ALEXANDRA ET JULIE MARANG, PARISTORY : « NOUS SOUHAITONS POURSUIVRE NOTRE DÉVELOPPEMENT À NOTRE RYTHME, CONTINUER À PERFORMER, MAIS JAMAIS AU DÉTRIMENT DE NOS CLIENTS, NI DE NOS EMPLOYÉS » (France)
À la tête de Paristory depuis cinq ans, les deux sœurs poursuivent l'œuvre entamée plusieurs années auparavant par leur père, Gilles, pour sublimer l'hôtellerie de luxe. Toujours avec passion, excellence et la volonté de mettre en valeur l'humain. |
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ALEXANDRA ET JULIE MARANG, PARISTORY : « NOUS SOUHAITONS POURSUIVRE NOTRE DÉVELOPPEMENT À NOTRE RYTHME, CONTINUER À PERFORMER, MAIS JAMAIS AU DÉTRIMENT DE NOS CLIENTS, NI DE NOS EMPLOYÉS » (France)
À la tête de Paristory depuis cinq ans, les deux sœurs poursuivent l'œuvre entamée plusieurs années auparavant par leur père, Gilles, pour sublimer l'hôtellerie de luxe. Toujours avec passion, excellence et la volonté de mettre en valeur l'humain. |
Catégorie : Europe - France - Interviews et portraits
- Interviews
Interview de Guillaume Chollier le 22-11-2024
Alexandra et Julie Marang dirigent Paris Story depuis 2019 Crédit photo © Johan Dastarac Pour les touristes, les trombes d’eau qui s’abattent sur Paris n’incitent pas, en cette fin de mois de septembre, à se lancer dans les rues de la capitale à la découverte d’une adresse gastronomique, d’une boutique tendance ou d’une curiosité hors des sentiers battus, recommandées par le concierge de l’hôtel. Au contraire, la météo appelle plutôt à rester au sec, à déguster une boisson chaude accompagnée d’un gâteau moelleux, tout en feuilletant un catalogue de voyage, en quête d’une future escapade ensoleillée. Et pour arrêter ce choix cornélien, pourquoi ne pas opter pour les salons confortables du Grand Powers ?
Niché au cœur du « triangle d’or » parisien, rue François 1er, cet hôtel de la collection Paristory propose en effet une atmosphère chaleureuse, qui tranche avec la grisaille extérieure. Personnel aux petits soins, attentions personnalisées et chocolatées, rien ne manque pour cette rencontre entre le Journal des Palaces et les sœurs Marang, Alexandra et Julie, qui ont repris en 2021 le groupe fondé par leur père, Gilles.
Alexandra, l’aînée, est issue de l’univers de la joaillerie. Elle a passé huit ans chez Cartier, qui appartient au groupe Richemont, et deux chez Chaumet, dans le groupe LVMH, où elle était responsable de la communication. En 2009, elle rejoint son père pour un essai. Coup d’essai, coup de maître ! Enthousiasmée par le secteur, elle prend de plus en plus de responsabilités au sein du groupe et en dirige bientôt les établissements. À l’issue de la crise sanitaire, le patriarche prend du recul et Alexandra Marang a besoin de soutien. C’est alors que Julie, sa sœur, rejoint le giron familial, au sein duquel figurent notamment le Grand Powers et le Grand Hôtel du palais Royal.
Évoluant dans le milieu de la publicité, Julie Marang a vendu de l'espace publicitaire sur Air France Magazine, Air France Madame et au sein des groupes Decaux et Lagardère. Elle intègre ensuite une agence de communication, orientée luxe, dans le secteur de la mode, en tant que directrice commerciale de l'agence. Puis, elle monte son propre showroom et officie comme agent pour des créateurs de mode et s’occupe de leur développement commercial dans le monde. Également fascinée par le monde de l’hôtellerie de luxe, elle ne changerait désormais de métier pour rien au monde.
Totalement passionnées par le secteur et investies dans la gestion de Paristory, les deux sœurs ne se font pas prier pour passer à table. Le tout, avec une décontraction, une chaleur et des sourires qui nous feraient presque oublier la morosité de la pluie qui continue de se déverser, à l’extérieur.
Journal des Palaces : Comment est née votre passion pour ce secteur ?
Julie Marang : On a baigné dedans depuis petites. Notre père parlait de cela le soir à la maison, nous le voyions rentrer des salons avec des sacs de goodies, nous étions excitées. Et nous passions beaucoup de temps dans les hôtels. Notre père était passionné d’hôtels, donc, lorsque nous voyagions, le choix de l'hôtel était hyper important. Par conséquent, nous avons eu cet œil du métier assez tôt.
