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INTERVIEW - ALICE MAFAITY, DIRECTRICE GÉNÉRALE, HÔTEL DU LOUVRE, THE UNBOUND COLLECTION BY HYATT : « LE LEADERSHIP N'EST PAS UNE QUESTION DE GENRE, MAIS DE PERSONNALITÉ » (France)

À la tête de l’Hôtel du Louvre depuis janvier 2023, Alice Mafaity espère transmettre sa passion pour l’hospitalité à travers un management ouvert, tout en inspirant les femmes à croire en leurs rêves professionnels.

INTERVIEW - ALICE MAFAITY, DIRECTRICE GÉNÉRALE, HÔTEL DU LOUVRE, THE UNBOUND COLLECTION BY HYATT : « LE LEADERSHIP N'EST PAS UNE QUESTION DE GENRE, MAIS DE PERSONNALITÉ » (France)

À la tête de l’Hôtel du Louvre depuis janvier 2023, Alice Mafaity espère transmettre sa passion pour l’hospitalité à travers un management ouvert, tout en inspirant les femmes à croire en leurs rêves professionnels.

Catégorie : Europe - France - Interviews et portraits - Interviews - Les Leaders du secteur
Interview de Christopher Buet le 02-02-2024


Sa trajectoire ne devait pas la ramener en France, peut-être pas si tôt en tout cas. Voici cinq ans qu’Alice Mafaity est rentrée à Paris, là où tout avait commencé. Une escale comme pour se ressourcer avant de probablement reprendre son voyage dans l’industrie hôtelière.

C’est que la directrice générale de l’Hôtel du Louvre, The Unbound Collection by Hyatt, depuis janvier 2023, n’a jamais eu envie de s’attarder dans nos contrées, trop de choses étant à découvrir par-delà les frontières. Sans doute y a-t-il un lien ou est-ce simplement une coïncidence si elle débute comme room manager au Hilton de Paris Charles-de-Gaulle, à portée d’avions. Le choix d’un groupe international ne doit rien au hasard non plus, une façon de paver le chemin. Ainsi, après deux ans, elle décolle pour le Japon pour démarrer un périple de près de quinze ans entre l’Asie et le Moyen-Orient, passant d’Hilton à InterContinental via Jumeirah. Elle s’y confronte à d’autres cultures et y apprend autant sur elle que sur le sens de l’hospitalité, gravissant les échelons.

Puis, en 2018, une opportunité se présente de rejoindre Hyatt et de rentrer au pays avec les responsabilités qui conviennent. De directrice du Regency Paris Étoile, elle grimpe directrice générale du Hyatt Paris Madeleine avant donc de prendre la tête de l’Hôtel du Louvre.

Près d’un an après son arrivée, Alice Mafaity s’est confiée au Journal des Palaces. Un voyage entre Tokyo, Hong Kong et Paris où il aura été question de sa trajectoire singulière et de son choix précoce de s’exporter, mais également de son rapport au management et de sa volonté d’inspirer ses équipes et de les accompagner en leur transmettant le savoir acquis ; sans oublier son engagement pour encourager les femmes à échanger, s’affirmer dans l’industrie hôtelière et leur donner les outils pour réussir.

Journal des Palaces : Vous êtes directrice générale de l’Hôtel du Louvre depuis bientôt un an, mais vous avez eu la chance auparavant de travailler aux Émirats arabes unis et en Chine chez Jumeirah et InterContinental. Que vous ont appris vos années loin de France dans des compagnies étrangères ?

Alice Mafaity : Suite au Covid, avec la problématique du personnel et le changement de génération, les managers ont été obligés à s’adapter et à revenir aux bases du métier : la formation. Or, c’est ce que j’ai vécu pendant 15 ans à l’étranger. Quand j’ai commencé en Asie, il y avait un gros besoin de formation en termes de connaissances opérationnelles sur les services, encore plus à Dubaï où le personnel de salle ou de chambre ne venaient pas de ces métiers-là.

Nous le vivons aujourd’hui, car nous recrutons des personnes qui n’ont pas la technicité et viennent beaucoup moins des écoles hôtelières. Il y a donc un besoin de les accompagner sur l’onboarding, la formation, le job training, dans leur évolution et la connaissance du métier. Je me sens à l’aise sur la mise en place de cette structure, que l’on connaissait moins en France, car nous avons la chance d’avoir de très belles écoles hôtelières.

