CARRIÈRE - ENTRETIEN AVEC GÉRALD CHEVASSON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INTERCONTINENTAL DOHA BEACH & SPA (Qatar)
Le Français dessine une carrière internationale qui l'a récemment rappelé au Qatar, pour relever un nouveau défi, celui d'inscrire son resort dans les projets d'un développement touristique « raisonné » du pays.
CARRIÈRE - ENTRETIEN AVEC GÉRALD CHEVASSON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INTERCONTINENTAL DOHA BEACH & SPA (Qatar)
Le Français dessine une carrière internationale qui l'a récemment rappelé au Qatar, pour relever un nouveau défi, celui d'inscrire son resort dans les projets d'un développement touristique « raisonné » du pays.
Né à Paris, Gérald Chevasson se définit comme un « Méditerranéen ». Conforté par des origines maltaises, italiennes, françaises, pied noir… ce citoyen du monde a ainsi épousé une Anglaise et ses deux filles sont nées à Dubaï. Celui qui a quitté la France il y a fort longtemps, a déroulé quelque 30 années d’expériences au Moyen-Orient. Doha, Riadh, Muscat, Dubaï et Abu Dhabi n’ont plus de secrets pour l’homme aguerri, qui s’épanouit aujourd’hui pleinement au Qatar.
Si Le Méridien et Starwood Hotels & Resorts ont été, durant de longues années, les points d’ancrage de sa carrière, c’est désormais au sein d’IHG Hotels & Resorts qu’il entreprend une nouvelle aventure. En plus d’être convaincu par son expérience internationale, le groupe a été séduit par son expertise dans le domaine de la restauration. Nommé directeur général de l’InterContinental Doha Beach & Spa, un des premiers hôtels construits dans la capitale qatarie, Gérald Chevasson fourmille de projets pour faire de cet établissement une destination prestigieuse et incontournable au sein de l’émirat.
Pour le Journal des Palaces, le directeur général revient sur ses choix de carrière internationale et sur les défis à relever pour réussir dans l’hôtellerie de luxe internationale.
Quand avez-vous décidé de faire carrière dans l'hôtellerie de luxe et à l'étranger, et quelles étaient vos motivations ?
Gérald Chevasson : Mon intérêt pour l'hôtellerie de luxe est né lorsque j'ai commencé ma carrière en tant que commis serveur et que j'ai rencontré un directeur général, qui m'a incité à poursuivre une carrière dans l'hôtellerie. L’hôtellerie de luxe fait appel à des valeurs altruistes. Vous travaillez pour confectionner des expériences et pour créer des souvenirs. Pour moi, le luxe est une histoire de passion de ce que l’on fait. Un directeur général d’hôtel de luxe est le maître de maison, avec des activités extrêmement variées au quotidien. Chaque détail compte, c’est ce qui m’a séduit dans cet univers.
Travailler à l'étranger est venu naturellement, car je voulais élargir mes horizons et m'immerger dans diverses cultures. Cette décision m'a permis de m'épanouir tant sur le plan professionnel que personnel et d'apporter une contribution positive au paysage mondial de l'hôtellerie et de la restauration.
À quoi n'étiez-vous pas préparé ? Y a-t-il quelque chose que vous auriez aimé savoir avant de partir à l'étranger ?
Je n'étais pas préparé à la possibilité de quitter définitivement la France lorsque je suis parti, en 1993, avec une seule valise. Des années plus tard, j'ai rencontré et épousé ma merveilleuse femme, et nous avons eu deux magnifiques filles.
Aujourd'hui, lorsque nous visitons la France, je voyage toujours avec une seule valise pour moi, mais avec une douzaine de valises pour mes filles. Le fait d'être expatrié m'a apporté un immense bonheur, et je n'ai jamais regardé en arrière depuis.
Quels sont, selon vous, les avantages, et peut-être les défis, d'une expérience internationale ?
Sortir de ma zone de confort était essentiel. Cela m'a permis d'élargir mon apprentissage et mon développement, en particulier ma capacité à comprendre les gens. Cela m'a permis de regarder mon propre pays sous un angle différent.
Cependant, les défis tels que l'adaptation culturelle, les barrières linguistiques et l'éloignement de la famille peuvent être considérables et nécessitent une approche proactive et positive. On apprend à s'adapter rapidement, à développer son humilité et à se rappeler que les gens pensent différemment selon la culture et les mœurs dans lesquelles ils ont grandi. Il ne faut jamais sous-estimer les personnes que l'on rencontre, ni être condescendant.
Quelles sont les raisons qui ont motivé votre choix de revenir au Qatar ?
