PORTRAIT DU CHEF MICHAËL MICHAELIDIS, UNE CARRIÈRE SOUS LES ÉTOILES (États-Unis)
Le chef Michaelidis, qui détient un palmarès glorifiant, a entamé depuis quelques mois une nouvelle étape dans sa course aux étoiles. Portrait de ce chef cannois devenu citoyen du monde étoilé. |
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PORTRAIT DU CHEF MICHAËL MICHAELIDIS, UNE CARRIÈRE SOUS LES ÉTOILES (États-Unis)
Le chef Michaelidis, qui détient un palmarès glorifiant, a entamé depuis quelques mois une nouvelle étape dans sa course aux étoiles. Portrait de ce chef cannois devenu citoyen du monde étoilé. |
Catégorie : Amérique du Nord et Antilles - États-Unis - Interviews et portraits
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Interview de Vanessa Guerrier-Buisine le 31-05-2024
Après avoir déroulé un parcours sans faute dans les plus grands restaurants des continents européen et asiatique, son compteur est monté à 26 étoiles Michelin. Des étoiles que le chef a savourées dans l’ombre de grands noms tels qu’Alain Ducasse et surtout Joël Robuchon. Nous avons rencontré le chef Michael Michaelidis pour en savoir plus sur cette carrière empreinte de réussites, et sur les projets qui le font désormais vibrer.
C’est sur la Côte d’Azur que prend vie la carrière de Michael Michaelidis. Né d'un père grec et d'une mère néerlandaise, Michaël Michaelidis découvre sa passion très jeune. Dès 14 ans, lors d’un préapprentissage effectué au CFA de Cannes, il goûte aux plaisirs de partager « les gamelles » des autres apprentis. Cuisine marocaine, algérienne, tunisienne, il nourrit ainsi, très jeune, sa culture gastronomique de ses origines et de la cuisine méditerranéenne.
Son rêve de devenir chef étoilé le mène rapidement vers l’un des restaurants les plus emblématiques des années 90 sur la Côte d’Azur, La Belle Otéro, restaurant deux étoiles du Carlton Cannes, tenu par le chef Francis Chauveau. « C’était l'armée. Je voulais entrer dans cet univers et devenir chef étoilé » se remémore-t-il avec une douce nostalgie.
Une passion précoce et un parcours étoilé
Sa carrière prend son envol dans des établissements renommés de la Côte d'Azur comme L’Oasis, à Mandelieu, auprès des frères Raimbault, ou encore La Palme d’Or le restaurant deux étoiles de l’hôtel Martinez à Cannes, dirigé par Christian Willer. À 22 ans, il rejoint le prestigieux Hôtel de Paris et le restaurant Louis XV d'Alain Ducasse à Monaco, où il reste plus de quatre ans. Cette expérience lui ouvre les portes d'une carrière internationale.
En 2007, Michaël rêve de s’envoler pour les États-Unis, mais la crise économique lui ferme les portes du visa et met un coup de frein à ses projets. Il aborde alors une nouvelle facette du métier, en mettant son talent au service de milliardaires.
Une escale comme chef privé
Michaël devient chef privé à bord de yachts, pour des familles d'armateurs et des têtes couronnées. Tunisie, Riviera italienne, Les Baléares, Sardaigne, Corse, Malte, Grèce sont parmi les multiples destinations qu’il écume, au sein desquelles il fait les marchés, goûte des produits locaux, s’enrichit de chaque découverte.
Une expérience qui le rapproche de ses racines grecques et lui permet de perfectionner une cuisine sur mesure. Ici, les défis varient, passant de la confection de menus « pour quatre clients, à des prestations de 150 couverts, à préparer seul ». Et, un mode de vie à adopter, celui de clients milliardaires. « Je voyageais souvent dans un Boeing 747 aménagé pour cette famille de Saoudiens. À bord, je dressais des plats sur une vaisselle Versace et nous débouchions des bouteilles de Pétrus », se souvient-il.
Paris, Londres, New York, d’hôtel particulier en villa, en passant par des îles privées… les lieux de travail changent aussi vite que ses menus, créés au gré des marchés locaux. Il cuisine alors pour des diamantaires, des personnalités de la royauté, des diplomates, avec « toute l'excellence au service de cette clientèle qui était la plus huppée du moment ».
L’appel des étoiles se faisant toujours sentir, il prend un nouveau virage et s’oriente vers l’orient, en rejoignant le Spoon by Alain Ducasse à Hong Kong en 2011. Sa mission : obtenir une deuxième étoile pour l'établissement, défi relevé en seulement huit mois. C'est aussi à Hong Kong qu'il rencontre Joël Robuchon, son futur mentor, et qu’il prend le chemin des cuisines de son Atelier.
