Le Journal des Palaces

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INTERVIEW – AMANDA FRASIER, PRÉSIDENTE DES NORMES ET DES ÉVALUATIONS, FORBES TRAVEL GUIDE : « ON NE PEUT PAS SIMULER L'EXCELLENCE »

Vision de l'excellence, du service sans effort, regard sur l'évolution de l'expérience client dans l'hôtellerie de luxe, Amanda Frasier nous en dit plus sur sa conception du luxe, et sur les piliers d'une bonne évaluation.

INTERVIEW – AMANDA FRASIER, PRÉSIDENTE DES NORMES ET DES ÉVALUATIONS, FORBES TRAVEL GUIDE : « ON NE PEUT PAS SIMULER L'EXCELLENCE »

Vision de l'excellence, du service sans effort, regard sur l'évolution de l'expérience client dans l'hôtellerie de luxe, Amanda Frasier nous en dit plus sur sa conception du luxe, et sur les piliers d'une bonne évaluation.

Catégorie : Monde - Économie du secteur - Interviews et portraits - Expériences exclusives - Récompenses, remises de prix, concours Tendances, avis d'expert - Interviews
Interview réalisé par Vanessa Guerrier-Buisine le 21-06-2024


Amanda Frasier, President of Standards and Ratings, Forbes Travel Guide

Amanda Frasier, President of Standards and Ratings, Forbes Travel Guide
Crédit photo © Forbes Travel Guide

Après un début de carrière dans l’hôtellerie et une entrée au sein de Forbes Travel Guide en tant qu’inspectrice, Amanda Frasier a gravi tous les échelons du système d’évaluation indépendant et a consacré 17 années à cette entreprise qui « vérifie le luxe ». En 2022, Amanda est promue présidente des normes et des évaluations par Hermann Elger, l’emblématique CEO de Forbes Travel Guide. Si le CEO salue l’intégrité et le leadership d’Amanda Frasier, c’est parce que cette dernière s’engage pleinement à renforcer la transparence des standards et à maintenir l'indépendance des départements d’évaluation et de formation de Forbes Travel Guide.

À la tête du Comité consultatif des normes qu’elle a fondé, la présidente des normes et évaluations orchestre une équipe de leaders de l'industrie hôtelière et du luxe. Elle pilote par ailleurs des événements tels que The Summit, qui aura lieu à Monaco en 2025.

Dans une interview accordée au Journal des Palaces, Amanda Frasier dévoile sa vision de l'excellence, qu'elle définit par l'authenticité, la simplicité et la cohérence. Elle décrit le concept de « service sans effort », incarné par des équipes qui anticipent intuitivement les besoins des clients. Elle aborde par ailleurs l’évolution de l'expérience client et l’importance croissante accordée au bien-être et s’adresse enfin aux directeurs généraux aspirant à atteindre les cinq étoiles.

Journal des Palaces : Comment définissez-vous l'excellence ?

Amanda Frasier : Pour moi, l'excellence est une question d'authenticité. Et, beaucoup de nos normes sont rédigées pour rechercher cette authenticité pour le client : le membre de l’équipe a-t-il souri ? Lorsqu'il vous a parlé, vous a-t-il semblé sincère ou forcé ? L'accueil était-il robotisé, comme s'il s'agissait d'une liste de contrôle ? Nos normes nous aident à comprendre ce que ressent le client.

En résumé, je pense que l'excellence se résume à trois critères : l'authenticité, la simplicité et la cohérence.

Comment évaluer ce niveau d’authenticité ?

Nous recherchons l'authenticité par le biais de normes que nous classons, comme la courtoisie et la prévenance. Lorsque nos évaluateurs répondent, ils sont guidés pour comprendre ce que nous recherchons.

Par exemple, nous pouvons leur demander : « Lorsque vous avez pris votre petit-déjeuner, le serveur a-t-il été attentionné pendant votre repas ? » Un évaluateur qui serait peu éduqué au luxe pourrait répondre « Oui, ils ont déposé quelques condiments quand ils ont servi mes œufs », et oui, c'est une attention, mais ce n'est pas vraiment le niveau d'anticipation que nous recherchons.

En revanche, s'ils ont vu que le client se protégeait les yeux parce que le soleil entrait directement la pièce, s'ils l'ont remarqué, s'ils ont proposé de déplacer le client ou de changer l'orientation des rideaux, c'est le niveau d’attention que nous recherchons. Il ne s'agit pas seulement de prêter attention aux choses qui font partie du métier.