Qu’avez-vous retenu d’autre ?

J’ai, en ce moment, de grandes discussions avec mes équipes sur le management et la thématique : comment arrive-t-on à motiver et intégrer les nouvelles générations dans la dynamique d’entreprise ? Là encore, le fait d’avoir vécu à l’étranger m’aide.

Ma première expérience au Japon a été très difficile. Ayant vécu aux États-Unis plus jeune, je pensais être prête. Mais, au Japon, où la culture est très différente, je me suis rendu compte, en tant que manager, que j’allais devoir m’adapter à cette culture, être dans l’échange pour comprendre l’autre et pouvoir atteindre mes objectifs.

Aujourd’hui, la nouvelle génération n’a pas les mêmes objectifs de carrière. Elle a un équilibre vie personnelle-vie professionnelle différent des générations précédentes, et c’est très déstabilisant pour un manager, surtout le Middle management. Le fait d’avoir vécu à l’étranger m’apporte ce recul et me permet d’accompagner mes managers sur ce changement.

Comment se vit l’hôtellerie à l’étranger et en France ? Avez-vous perçu des différences et sur quels points ?

En Asie, il y a des besoins sur l’aspect technique, mais le relationnel est plus fort. En France, c’est l’inverse. Nous avons de l’expertise, des personnes très attachées au côté technique, mais il y a un besoin d’accompagnement sur la relation au client.

Comment vous positionnez-vous par rapport cet accompagnement ?

Notre chance est qu’Hyatt est déjà assez moderne dans son approche du management avec des valeurs fortes. Nous nous efforçons de recruter des personnes ayant les mêmes valeurs d’intégrité et de respect. Mon rôle en tant que GM est d’identifier les dysfonctionnements qu’il peut y avoir au sein des équipes, et d’initier déjà la discussion avec les managers.

Aujourd’hui, j’accompagne mes managers sur le fait d’axer nos forces sur le bien-être et le fun. C’est d’autant plus important d’accompagner les managers face à ce monde qui change. L’hôtellerie doit faire face à cette instabilité économique, sociale et politique et il faut être agile. J’apprécie personnellement de pouvoir être accompagnée de coachs extérieurs sur des sujets ciblés. Mon prochain objectif est de nous concentrer sur le client et de créer une dynamique. Pour cela, je serai moi-même accompagnée d’un coach.

Avez-vous identifié un point que vous souhaiteriez travailler en particulier avec ce coach ou parlez-vous plus d’une approche globale ?

Je voudrais replacer l’humour dans notre quotidien. Cela risque de déstabiliser les équipes, mais j’aime ça, car cela ouvre à la discussion. Sans être complètement farfelu, aujourd’hui, il faut penser différemment, et l’humour va aider à avancer de façon plus positive et à dédramatiser certaines situations.

Quel bilan faites-vous de l’année écoulée ? Quels défis avez-vous rencontrés ?

Je m’étais dit qu’avec un hôtel entièrement rénové tout allait rouler, mais c’est tout le contraire. Plus sérieusement, tout au long de cette année, nous avons continué à travailler sur notre produit, tant en « back of the house » qu’en « front », pour qu’il soit à la hauteur des attentes des clients. Cela a concerné les chambres, mais aussi la mise en avant de nos deux points de restauration.

L’Officine est notre Lounge et nous essayons de le positionner sur le marché, car, en France, il n’y a pas cette habitude d’aller dans ces endroits-là. Nous voulons devenir référents en matière d’afterwork et de brunch. Il y a aussi notre belle brasserie sous le nom du chef Bocuse. Mon objectif est de positionner cet hôtel comme un acteur majeur du marché hôtelier parisien, cinq étoiles ++.

Chez Hyatt, la propreté des chambres et l’absence de problèmes techniques font partie des acquis. Aujourd’hui, le luxe et le 5 étoiles se différencient par le service et l’expérience qu’on offre. J’aimerais créer une expérience inspirante.

Comment définiriez-vous l’hôtellerie de luxe ?

Pour moi, le luxe, c'est ça : le détail, la qualité du produit et les échanges entre le client et le personnel de l’hôtel. Il est important de préparer l’arrivée du client, pour connaître les raisons de sa venue et nous permettre de le surprendre. C’est aussi se souvenir de la venue d’un client et que ses attentes de l’époque soient satisfaites sans même qu’il ait à le demander. Le luxe, c’est aussi la discrétion et la consistance. Quand vous obtenez de la consistance dans le service, vous atteignez un niveau supérieur.