Alexandra Marang : Dans nos vies d'avant, nous avons beaucoup voyagé pour des raisons professionnelles, nous nous sommes retrouvées « jetlaguées » à l'autre bout du monde, dans des établissements très impersonnels, et je pense que ça nous a donné envie de penser un peu comme les hôtels dans lesquels nous aurions envie d'être si nous voyagions et que nous nous retrouvions à Paris.
Comment est-ce que vous définiriez l'hôtellerie de luxe ?
Julie Marang : Évidemment, l'hôtellerie de luxe, ce sont les prestations propres à l'hôtel, c'est une évidence. Mais l'hôtellerie de luxe, ce sont aussi les services. C'est le niveau d'attention qui est porté à chaque client, c'est le fait de ne jamais dire non à une demande, dans la limite du possible, de l'acceptable et du légal, évidemment. L’hôtellerie de luxe, c’est être capable de devancer les attentes du client, c'est faire en sorte que le voyageur retrouve des attentions qui le font se sentir chez lui, alors qu’il a voyagé et qu’il est loin de ses enfants, de sa famille.
Je pense que c'est sur ce point que nous faisons certainement la différence par rapport à d'autres hôtels. Et c'est là-dessus que nous mettons l'accent auprès de nos équipes. Et ces dernières savent qu'ils ont une grande liberté pour contenter le client. Nous ne nous contentons pas d’un check-in et d’une remise de clé. Il y a une gentillesse, une sincérité, une générosité qui, je pense, est hyper présente chez nos équipes et qui rend forcément leur métier beaucoup plus gratifiant. Par exemple, un membre de notre équipe, qui adore la course à pied, propose régulièrement d’accompagner nos clients sportifs pour leur montrer un parcours qu’ils ne connaissent pas forcément, il fait une pause pour prendre les photos. C’est un vrai plus pour nos clients.
Nos guest relations font des recherches sur les profils Instagram, s’ils sont ouverts, ou sur Internet, pour voir quels sont les hobbies de la personne, pour lui préparer une attention la plus personnalisée possible. Nous sommes vraiment sur l’envie de surprendre et de faire plaisir.
Comment a évolué l'ADN de ce groupe familial, créé en 1990 ?
Alexandra Marang : Ce groupe a presque été créé par hasard finalement. Notre père était promoteur immobilier. Il a créé sa société en sortant de son école de commerce. Je crois qu'il a travaillé un an chez un broker immobilier, avant de monter sa société pour construire des immeubles dans Paris. En 1990, il a senti la crise arriver. Il s'est dit qu'il fallait qu'il trouve une deuxième activité dans laquelle il puisse utiliser ses compétences pour essayer de passer cette crise. Grâce à ses compétences en construction et aux très bonnes relations qu'il avait, à la fois avec les entreprises de bâtiment avec qui il travaillait depuis longtemps, mais également avec les banques, il a acheté un premier hôtel. Puis un deuxième. Conquis par le métier, il s’est pris au jeu et il est devenu passionné.
Pour en connaître davantage sur le secteur, il a été franchisé Accor. Il y a eu plusieurs hôtels Mercure. Ensuite, il a arrêté la collaboration avec Accor pour se franchiser Holliday Inn. Il est ensuite devenu totalement indépendant, avec des hôtels dans le quinzième arrondissement de Paris. Puis, il s'est rapproché des quartiers plus prestigieux, plus centraux de Paris, dans le huitième, le seizième et le dix-septième.
Vous venez de changer de nom de votre groupe, qui s’appelle désormais Paristory. Quelle est la raison de ce changement ?
Julie Marang : Plusieurs raisons expliquent ce changement. Déjà, le nom des grands hôtels parisiens, c’est très long, pas facilement mémorisable, compliqué pour les étrangers qui constituent 85 % de notre clientèle. Nous voulions un nom plus court, plus facile à traduire et surtout, qui représente plus nos valeurs.
Nous avons conservé la référence à Paris, puisque c’est le cœur de notre métier et la fierté d'être présents dans tous ces quartiers clés de Paris. Quant au terme « story », nous nous sommes dit que notre métier, l'hôtellerie, c'est un peu raconter des histoires, de belles histoires. Il y a notre histoire familiale que nous avons transmise aux équipes, qui la rapportent elles-mêmes aux clients. Ces clients aussi viennent souvent chez nous pour une raison particulière : un anniversaire de mariage, un évènement familial… Ce sont, au final, de multiples histoires qui se tissent et se rencontrent. C’est pourquoi notre identité visuelle représente un plan de Paris retravaillé, que nous retrouvons sur pas mal d'éléments de notre signature. Il y a ces rues qui s'entrelacent pour toutes les histoires qui peuvent se recouper et qui permettent aussi à nos équipes de s’identifier à un nom de groupe plus fort.