Parmi les critères utilisés par les inspecteurs, vous mentionnez la recherche d'un « service sans effort ». Pourriez-vous expliquer ce concept plus en détail ?

Il s'agit pour les clients de ne pas avoir à s'arrêter inutilement et à réfléchir à la prochaine étape évidente. Nous voulons que les inspecteurs voient que le personnel est engagé et concentré. Il s'agit que le personnel réfléchisse avant que le client n'ait à penser à la prochaine étape.

Je me souviens, il y a des années, avant que nous n’ayons des réveils sur nos téléphones. J'étais en train de demander un appel de réveil à la réception. J'avais un vol très tôt, vers quatre heures du matin. Constatant cette heure matinale, l’équipe m’a demandé si je voulais que l’on me rappelle cinq minutes après. J'étais très anxieuse à l'idée de me lever tôt pour prendre ce vol et de le rater, et c'est un peu comme s'ils lisaient dans mes pensées.

Comment peut-on parvenir à un tel service sans effort ?

Cela ne s'apprend pas. Vous avez l'intuition du service, ou non. L'hôtellerie est plus qu'un travail, c'est une carrière, un style de vie et cela représente la personne que vous êtes à part entière. Apporter cet état d’esprit à une équipe est un élément très important de la réussite d'un hôtel.

Vous pouvez avoir la meilleure formation du monde, que ce soit celle du Forbes Travel Guide ou la vôtre. Mais, au bout du compte, c'est la façon dont l'hôtel fonctionne qui permet de continuer à insuffler cette passion et de faire sentir au personnel que ce qu'il fait a une finalité et une perspective.

Comment l'expérience client s’intègre-t-elle dans votre système d'évaluation ?

L'année dernière, l'expérience client a été un élément que nous avons introduit de manière beaucoup plus spécifique. Le consommateur de luxe moyen est tellement mieux informé dans son processus de décision et ses attentes que nous devions nous assurer que nos standards étaient alignés sur cette pensée.

Nous disposons désormais de normes relatives à l'expérience client, qui peuvent avoir un impact sur l’évaluation du service, et qui prennent en compte des éléments que nous n'avions jamais vraiment examinés auparavant, en les récompensant ou en les déduisant par des points.

Par exemple, nous demandons dorénavant à nos inspecteurs : que pensez-vous de l'expérience par rapport au coût ? Nous leur demandons d'envisager cette question de manière très large, sans se limiter au prix de la chambre, mais en disant : avez-vous eu le sentiment d'avoir pris une bonne décision en séjournant dans cet hôtel lorsque vous vous êtes assis dans votre chambre, que vous avez commandé un hamburger ou un bol de soupe et que la facture s'est élevée à 150 dollars ? Qu'est-ce qui a contribué à vous donner l'impression que c'était la meilleure expérience ?

Lorsque la liste 2024 a été dévoilée, vous avez déclaré : « Le cru 2024 de notre liste reflète les efforts que les établissements déploient pour offrir des expériences de qualité à leurs clients. » Pourriez-vous donner quelques exemples de ces efforts auxquels vous faites référence ?

Les clients sont aujourd'hui plus gâtés que jamais en termes de choix de voyage. Il existe tellement de façons merveilleuses de voyager aujourd'hui, qui sont beaucoup plus ouvertes à un plus grand nombre de personnes. Il y a eu de formidables programmes de restauration, des événements et des activités très intéressants dont les clients peuvent profiter. L'accent est davantage mis sur le bien-être.

Lorsque j'ai fait ce commentaire, nous avions commencé à voir davantage de marques hôtelières s'associer à d'autres marques de luxe. Ces collaborations ne sont donc pas nouvelles, mais je pense que les hôtels s'aperçoivent qu'il existe une réelle opportunité d'intersection entre la mode de luxe, le divertissement, l'hôtellerie et la santé. Cela améliore l'expérience des clients, car cela leur permet d’essayer de découvrir des nouveautés qu'ils n'auraient peut-être pas connues ailleurs.

Quels sont les efforts nécessaires pour passer de 4* à 5* sur la liste Forbes Travel Guide ?

Pour obtenir quatre étoiles, il faut atteindre un score de 82 % sur la grille d’évaluation, et pour cinq étoiles, il faut être à 90 %. Mais, nous n'aimons pas considérer notre système d'évaluation comme un jeu de chiffres, car dès que vous commencez à essayer de réfléchir de cette façon, à la manière d’un directeur général qui se dirait, « il me suffit d'atteindre 82 ou 90 », vous avez déjà perdu. C'est la pire manière d'aborder la question.

