INTERVIEW – VINCENT DURIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL COMO COCOA ISLAND : « NOUS CULTIVONS CETTE IMAGE DU LUXE SIMPLE ET ACCESSIBLE, IL N'Y A RIEN D'OSTENTATOIRE CHEZ NOUS : COMO, C'EST VOTRE ADRESSE PRIVÉE » (Maldives)
Cet arrière-petit-fils de boulanger, passionné de cuisine et de restauration, a finalement opté pour l’hôtellerie de luxe et s’est mué en véritable ambassadeur de l’hospitalité française à l’étranger, au sein d’établissements de grand standing |
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INTERVIEW – VINCENT DURIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL COMO COCOA ISLAND : « NOUS CULTIVONS CETTE IMAGE DU LUXE SIMPLE ET ACCESSIBLE, IL N'Y A RIEN D'OSTENTATOIRE CHEZ NOUS : COMO, C'EST VOTRE ADRESSE PRIVÉE » (Maldives)
Cet arrière-petit-fils de boulanger, passionné de cuisine et de restauration, a finalement opté pour l’hôtellerie de luxe et s’est mué en véritable ambassadeur de l’hospitalité française à l’étranger, au sein d’établissements de grand standing |
Catégorie : Asie Pacifique - Maldives - Interviews et portraits
- Interviews
Interview de Guillaume Chollier le 02-06-2023
C’est un petit confetti au cœur de l’océan Indien où règnent calme, luxe et volupté. Posé sur un banc de sable blanc, bercé par le clapotis d’une eau turquoise, le temps ne semble pas avoir d’emprise sur Cocoa Island. C’est ici, aux Maldives, dans l’atoll de Malé sud, au sein du resort COMO(Christina Ong Melissa Ong), que Vincent Durier a trouvé son équilibre, après un début de carrière effectué essentiellement à l’international.
En effet, avant de prendre la tête de ce petit coin de paradis de 33 villas privatives, inspirées du dhoni, un petit bateau de pêche local, situé à quarante minutes de vedette rapide de l’aéroport international de Malé, Vincent Durier a parcouru le monde.
Après avoir débuté au St. Regis Bora BoraResort,en Polynésie, où il a été responsable de la restauration durant cinq ans, il gagne l’Asie et Hong Kong.Toujours en tant que directeur de la restauration, au sein de l’Hôtel Icon, un hôtel "luxury lifestyle", qui appartient à l’université Hong Kong-Polytechnique, avec un très gros département restauration et une mission éducative. Direction ensuite Pékin, en 2017, chez Marriott, au W, un établissement au sein duquel se concentre une grosse activité de restauration, avec, entre autres, deux clubs de nuit. Un an plus tard, ce globe-trotter gagne la Thaïlande, chez Sofitel, durant deux ans, au sein d’un gros resort familial abritant 350 chambres, un golf ou encore un kids club.
À l’issue de cette expérience dans le groupe Accor, Vincent Durier désire se réorienter vers l’univers du luxe, au sein d’une structure plus familiale. C’est alors que se présente l’opportunité d’entrer chez COMO. Il effectue ses premiers pas chez COMOPoint Yamu, à Phuket, toujours dans l’ancien royaume de Siam. Une très belle expérience, écourtée en raison du Covid.
En 2021, l'opportunité de rejoindre les Maldives, dans le cadre de la création d'une task force, pour aider le temps de quelques semaines, se présente alors. Sur place, le coup de foudre s’opère. Touché par la gentillesse des locaux et par la beauté de Cocoa Island, Vincent Durier accepte le poste pérenne qui lui est alors proposé. Sur place depuis deux ans, cet arrière-petit-fils de boulanger évoque, pour le Journal des Palaces, sa vision de l’hôtellerie de luxe et les spécificités du COMO Cocoa Island.
Journal des Palaces : Êtes-vous issu d’une école hôtelière ?
Vincent Durier : Tout à fait. J’ai fait une école hôtelière à Bordeaux, puis à La Rochelle, avant de terminer par l’INSEEC à Paris, qui est une école de commerce que j’ai faite en apprentissage : deux jours à l’école et trois en entreprise. J’étais alors au Concorde Lafayette, qui est depuis devenu le Hyatt Regency Paris Étoile, un gros établissement de 1.000 chambres. C'était très intéressant, j'ai passé un an au département financier et ensuite, un an avec le directeur France de la restauration. J’ai ensuite bifurqué sur la partie banquets et événementiel.
Comment est née votre passion pour l'hôtellerie de luxe ?