C'est un pays qui avance de manière mesurée - il est luxueux tout en privilégiant un mode de vie simple et sain, comme la bonne nourriture, le sport et l'exercice, l'art et la culture. Ici, nous jouissons d'une qualité de vie élevée, sans excès, et le développement est pensé à l'échelle humaine et à long terme. Nous disposons de musées et de galeries d'art de grande qualité et de niveau international, et nous avons accueilli des événements majeurs, tels que la Coupe du monde de football en 2022 et le Grand Prix annuel de Formule 1, qui suscitent tous deux beaucoup d'enthousiasme.
Par ailleurs, il y a une forme d’inspiration française dans le développement du Qatar. Le pays travaille plus sur la qualité des réalisations que sur leur quantité, ce qui crée un vrai avantage compétitif au Moyen-Orient. Nous ne sommes encore qu’au début de la destination, qui reste relativement jeune sur le plan touristique, et cela me donne le sentiment de faire partie des pionniers qui participent au déploiement du tourisme d’agrément ici.
La communauté française de Doha est-elle active ? Est-il facile de s'intégrer localement ?
Oui, la communauté française de Doha est très active. Vous trouverez ici de nombreuses marques et produits français, notamment des magasins de mode de luxe comme les Galeries Lafayette, la FNAC, et le centre commercial Place Vendôme, qui s'inspire de l'architecture française. Nous disposons également d’une offre de restauration française telle que La Petite Maison. En outre, plusieurs hôtels ont une touche française.
Lorsque j'ai la nostalgie de la France, je me rends à Monoprix pour y retrouver une part de mon pays et faire le plein de produits français. En chemin, je m'assure toujours d'écouter la radio Oryx FM dans ma voiture, ce qui améliore encore l'expérience.
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans la vie à Doha, tant sur le plan professionnel que personnel ?
J'adore visiter les musées, les expositions d'art et les événements organisés à Doha. L'un des moments forts a été le spectacle d'Andrea Bocelli, le 13 mai 2024. L'événement était bien organisé et il était facile d'y assister, même s'il était plein à craquer. En vivant à Doha, même lors de grands événements, on ne se sent pas submergé par la foule. Grâce au climat, qui est radieux pendant une grande partie de l'année, il est facile de trouver un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, entre intérieur et extérieur.
Sur le plan professionnel, notre pays est en plein développement, ce qui est très enthousiasmant. La population touristique est multiculturelle, tout comme les équipes, ce qui rend le travail plus enrichissant. À l’InterContinental Doha Beach & Spa, nous travaillons sur une destination. L'hôtel a déjà 24 ans et nous avons consacré tout ce temps depuis l'ouverture à affiner notre offre de restauration et à créer une ambiance à la fois chic et confortable, conviviale et respectueuse. Je travaille sur des projets à moyen et long terme, pour rénover les chambres et créer ainsi un "effet resort". Nous allons également refaire le restaurant qui sert le petit déjeuner et le dîner, et réaménager notre salle de conférence pour développer l'activité MICE… Ici, nous pouvons réaliser en dix ans ce qui prendrait vingt ans en France.
Quels conseils donneriez-vous aux professionnels de l'hôtellerie de luxe qui souhaitent travailler à l'étranger ? Et aux jeunes qui débutent leur carrière ?
Pour ceux qui aspirent à travailler à l'étranger, la maîtrise de l'anglais est cruciale : elle ouvre de nombreuses portes, c’est pour cette raison que j’ai déménagé à Chester en début de carrière pour améliorer mon anglais. Si vous avez un objectif de carrière, vous devez avancer étape par étape, et une maîtrise de l’anglais est nécessaire. Apprendre cette langue en Angleterre est idéal avant d’entreprendre de travailler à l’international.
Travaillez dur, prenez des risques et sortez de votre zone de confort. Apprenez toujours des autres et fixez-vous des objectifs clairs ; sans eux, il est difficile de s'orienter dans sa carrière. Avec ces principes, vous pouvez vous épanouir n'importe où.
Plus généralement, quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaite faire carrière dans l'hôtellerie de luxe ?
Il est essentiel d'avoir une destination claire et des objectifs précis en tête. Posez-vous la question : que cherchez-vous ? Quel est votre but ? Soyez humble et apprenez de vos erreurs et de celles des autres. Planifiez toujours à l'avance et concentrez-vous sur des objectifs à long terme plutôt que sur des gains à court terme. Cette approche vous aidera à voir les choses sous un angle différent.
Journaliste experte de l’hôtellerie de luxe et inspirée par les femmes et les hommes qui l'incarnent, Vanessa aspire à valoriser et sublimer la beauté et l’élégance des palaces à travers ses écrits. “Dans un palace, la simplicité sert la quête de l’excellence” admire-t-elle.