L'effort se résume à la cohérence et à tout ce que nous avons dit précédemment. Il s'agit de réfléchir à la manière de s'assurer que tous les membres de l'équipe, du propriétaire jusqu'au bas de l'échelle, sont sur la même longueur d'onde. Tout le monde doit comprendre que l'objectif n'est pas le nombre, mais la manière dont le client se sent.

Pourriez-vous décrire brièvement les termes du récent partenariat avec Les Clefs d'Or, l'association des concierges d'hôtels ?

Nous croyons fermement à la valeur qu'un excellent concierge, comme les membres des Clefs d'Or, peut apporter à l'hôtel, mais surtout, il peut contribuer à améliorer l'expérience du client.

Chaque année, nous passons en revue nos normes et nous veillons à ce qu’ils restent pertinents. Notre Comité consultatif des normes (CCN) nous aide à le faire. Je préside donc ce CCN, que j'ai créé en 2013. Il s'agit d'un groupe de cadres du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, qui rejoignent la conversation lorsque nous affinons nos standards. Le président des Clefs d'Or y siège également.

Nous participons au congrès annuel des Clefs d'Or en y apportant notre soutien et notre leadership. Les Clefs d’Or jouent aussi un rôle important lors de nos événements, comme dans le cas de notre sommet qui aura lieu à Monaco en février 2025. Les concierges des Clefs d'Or de toute la Côte d'Azur, collaborent avec nous et m'aident à mettre en place des visites et des opportunités sur mesure, en très petits groupes, pour que nos invités puissent en profiter et y participer.

Quelles sont les grandes tendances que le Forbes Travel Guide suit de près ?

Nous suivons de près le luxe et son évolution. Il fut un temps où, au restaurant, il fallait une nappe blanche. Ce n'est plus ce qui définit la restauration de luxe aujourd'hui. Si c'est le cas de votre restaurant, c'est très bien, mais ce n'est pas la seule façon de créer du luxe.

Le bien-être et la durabilité sont également très importants. On observe notamment la progression des services de bien-être sans contact. L'année dernière, nous avons introduit des normes de service sans contact dans notre évaluation. Nous sommes, en effet, convaincus de l’importance d'offrir aux clients un choix plus large et peut-être moins traditionnel d'expériences de bien-être.

Et, il y a tant de grandes marques qui ont pris ce parti, comme le Carillon Miami Wellness Resort à Miami Beach. Tammy Pahel, qui fait partie de notre CCN, nous a aidés à définir nos normes de service sans contact. Tout cela ne cible pas uniquement le retour sur investissement d'un spa, mais également, cela pousse le bien-être en dehors du spa, et le diffuse dans les différents espaces d'un hôtel.

Quels conseils donneriez-vous à un directeur général qui souhaite obtenir cinq étoiles ?

Que vous obteniez la mention « recommandé », « quatre étoiles » ou « cinq étoiles », si vous figurez sur notre liste, c'est-à-dire si vous faites partie des 1.443 hôtels qui y figurent, cela montre déjà qu'il y a un engagement à réfléchir à toutes les étapes que votre hôtel a dû franchir pour créer une excellente expérience pour les clients.

Cela montre donc qu'en tant que leader, vous avez fait quelque chose de bien. La liste des cinq étoiles ne représente qu'environ 20 % de l'ensemble de notre liste, c'est alors une question de cohérence.

Il ne faut pas courir après les étoiles, ce que l'on cherche à obtenir, c'est un résultat pour le client, la façon dont on veut que l'hôtel soit perçu. Cela se résume à une excellente communication avec l'ensemble de l'équipe, à un soutien constant, à un service authentique et à des gestes qui viennent du cœur, tout en leur donnant la possibilité d'être eux-mêmes et d'être la personne que vous avez embauchée.

On ne peut pas simuler l'excellence. Il faut la vivre et la respirer, même si l'on commet des erreurs, et il n'y a pas de mal à en commettre, car c'est là que se trouvent les plus grandes possibilités d'apprentissage.

Forbes travel guide the summt

Le prochain Summit de Forbes Travel Guide aura lieu à Monaco en février 2025
Crédit photo © Forbes Travel Guide




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A propos de l'auteur

Journaliste experte de l’hôtellerie de luxe et inspirée par les femmes et les hommes qui l'incarnent, Vanessa aspire à valoriser et sublimer la beauté et l’élégance des palaces à travers ses écrits. “Dans un palace, la simplicité sert la quête de l’excellence” admire-t-elle.

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