Au départ, je voulais être boulanger, comme mon arrière-grand-père, qui avait une superbe boulangerie. Mes parents m’ont suggéré d’opter pour la cuisine, avant éventuellement de me spécialiser dans la boulangerie, afin de conserver un maximum de cordes à mon arc. Je les ai écoutés et je me suis rendu compte que j’adorais cela. Mais, je n'étais pas forcément le plus doué de la classe. Je me sentais plus à l’aise en salle, au contact des clients. J’ai donc évolué vers la restauration, puis l’hôtellerie.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce secteur de l’hôtellerie de luxe ?
J’ai la fibre du service, j’ai beaucoup d'empathie et suis très sociable. J’aime accueillir les gens, faire plaisir, créer des expériences. Rendre les gens heureux, tout simplement. Il est, à mon sens, extrêmement satisfaisant de rendre les gens heureux, de leur donner le sourire, de leur procurer des expériences. Et, ce secteur combine hôtellerie, restauration, cuisine et boulangerie, des métiers qui me passionnent et qui créent des expériences.
Quelles sont les surprises que vous avez découvertes lorsque vous avez intégré ce secteur ?
En 15 ans, j’ai découvert cinq ou six destinations, pas en tant que voyageur, mais en qualité d'expatrié. J’ai habité et travaillé dans ces pays. Durant mes cinq ans en Polynésie, je me suis fait de vrais amis, j'ai par ailleurs découvert la culture thaïlandaise, la vie à Hong Kong… J’ai travaillé, avec des gens extraordinaires, sans connaître, par exemple, les problématiques de recrutement qui existent dans d'autres pays, notamment en Europe.
Cela étant, il faut bien avoir conscience que ce sont des métiers de passion et qu’il faut être disponible. Par exemple, je n’ai pas fait Noël en famille depuis l'âge de 15 ans. Certaines périodes comme celles-ci sont parfois un peu compliquées à vivre. Être loin de sa famille n’est pas évident. Cependant, la découverte de nouvelles destinations et le fait de devoir s’y adapter à chaque fois est, selon moi, ce qui fait le sel de ce métier et le rend excitant.
Comment définiriez-vous l’hôtellerie de luxe ?
Chaque client a des attentes différentes. L’hôtellerie de luxe offre un produit, un environnement et un service personnalisé. Elle se démarque aussi par le niveau de connexion émotionnelle entre les collaborateurs et les clients de l’hôtel. Nous proposons des expériences de l’ordre de l’exceptionnel et pas forcément matérielles.
Lorsque vous regardez un film, il y a toujours un passage qui vous marque plus qu’un autre et dont vous vous souviendrez à vie. L’hôtellerie de luxe est ce passage particulier dont l’empreinte marque votre esprit et votre souvenir de manière durable.
Quand est né le Como Cocoa Island ?
Ce resort a été repris il y a 20 ans. Auparavant, c’était un hôtel indépendant Relais & Châteaux. Il s’agit de l’un des tous premiers COMO . C’est un hôtel signature auquel notre propriétaire est très attaché, car il y possède de nombreux souvenirs familiaux.
Quels sont les atouts de cet établissement ?
Cocoa est une île de Robinson Crusoé, calme, qui profite d’une tranquillité absolue et de l’un des meilleurs récifs des Maldives pour le snorkeling. Nous dénombrons une vingtaine de sites de plongée exceptionnels à moins de 10 minutes de bateau du resort. Nous possédons l’un des meilleurs spas des Maldives et une restauration de grande qualité, avec une cuisine authentique et sur mesure.
Cocoa est un hôtel très intimiste de 33 villas. Cela nous permet donc d’offrir un service très personnalisé. Il y règne une atmosphère familiale, puisque certains membres de notre personnel y sont présents depuis 20 ans. Par ailleurs, nous avons environ 40% de « repeaters », des clients qui reviennent. Par exemple, un couple est venu 45 fois en 20 ans et nous avons de nombreux clients qui sont venus nous rendre visite une vingtaine de fois. Par conséquent, notre barman, qui est là depuis 20 ans également, sait exactement ce que souhaitent ces clients selon le moment de la journée. Cette valeur ajoutée est inestimable, c’est un vrai luxe !
Quelle clientèle recevez-vous à Cocoa Island ?
Notre clientèle est majoritairement européenne, surtout en haute saison : Anglais, Allemands, Italiens, quelques Français… En basse saison, la clientèle est plus régionale : Singapour et Hong Kong notamment.