Douze ans avec Joël Robuchon
Michaël Michaelidis passera douze années au sein du Groupe Robuchon, une période qui le forge à l'excellence et l'innovation. « Garder les trois étoiles pour Joël Robuchon était un gros pari. Nous avions une pression constante à se partager avec le chef exécutif », raconte-t-il. Pour lui, travailler auprès du chef le plus étoilé du monde permet d'acquérir une rigueur et une précision inégalées.
Et, le chef de se souvenir, « Il avait des yeux derrière la tête. Il pouvait être à Las Vegas, et nous appeler pour nous dire ‘il y a ce Compagnon du Devoir et du Tour de France qui est assis, il y a ce client régulier, qui veut cette gelée à la minute, tremblotante, tu ne mettras pas 15 grammes, mais 20 grammes pour lui, car il aime la gelée ainsi’. Il était à l'extérieur du pays et savait pourtant ce qui se passait dans son restaurant ».
Au gré d’une vraie confiance établie entre les deux hommes, Michaël prend plus de responsabilités au sein du groupe, passant du poste de chef des cuisines, à chef exécutif, avant de devenir directeur culinaire à Tokyo. « Joël Robuchon m’a laissé prendre les rênes du restaurant, alors que j’étais un outsider. J'ai dû jouer de ma force, de mon intelligence, et de ma patience pour acquérir ce poste-là », se rappelle-t-il. Alors qu’il œuvre encore au sein du restaurant de Joël Robuchon à Singapour, Michaël Michaelidis fait la rencontre de Grégory Galy, qui venait de fonder le Riviera Dining Group à Miami. Ce dernier lui propose alors de le rejoindre, mais le chef Michael a un chemin étoilé à parcourir.
D'Hong Kong à Tokyo en passant par Singapour, il contribue ainsi à la renommée internationale des établissements du groupe Robuchon, toujours dans l’ombre d’un mentor très présent, même à distance. Son séjour en Asie lui permet de s'imprégner de nouvelles techniques culinaires et de développer une cuisine fusion unique, qu’il applique désormais dans sa nouvelle aventure. « Je mêle ici la Méditerranée avec l'Asie ; branzino, farci de graines de fenouil, avec un pistou de shiso, qu’on vient flamber devant le client », illustre-t-il.
Une nouvelle épopée à Miami
Après le décès de Joël Robuchon en 2018, la remise en question est totale. « Ça a été un choc pour le monde culinaire. Je me suis alors beaucoup questionné personnellement, et avec les investisseurs du restaurant de Tokyo, dont j’étais le chef à ce moment-là. Je ne suis pas Joël Robuchon, mais je détiens son savoir-faire » se rappelle-t-il, ému.
Michaël Michaelidis prend alors la décision de rejoindre Grégory Galy à Miami, accompagné et soutenu par son épouse philippine. L’opportunité pour lui de laisser sa marque personnelle est trop forte. « Je voulais mettre l'excellence au service d'une nouvelle clientèle, à Miami » souligne-t-il. Son nouveau rôle d’associé et de directeur culinaire devrait lui permettre d’atteindre ses objectifs et de s’exprimer pleinement. Déterminé à développer des concepts de restaurants innovants et vibrants, c’est à Mila, et ses 3500 couverts par semaine qu’il aiguise ses couteaux dès son arrivée.
Au sein du groupe, les projets d’ouverture connaissent une croissance rapide, mais raisonnée, et le chef chapeaute déjà les ouvertures de restaurants tels que Claudie, à l’identité azuréenne, ou encore de Casa Neos, le projet le plus ambitieux du groupe, incluant deux restaurants, dont Noora, à l’identité marocaine, et offrant un panel d’offres, allant du boutique-hôtel au beach club.
Mais, Michaël veut décrocher des étoiles Michelin pour le groupe. Il développe alors au sein du flagship Mila, le restaurant Mila Omakase, un « comptoir de dix couverts offrant une expérience culinaire unique mêlant la cuisine méditerranéenne et japonaise. Le client peut découvrir un menu de 13 à 15 plats sur deux heures d’expérience, à 195$ par personne. C’est là que je vise vraiment l'excellence, et de décrocher un macaron pour le groupe », ambitionne-t-il.
Pour Michaël, la transmission du savoir-faire est essentielle. « La transmission est très importante, car notre si joli métier doit continuer. Les futures générations que nous formerons devront garder le flambeau », affirme-t-il. Il envisage ainsi de créer une école de formation au sein du groupe pour former les chefs de demain.
« L’excellence représente une quête de la perfection. Une remise en question quotidienne est nécessaire pour devenir un grand chef », rappelle Michael. Une quête de l’excellence que le chef tient à rappeler à ses équipes. Pour lui, choisir des ingrédients frais et avoir une équipe soudée sont les clés du succès. Un succès qu’il doit à ses valeurs bien définies : « cœur, discipline et partage ».
« Pour être un bon cuisinier, il faut avoir du cœur, savoir aimer sa clientèle, et la servir comme si c’était votre mère bien-aimée », conclut-il.
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