Vous avez succédé à Fanny Guibouret partie pour Kyoto. En juillet, elle nous confiait que l’Hôtel du Louvre était un « trésor ». Qu’en pensez-vous ?

Je suis d’accord avec Fanny sur le fait que nous avons un hôtel exceptionnel et des équipes incroyables où les valeurs de bienveillance et de respect prennent toute leur ampleur ici. Dans les commentaires clients, il y a une mention pour les équipes. Tout n’est pas parfait, mais il y a un soin autour du client et ça faisait longtemps que je n’avais pas retrouvé cela.

C’est vrai aussi que l’Hôtel du Louvre reste un lieu incroyable. Dans ce Paris qui ne s’arrête jamais, c’est véritable havre de paix où vous pouvez décompresser, vous inspirer du calme qui règne. Puis, il dispose aussi de chambres qui, pour certaines, donnent sur le musée du Louvre, et d’où vous pouvez voir certaines œuvres d’art le soir quand c’est illuminé. Par son emplacement, il offre une vue panoramique sur tous les monuments iconiques de Paris.

Que souhaitez-vous transmettre à l’Hôtel du Louvre ?

Je veux apporter un plus, ce côté cinq étoiles dans nos prestations, continuer à travailler sur les valeurs du groupe et obtenir cette consistance. Nous avons une réelle bienveillance, mais nous avons besoin de travailler sur la personnalisation, d’autant que nos équipes sont jeunes et ont besoin de cet accompagnement dans le relationnel avec les clients. En hôtellerie, on peut avoir cette tendance à être très mécanique et en oublier le client. Ma patte, c’est de recentrer toute notre attention sur le client.

Le groupe vous a confié l’initiative Chapitre France Women@Hyatt. Comment avez-vous accueilli ce rôle et qu’avez-vous pu mener concrètement comme actions ?

C’est moi qui ai sollicité Michel Maurow (NDLR : vice-président régional des opérations en France d'Hyatt) pour cette initiative. Mon objectif, quand j’ai entendu parler de cette initiative, était de la mettre en place de manière très inclusive. Bien entendu, l’idée est de former les femmes au sein du groupe à des postes de leaders. Cependant, je voulais éviter un déséquilibre et pour moi, c’était important d’être le plus inclusif possible. Je voulais qu’on puisse accompagner tous nos collègues dans leur épanouissement personnel et professionnel sans aucun biais. Je voulais créer une dynamique de groupe.

Aujourd’hui, nous avons créé un networking. Tous les mois, nous avons des groupes d’échange, dont une après-midi avec des workshop entre femmes, sur des thèmes que nos équipes nous ont remontés. Avec moi, nous sommes six à tenir le rôle de mentors pour accompagner les femmes sur chaque sujet et faire en sorte de créer un espace dans lequel chacune pourra apprendre des expériences des autres, recevoir des conseils. Il y a deux semaines (mi-novembre), la thématique était : « Savoir poser ses limites ».

En 2024, nous voulons accentuer le travail sur le mentorat, par des femmes ou des hommes, pour accompagner celles qui ont la volonté d’évoluer en corporate ou vers un poste de GM.

Cela vous permet-il aussi de mieux identifier les potentiels ?

Exactement. Chez Hyatt, il y a cette logique de construire un vivier de talents. Nous avons différents programmes qui existent déjà pour faire progresser, mais cette initiative nous apportera peut-être une vision plus féminine. Nous sommes au croisement du développement de ces futurs talents et de l’accompagnement des GM sur les problématiques qu’il peut y avoir au féminin.

Êtes-vous d’accord avec Britta Leick-Milde qui disait cette année à Hotelier Middle East qu’il n’y avait plus de plafond de verre pour les femmes ?

Chez Hyatt, il n’y en a plus, car il y a une réelle volonté d’inclusion et de diversité, mais je ne suis pas sûre qu’on puisse le généraliser à toute l’hôtellerie. Dans ma carrière, je n’ai jamais senti qu’il y avait un plafond de verre. J’ai toujours considéré que c’était à moi de construire ma carrière, seule ou accompagnée.

Pensez-vous que vos exemples et les initiatives comme celle d’Hyatt encouragent les jeunes filles et jeunes femmes à rêver plus grand, et se dire que pour elles aussi, il est possible d’atteindre ces postes autrefois réservés aux hommes ?