Est-ce que vous avez l'ambition de développer le groupe avec de nouvelles ouvertures ?
Julie Marang : Nous avons un hôtel, le Prince de Conti, qui est dans le sixième arrondissement, un ancien trois étoiles que nous avons acheté il y a un peu plus d'un an et dont les travaux de réhabilitation viennent de débuter. À l’issue des rénovations, cet établissement sera un quatre étoiles, mais un « quatre étoiles plus plus », avec une décoration très soignée, de belles références historiques et des prestations dignes d’un cinq étoiles. En réalité, il ne pourra prétendre aux cinq étoiles, au sens prévu par Atout France, uniquement en raison de la surface de ses chambres.
Alexandra Marang : Nous restons attentives aux opportunités qui pourraient se présenter pour acquérir un nouvel hôtel. Mais nous sommes très exigeantes en termes de quartier : soit dans le huitième arrondissement, soit dans le premier, soit dans le sixième. Nous désirons vraiment rester sur ces localisations clés, que nous connaissons, qui vont nous permettre d'avoir des synergies et de mutualiser le personnel ou les prestations. Nous considérons ces quartiers comme les plus emblématiques de Paris, les plus touristiques et les plus prestigieux, culturellement passionnants.
Et vous êtes focalisées uniquement sur Paris ?
Julie Marang : Après le Covid, nous avions regardé la région de Nice, pour nous diversifier. D’autant que l’hôtellerie de province a repris avant l’hôtellerie parisienne. Et, finalement, on aime tellement Paris, comment cela fonctionne ici, la clientèle…
L’autre problème, c’est notre mode de fonctionnement. Nous sommes tous les jours dans notre établissement. Quand je n’y vais pas tous les jours, je ne suis pas bien. J’aime l’humain, les équipes et j’ai besoin d’être auprès d’elles. Donc, entre notre expertise parisienne et le fait de ne pouvoir être présentes au quotidien sur Nice, la piste que l’on avait explorée, nous avons choisi de rester concentrées ici.
Est-ce que vous avez, au-delà de ce projet de réhabilitation d'hôtel, d'autres souhaits, d'autres vœux ?
Julie Marang : Nous avons encore envie de développer le groupe. On aimerait bien aussi, peut-être, mettre cette réussite au service d’un engagement social un peu plus fort. Je pense qu'on a déjà un engagement social fort, dans la manière dont on manage et dont on gère nos équipes, et qui est, je pense, assez important par rapport au reste du monde hôtelier.
Alexandra Marang : En effet, nous nous sommes toujours dit, avec Julie, en regardant les petits groupes hôteliers, que nous souhaitions poursuivre notre développement à notre rythme, continuer à performer, mais jamais au détriment de nos clients, ni de nos employés. Et cela, nous y tenons. Nous ne voulons pas, à Paristory, un staff qui ne soit pas épanoui, ni un turnover constant. Ce n’est pas notre vision du métier. C’est aussi pour cela que nous ne visons pas 10 nouveaux hôtels dans les cinq ans. Maintenant, si demain un broker arrive et nous propose des murs et un fonds dans le huitième à prix attractif, on ne ferme pas la porte.
L’aspect durable et social est profondément ancré dans l’ADN de Paristory. Comment est-ce que cela se manifeste au quotidien ?
Alexandra Marang : Moi, sur ma partie travaux, à chaque niveau, je l'ai en tête et j'ai à cœur de le développer. Par exemple, l'année dernière, en même temps qu'on a refait les suites et ravalé la façade, on a changé le système de climatisation-chauffage du Grand Hôtel du Palais-Royal.
Nous produisions la climatisation par des ventilo-convecteurs qui fonctionnaient avec de l'eau glacée. Dans chaque ventilo-convecteur, il y avait une résistance électrique qui produisait le chauffage. Ce procédé de chauffage était très énergivore et les réseaux hydrauliques qui permettaient d'alimenter les ventilo-convecteurs et de distribuer la climatisation étaient vétustes. Nous avons donc remplacé les convecteurs par des pompes à chaleur que l'on peut faire fonctionner soit avec de l’air, soit avec de l’eau, pour schématiser. Pour en faire fonctionner un maximum avec de l’eau, de façon écologique, nous avons décidé de les alimenter par un forage dans la nappe phréatique, située à 28 mètres de profondeur. L’eau qui est à 14 degrés monte dans les circuits, puis elle est redéversée dans la nappe phréatique, à 22 degrés l’été et à 8 degrés l’hiver. C’est un échange d’énergie qui n’occasionne aucun rejet de particules dans l’air, c’est donc extrêmement vertueux. Et, sur la facture d’énergie, même si nous n’avons pas encore assez de recul, on estime l’économie à 30 %.