Nous recevons beaucoup de couples, mais peu de lunes de miel, finalement. Parmi eux, beaucoup ont l'habitude de voyager. Certains connaissent les Maldives, mais n’ont plus envie du côté un peu superficiel que peuvent parfois avoir les Maldives. C’est pourquoi, nous proposons un produit plus authentique, plus simple, plus vrai, quelque part. Nos visiteurs apprécient ce luxe de la simplicité.
Comment le COMO Cocoa Island se distingue-t-il des autres hôtels du groupe ?
Il y a une grosse identité commune entre les hôtels COMO : ils sont tous inscrits dans leur destination, ont un esprit assez boutique et sont orientés sur le bien-être. Par rapport aux autres, Cocoa est, comme je vous l’ai déjà dit, l’un des premiers du groupe. Il a donc une place à part dans le cœur du propriétaire. Cocoa, c’est un peu comme votre maison de vacances, la déconnexion est immédiate : on y prend instantanément ses marques, comme si nous étions chez nous.
Combien le COMO Cocoa Island compte-t-il de collaborateurs ?
Nous avons 140 employés. Cela fait donc, un peu plus de quatre employés par chambre. C'est un bon ratio, mais nous comptons beaucoup de corps de métier qui ne figurent pas dans un hôtel classique, car nous devons être autosuffisants sur l’île : il nous faut du personnel pour produire de l’électricité, désaliniser l’eau, piloter les bateaux, etc.
Ces 140 employés représentent 14 nationalités différentes. Nous avons une équipe très internationale. Et, nous disposons aussi de locaux et des employés qui arrivent du Sri-Lanka et de toute l'Asie du Sud-Est : Bali, Thaïlande, etc.
Quelle est actuellement la situation du secteur de l’hôtellerie de luxe aux Maldives ?
La dernière partie de 2021 était absolument extraordinaire : nous avons battu tous les records. 2022 était aussi une très bonne année, principalement sur le premier semestre. 2023 démarre bien également, mais moins bien que 2022, période pendant laquelle nos principaux concurrents, Maurice, Seychelles et les pays d’Asie du Sud-Est étaient fermés.
Il faut par ailleurs observer qu’il y a énormément de produits sur les Maldives. Chaque année, des hôtels cinq étoiles y ouvrent leurs portes. Nous constatons aussi une sorte de surenchère en termes d'équipements, nombre de restaurants, activités proposées. Mais, cela présente l’avantage de correspondre à tous les publics. Et, cela conduit les hôteliers à placer toujours plus haut leur degré d’exigence et de perfection. La dynamique dans l’archipel est donc très bonne.
Comment faites-vous pour vous démarquer chez COMO ?
Nous effectuons un véritable travail de personnalisation. Beaucoup de nos confrères le font également désormais, mais nous allons, à mon sens, plus loin. Nous sommes connectés avec nos clients et restons en contact avec eux tout au long de l’année. Et, nous cultivons cette image du luxe simple et accessible, il n’y a rien d’ostentatoire chez nous : COMO, c’est votre adresse privée.
Par ailleurs, nous avons très tôt misé sur le bien-être. Aujourd’hui, tout le monde le propose, mais COMO a été précurseur à ce sujet. Le bien-être est notre métier et nous avons une vraie expertise à ce sujet. Nous avons d’ailleurs créé notre marque, COMO Shambhala, qui est aujourd’hui leader du marché sur la qualité des traitements que l’on propose.
Sur le même modèle, nous avons développé une cuisine COMO Shambhala, axée sur la santé, la détox, sans compromis sur le goût. Pour cela, nos chefs jouent sur les techniques de cuisson et l’assaisonnement.
Pour vous démarquer, vous avez aussi les fameux COMO journeys. Pouvez-vous nous expliquer en quoi ils consistent ?
L’idée est toujours de proposer une expérience unique et hors du commun à nos clients. Quelle que soit cette expérience, nous voulons qu’elle soit animée par le meilleur des experts. Ainsi, en mai, nous avons proposé à Cocoa Island une expérience autour du kitesurf. Pour l’animer, nous avons fait appel à Youri Zoon, qui a été deux fois champion de la discipline. Il ne se contente pas de donner un cours, il partage également son expérience de sportif de haut niveau autour d’un verre ou sa passion du voyage lors du dîner. Les clients peuvent ainsi créer une vraie relation avec ces experts.
En décembre, nous avons accueilli sur l’île un chef deux étoiles depuis 20 ans, Stéphane Carrade, de la dune du Pila. Il a emmené les clients pêcher à cinq heures du matin, au lever du soleil. Ils ont ensuite ramené le poisson ensemble, et Stéphane leur a appris comment préparer et cuisiner ce poisson comme un chef deux étoiles.