C’est le but et c’est pour ça qu’avoir ces moments de networking, d’échanges, est important pour partager nos expériences, dire ce qui va ou pas. Nous voulons être impactants et c’est pour cette raison également que, dans le cadre du Chapitre, nous sommes accompagnés d’un coach spécialisé en diversité, équité et leadership au féminin.

Nous n’avons pas forcément envie d’aller vite, mais de faire bien. Et, c'était important, avant, de commencer par faire un bilan, pour savoir où nous en étions par rapport à cette notion de leadership au féminin, qui nous guidera pour être inspirant pour nos collègues.

Pensez-vous que les femmes apportent une autre vision de l’hôtellerie ?

Les femmes et les hommes sont différents évidemment, avec leurs forces et leurs faiblesses. C’est intéressant, car c’est un sujet que nous avons abordé le 4 octobre dernier avec une quarantaine de collègues et lors des échanges, il est apparu que le leadership n’est pas une question de genre, mais de personnalité. Nous avons tous un style particulier lié à nos expériences.

Quels enseignements sont ressentis de toutes les sessions que vous avez eues jusqu’à présent ?

Aujourd’hui, les retours montrent qu’il n’y a pas de biais qui empêcheraient les collaborateurs de se positionner sur des rôles de managers. Il est apparu que ce networking était, pour les participantes, un moment précieux où la parole était libre.

Maintenant, l’objectif pour 2024 est de développer le mentorship. Nous avons un programme sur la région qui s’appelle Inspire. Il forme des mentors pour ces missions et nous avons la volonté d’être plus marquants et d’accompagner au mieux notre vivier de talents sur leurs postes et leurs souhaits d’évolution professionnelle.

Ce projet de mentorship est-il extensible à l’échelle du continent et du reste du monde ?

C’est l’objectif d’Hyatt, qui pousse au développement en interne.

Comment percevez-vous votre évolution en tant que manager ?

Je prends beaucoup plus de recul. Quand j’ai commencé, j’étais un peu plus tête brulée, avec un caractère plus virulent et on apprend que finalement, la communication, le fait d’être dans l’échange est beaucoup plus constructif et marquant que de rentrer dans le tas. Il y a beaucoup plus de maturité.

Pourriez-vous citer quelques rencontres professionnelles qui ont marqué votre carrière ? Avez-vous des mentors et si oui, pouvez-vous nous en parler ?

Je pense à Michel Morauw, qui m’a recrutée en 2018. Il m’a, à la fois, très vite fait confiance et accompagnée sur mon premier poste de General manager. Avant lui, j’avais l’impression de devoir « valider » mon poste. Avec lui, j’ai eu un échange, de la confiance et il a pris en compte mon expérience passée pour me permettre de m’épanouir sur le poste pour lequel il m’avait engagée. Pour moi, c’est un exemple de management positif.

Au-delà de Michel Morauw, ce n’est pas une personne qui m’a marquée, mais toutes les personnes que j’ai pu rencontrer à Dubaï, dans les équipes opérationnelles, par leur résilience et leur dévouement à leur entreprise.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut faire carrière dans le secteur de l’hôtellerie de luxe ?

Le conseil le plus important est de saisir les opportunités dans d’autres hôtels ou à l’étranger, sans avoir peur du changement, parce qu’on construit sa carrière et son expérience de cette façon, en se remettant en cause. Il faut être maître de sa carrière et foncer. Pour moi, cela a été très enrichissant de partir à l’étranger et je le referai sûrement après l’Hôtel du Louvre.

Finalement, pourquoi travailler à l’étranger vous plaît-il autant ?

C’est la découverte d’autres cultures et des personnes. Avec les personnes que vous rencontrez à l’international, à titre professionnel et personnel, l’échange est plus facile. Vous rencontrez souvent des personnes qui ont suivi leur conjoint, qui ont dû se réinventer, et cela donne lieu à des conversations incroyables. Ce n’est pas facile au quotidien, et c’est vrai que revenir en France a été un bon bol d’air. Il y a un équilibre à trouver.

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À propos de l'auteur

Journaliste aux multiples atouts et voyageur curieux, Christopher a une grande appétence pour les établissements au raffinement soigné, où s’accordent gastronomie de caractère, service impeccable et élégance sincère. Une plume discrète et gourmande au service d’une certaine idée du luxe.

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