De la même façon, nous avons commencé le curage de l’hôtel Prince de Conti, dans le sixième arrondissement et nous avons fait appel à une société qui s’appelle Second Œuvre, dont l’objectif est le réemploi et le recyclage des produits, des matériaux et des équipements curés. Cela signifie que rien ne part à la benne, tout est recyclé. C’est pourquoi nous l’avons choisie.
Bien sûr, les bâtiments qui hébergent nos hôtels sont éligibles au décret tertiaire, dont l’objectif est de réduire de 60 % les consommations énergétiques à l’horizon 2050. Cette obligation incombe à la fois au bailleur et à l’occupant. Nous déclarons donc tous les ans nos consommations sur une plateforme, puis nous sommes accompagnés par un bureau de contrôle qui va nous indiquer les actions à mettre en place pour réduire les consommations.
Julie Marang : Nos cuisines sont également extrêmement engagées, puisque nous avons reçu très récemment notre deuxième macaron Écotable. Cela a impliqué une réorganisation totale des cuisines : il n’y a plus du tout de plastique, les produits sont de plus en plus locaux, environ 30% de nos produits sont bio et nous assurons une traçabilité importante de tous les produits qui entrent dans la cuisine, nous conservons tous les déchets et travaillons avec une société qui vient les récupérer pour faire du compost. Nous avons un petit potager sur le toit du Grand Hôtel du Palais Royal, où le chef cueille des herbes aromatiques, et nos légumes proviennent d’une ferme située en Île-de-France. Nous attachons beaucoup d’importance à cette dimension locavore. Nous recyclons également tous les produits non consommés que nous redistribuons à des associations, nous reconditionnons tous les produits d’accueil qui n'ont pas été utilisés, les chaussons, etc. qui sont aussi redistribués à des associations. Nous possédons aussi une ruche chez un apiculteur. Le miel que nous proposons au petit-déjeuner est issu de ces ruches.
Nous sommes également très engagés avec l’association Les Petits princes qui réalise les rêves des enfants malades. Ce projet est très intéressant, car il engage également les équipes. Et celles-ci sont hyper investies et se plient en quatre pour que l’enfant passe un moment incroyable et inoubliable.
Vous accordez une place importante au bien-être au travail…
Julie Marang : Nous y sommes très attentifs. C’est pourquoi nous organisons des sorties entre services. Les salariés peuvent poser un jour de congé le jour de leur anniversaire, la veille ou le lendemain, afin de pouvoir profiter de ce moment avec leurs proches. Nous organisons aussi, en fonction de notre taux d’occupation, des séances de yoga ou de sophrologie dans une suite. Nous avons aussi un comité RSE dans lequel chaque salarié peut soumettre ses idées, nous envoyons également une newsletter RSE tous les mois aux salariés. Elle met en avant toutes les améliorations qui ont été faites dans les hôtels, donne des recettes RSE et des conseils. Nous participons à des événements du secteur, comme les 10 km des Étoiles. À titre personnel, j’aimerais beaucoup y participer, mais il faut que je m’entraine au préalable [rires].
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite évoluer dans le secteur de l’hôtellerie de luxe ?
Alexandra Marang : Le conseil que je donne est de travailler dans tous les services. Pour moi, le sentiment d’appartenance n’existe qu’à partir du moment où l’on connaît tous les métiers.
Julie Marang : Le mien, c’est allez-y. L’hôtellerie est un métier de passion, dans lequel la carrière est évolutive et qui propose une pléiade de professions différentes. C’est une industrie qui est vivante, dans laquelle le sens du contact et de l’accueil n’existe nulle part ailleurs. Le contact client et inter-équipe est précieux. Ce métier est magique ! Et pour nous, qui voyons nos équipes joyeuses, investies, heureuses de venir travailler chaque jour, c’est hyper gratifiant !
Les chambres du Grand Powers profitent d’une décoration sobre et chaleureuse Crédit photo © Johan Dastarac
Luxe et élégance définissent les prestations apportées à la salle de bain de la Suite Rooftop du Grand Hotel du Palais Royal Crédit photo © Johan Dastarac
La terrasse panoramique de la Suite Rooftop offre une vue incomparable sur les toits et les monuments de Paris Crédit photo © Johan Dastarac
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