez-vous un intérêt de leur part pour vos produits ?Pour de la rénovation durable, nous sommes de plus en plus sollicités. Puis, nous sommes sur un matériau de rupture, comparé à ce que nous pouvons trouver aujourd’hui en hôtellerie, et nous percevons un intérêt pour concilier ce type d’élément et des matériaux plus haut de gamme et soignés.Quels avantages auraient les hôtels de luxe à travailler avec Module Carré ?Déjà, nous travaillons avec un matériau qui ne se trouve nulle part ailleurs. Ensuite, nous sommes une entreprise française, tous nos entrepôts sont basés à Orléans comme notre atelier de découpe. Cela nous donne une rapidité et une flexibilité sur la conception, proche de l’orfèvrerie, dans le sens où nous sommes capables de créer des pièces sur-mesure, permanentes ou non, pour chaque client.
Nous maîtrisons l’ensemble de la chaîne, de la fabrication de la plaque à sa livraison, en passant par sa transformation. Nous avons d’ailleurs un programme de reprise (Take back program) qui nous engage à reprendre toutes nos plaques, nos déchets pour en refaire des sols ou d’autres éléments.
Nous concevons aussi des objets en incluant du bois, provenant de forêts responsables. Nous pouvons proposer cette approche-là. Ça montre que nous ne sommes pas focalisés uniquement sur notre matériau, mais que, pour un projet, nous pouvons aller chercher des compétences externes pour fournir le produit idéal.Pourquoi avoir voulu cet ancrage français ?Être à l’écoute du client est notre ambition et notre démarche au quotidien. Or, c’est très compliqué de transformer des produits pour un usage précis quand on a trop d’intermédiaires ou de distance. En plus, la France a de très bons artisans. Nous nous sommes associés avec des jeunes artisans talentueux dans la conception, la transformation et la création, qui apportent une valeur ajoutée. Nous avons pu faire des collaborations avec des designers reconnus pour des paravents, des tables, tables basses et d’autres accessoires.Avec quels designers avez-vous travaillé ?Notre dernière collaboration était avec la designeuse Louise Rué,qui a créé des paravents pour nous. Pour l’hôtel Rosalie, nous avons travaillé avec Marion Mailaender.Chaque projet dispose de son architecte ou son designer qui vient orienter la création. Ils nous apportent de nouvelles idées et chaque mois, nous voyons nos collections s’agrandir.Produisez-vous vous-même vos dalles et produits ?Nous nous fournissons exclusivement en Europe auprès de centres de tri et nous voulons garder l’ensemble de notre production au niveau européen. Ensuite, nous nous appuyons sur un sous-traitant qui nous fournit ses machines. De là, nous créons les idées, les couleurs.
Pour fabriquer des revêtements muraux et des objets, nous nous sommes liés à une entreprise néerlandaise. Nous diffusons, commercialisons et transformons ensuite les plaques pour en faire du mobilier et de la décoration en France. Il y a différentes alliances possibles, mais l’idée principale est de trouver le bon partenaire industriel pouvant garantir la qualité en fonction de nos valeurs.Quelles sont les limites à vos créations ?Toutes les demandes sont possibles. Nous avons une gamme de dessins et de décors standards dans des aspects minéraux ou boisés. Nous avons aussi la possibilité, et nous le faisons pour plusieurs marques déjà, de créer des décors sur-mesure, de reproduire un slogan, un logo. Il n’y a pas de réelles limites. Nous avons déjà réalisé des impressions sur plusieurs centaines de mètres carrés à partir d’un dessin fourni par un client.
Pour le sol, nous avons créé des dalles avec des jointures masquées qui imitent parfaitement, par exemple, la céramique ou le terrazzo. À certains salons, des clients croyaient vraiment voir du granit et ont été surpris, en soulevant le produit, de trouver des dalles en PVC.
Pour les plaques murales, nous avons plutôt essayé de créer un format rectangulaire le plus long possible, jusqu’à trois mètres pour réaliser des plans de travail, des cabines de douche à partir d’une plaque unique.Vous ne faites toutefois pas que de simples dalles, vous avez développé tout un mécanisme au-dessous pour les rendre solides et dynamiques. Comment fonctionne-t-il ?Ce produit est très souple afin qu’il puisse s’installer et épouser n’importe quelle surface. De plus, il a une résistance à toute épreuve, adapté au trafic qui règne dans un hôtel de luxe. C’est lié à la matière (PVC) et un jeu d’emboîtement avec ce joint masqué qui permet une accroche performante.
Nous avons pu travailler en profondeur dessus grâce à notre partenariat avec la Fédération Française de Hockey (FFHockey) à partir de contraintes mécaniques fortes liées aux appuis des sportifs, aux crosses de hockey qui entrent en collision avec le sol. Avec le ressenti des joueurs, nous avons renforcé récemment la structure anti-dérapante, proposé une sous-couche intégrée pour un plus grand confort. Nous avons pu développer un système d’amortisseurs entre les dalles qui capte l’électricité plutôt que de la renvoyer dans le bas du dos et engendrer des troubles musculosquelettiques.Quels sont vos prochains projets de développement ?Nous voulons nouer un meilleur relationnel avec l’hôtellerie de luxe. Nous avons beaucoup d’idées, de projets et nous nous entourons de designers et d’architectes qui nous apportent leurs solutions.
C’est en allant à la rencontre des gens influents, des marques en lien avec la mode et luxe, que nous commençons à nous faire connaître. Nous exposerons ainsi à Maison & Objet en septembre (7-11 à Paris) mais également dans des salons plus pointus comme Materials & Light (11-12 septembre à Paris) ou les Rendez-vous de la Matière (10-11 octobre à Paris). Avec ce dernier, nous avons créé l’intégralité des stands pour montrer les possibilités de nos plaques recyclées.
Nous souhaitons par ailleurs étoffer nos collections avec des tables de bistrot, des bancs pour les extérieurs, des plateaux prestige, des boîtes pour les produits cosmétiques afin de séduire les hôteliers.
Nos clients nous demandent de plus en plus de produits conçus en fonction des nouvelles contraintes environnementales. Il nous faut autant penser à la fabrication qu’à l’utilisation afin qu’elle soit la plus vertueuse possible.Travaillez-vous également à l’international ?Nous avons été, en décembre dernier, au salon de référence de la construction à Dubaï, le Big 5. Nous y avons noué de nombreux contacts au Moyen-Orient, en Corée du Sud, et avons décroché des commandes. Nous sommes capables de nous projeter à l’export, mais nous sommes, pour le moment, dans une démarche d’accompagnement de nos premiers partenaires et de satisfaction de nos clients français et européens : Belgique, Espagne, Allemagne, Suisse, Italie, Portugal.
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