Nous essayons donc de trouver des personnes qui apportent quelque chose de différent, qui sont, dans leur domaine de compétence, des références qui disposent d’une expertise incomparable.
Ce dispositif s’applique à l’ensemble des hôtels COMO?
Oui, nous suivons un cahier des charges et nous tentons d’organiser trois COMO Journeys par an. L’idée n’est pas de faire de la quantité, mais de proposer quelque chose de très qualitatif à nos clients. Cette expérience peut tourner autour du wellness, de la cuisine, de l’aventure, de l’art…
L'année dernière, nous avons même fait venir Nicole Stott, une astronaute de la NASA à COMO Maalifushi. Elle a animé un camp d’été pour les enfants. Ils ont notamment envoyé des cartes postales sur la station spatiale internationale. Là-haut, elles ont été tamponnées, puis renvoyées sur Terre aux enfants. Cet été, cette astronaute reviendra dans nos hôtels de Thaïlande, Bali et des Maldives.
Nous disposons d’un réseau qui nous permet d’organiser ce genre de rencontres : un champion de surf, un champion olympique de triathlon… C’est à la fois enrichissant pour les clients, mais aussi pour les équipes.
Est-ce que la destination Maldives a été affectée par le durcissement du régime politique local ?
Il y a deux Maldives : celle des locaux et celle des resorts hôteliers. En ce qui nous concerne, les autorités sont beaucoup plus flexibles. Certes, les Maldives sont politisées, mais les autorités nous laissent le champ libre pour proposer à nos clients un séjour optimal, conforme aux standards européens. Cela ne leur pose pas de problème que nous servions de l’alcool et nous disposons même de licences pour servir du porc.
Nous nous trouvons un peu sur le même schéma que Dubaï. Il ne faut pas non plus oublier que le tourisme est la première ressource du pays et que ce secteur compte de nombreux investisseurs étrangers. De manière générale, je trouve que les Maldives s’assouplissent de plus en plus dans la façon d’aborder certaines problématiques.
Comment sont perçus, les dérèglements climatiques sur place ?
C’est le point d'interrogation, car de nombreuses analyses scientifiques offrent beaucoup d'avis contradictoires. Pour l’instant, c'est un peu wait and see, parce que les Maldives ne sont pas réellement affectées. Nous rencontrons toujours des phénomènes de saison assez précis, avec une forte saisonnalité.
Concernant les montées des eaux, c'est très aléatoire, cela dépend des atolls et des endroits. Nous constatons des phénomènes de marée plus marqués qu'auparavant, avec des marées très basses et des marées un peu plus hautes. Nous restons évidemment très prudents, mais, pour le moment, il n’y a pas réellement d'impact visible pour les clients. Surtout entre décembre et avril.
Est-ce que néanmoins, au sein de Cocoa, vous avez déjà pris des mesures pour lutter contre ce phénomène ou, tout du moins, préserver au maximum l’atoll ?
À Cocoa, nous sommes vraiment sur une démarche naturelle. Alors que d’autres resorts déplacent le sable ou utilisent des pompes, nous sommes davantage dans une optique de jouer avec les éléments afin que tout s’équilibre au final. Lorsque nous regardons les photos aériennes de Cocoa sur les vingt dernières années, on s’aperçoit que l’île n’est plus la même : elle se déplace et s’est agrandie par ces phénomènes de mouvements de sable.
Mais, c'est la nature qui veut cela. Nous profitons d’un lagon naturel qui est fantastique. Nous sommes protégés par une barrière de récifs qui nous offre l’un des meilleurs spots de snorkeling des Maldives. Ainsi, de temps en temps, nous perdons un peu de plage d’un côté de l’île, mais nous en gagnons de l’autre côté. C’est ce qui fait le mouvement de Cocoa. Cela étant, ce n’est bien sûr pas une règle générale pour les Maldives.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui veut faire carrière dans le secteur de l'hôtellerie de luxe ?
C'est un secteur qui permet de rêver et qui procure des opportunités infinies : voyager, découvrir des hôtels extraordinaires implantés sur des lieux d’exception, travailler avec des gens qui ont des connaissances techniques pointues. Cela permet d’aborder le métier à travers plusieurs approches : technique, design, ressources humaines, commercial, comptabilité…
Le conseil que je donne à ces jeunes est de conserver un esprit d’ouverture, de ne pas se fermer de porte. Il y a de très belles histoires dans ce milieu. Regardez, je suis passé de la boulangerie à l’hôtellerie de luxe ! (Rires)
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