INTERVIEW - CHRIS NORTON, PDG D'EQUINOX HOTELS : "JE VEUX M'ASSURER QUE LA MARQUE EST PERÇUE COMME UNE MARQUE QUI PEUT VIVRE À LA FOIS DANS L'UNIVERS DES RESORTS ET DES GRANDES VILLES"
Après plus de 30 années de carrière dans les hautes sphères de l'hôtellerie de luxe, Chris Norton évoque ses ambitions pour Equinox Hotels, la marque qu'il façonne autour d'un mode de vie tourné vers la haute-performance |
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INTERVIEW - CHRIS NORTON, PDG D'EQUINOX HOTELS : "JE VEUX M'ASSURER QUE LA MARQUE EST PERÇUE COMME UNE MARQUE QUI PEUT VIVRE À LA FOIS DANS L'UNIVERS DES RESORTS ET DES GRANDES VILLES"
Après plus de 30 années de carrière dans les hautes sphères de l'hôtellerie de luxe, Chris Norton évoque ses ambitions pour Equinox Hotels, la marque qu'il façonne autour d'un mode de vie tourné vers la haute-performance |
Catégorie : Monde - Interviews et portraits
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Interview de Vanessa Guerrier-Buisine le 15-12-2023
C'est au lendemain de Thanksgiving, depuis son spacieux bureau new-yorkais, que Chris Norton a dévoilé au Journal des Palaces ce qui le fait vibrer, sa carrière, son groupe, Equinox Hotels, mais également sa propre histoire.
C’est dès l’âge de 15-16 ans que Chris s’éprend de l’univers de l’hôtellerie, en pénétrant les coulisses de restaurants que possédait le père d’un ami en Suisse. Une découverte qu’il conjugue avec l’art de recevoir cultivé par ses parents, à la maison. La magie de la préparation, l’adrénaline ressentie avant l’arrivée des invités, l’entrée en scène de ces derniers, le bonheur de ces instants…
Fasciné par cette mélodie, il entreprend un parcours à l’EHL Hospitality Business School. Son premier stage à Nice, dans le légendaire hôtel Negresco « auprès de Madame Augier », éveille en lui de nombreuses anecdotes. Son lien avec la Côte d’Azur et la Provence perdurera au fil des années, il séjourne très souvent dans sa maison d’Aix-en-Provence, avec son épouse Française Brigitte.
Après cinq années passées à la tête du Four Seasons Hotel George V à Paris, l’homme manie l’art de la langue française avec brio, et sa culture du luxe s’est enrichie auprès de cercles de réflexion comme le Comité Colbert.
Sa carrière internationale s'est construite solidement au sein du groupe Four Seasons Hotels & Resorts. Tour à tour vice-président régional, puis président pour la région EMEA, il atteindra la fonction de President, Global Product and Chief Operating Officer du groupe, avant d’accéder au poste de CEO du groupe Equinox, pour créer la marque Equinox Hotels.
Après plus de 30 ans à façonner l’âme d’hôtels de luxe à travers le monde, c’est avec une vision holistique que Christopher Norton a choisi de porter le jeune groupe Equinox Hotels. Des clubs, temples de la performance, naissent désormais des hôtels, dont le premier à New-York.
Lors d'un long entretien accordé au Journal des Palaces, Chris Norton évoque Equinox et nous emporte dans une vision innovante de l’hôtellerie de luxe.Journal des Palaces : Pourquoi avoir choisi de faire carrière dans l’hôtellerie de luxe ? D’où vient votre passion ?Chris Norton : Confucius disait : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ». C'est ce que j'ai toujours ressenti avec mon activité, bien qu’il s'agisse d'un métier très dur, physiquement exigeant et qui demande beaucoup d'heures de travail. Nous travaillons les week-ends, les jours fériés, Noël et le Nouvel An, mais j'ai toujours pensé que c'était amusant. Un ensemble d’éléments dans ce métier correspondent à ma personnalité : l'organisation, les belles choses, l'environnement, les gens. Nous sommes tels des marchands de bonheur.
J’aime faire un parallèle entre le théâtre et l'hôtellerie. Les gens ne se rendent pas compte que, contrairement à la conception d'un produit de luxe, lorsque vous produisez un service de luxe, une grande partie de ce service est réalisée en direct quotidiennement. L'ensemble des compétences pour produire ce service est très proche d'une performance exceptionnelle dans le secteur de l'hôtellerie, où j'ai toujours pensé que le client interagissait avec les acteurs.Est-ce ainsi que vous définissez l'hôtellerie de luxe ?J'ai toujours abordé la question en tant que producteur de ce spectacle. J'ai dirigé des hôtels en tant que directeur général, vice-président régional, qui ont été élus numéro un dans le monde, il y a donc constamment eu cet esprit de compétition pour s'assurer que le spectacle était grandiose.
Depuis 30 ans, je prononce des discours sur le luxe, qui évolue sans cesse. Il y a quelque chose dans le luxe qui est lié au confort et à l'élégance, à la possibilité de profiter de quelque chose de supérieur aux autres. Pour qu'il y ait luxe, il faut que ce soit rare, et en général, c'est cher. Le luxe a quelque chose d'exclusif, il doit être de très haute qualité. Il y a aussi le plaisir et une expérience exceptionnelle, mais le luxe est très subjectif et dépend de la culture.En quoi Equinox Hotels est-il un groupe hôtelier de luxe unique en son genre ? Quel est l'ADN du groupe ?Lorsque je suis entré chez Equinox, je suis parti d'une copie blanche. L'idée était d'être différent en étant en cohérence avec les valeurs de la nouvelle génération, fédérée autour d’une quête de bien-être. Le bien-être s'adresse à cette nouvelle génération, qui consomme le luxe très différemment de ma génération ou de celle de mes parents. Le temps est important pour elle ; la régénération, le sentiment que la vie vaut la peine d'être vécue.
La valeur fondamentale de la marque est la recherche d'un mode de vie performant. Les gens ont compris que pour être la meilleure version de soi-même, les ingrédients clés se trouvent autour des piliers de la marque que sont le mouvement, la nutrition, la régénération et la communauté : - Le mouvement est défini par l'exercice, le fait d'être physiquement actif et engagé ;
- Nutrition : nous allons à contre-courant de la manière dont les gens mangent aujourd'hui, on peut penser à une pandémie tellement les modes de consommations sont mauvais ;
- Ensuite, le principal élément de régénération est le sommeil. Nous avons conçu nos chambres au-delà du design et du ressenti. Nous avons fait appel à des psychologues du sommeil, des scientifiques, pour concevoir chaque détail de nos chambres, afin de créer un environnement parfait. Un bouton dans notre chambre indique « dark, quiet, cool ». En l’activant, toute la chambre se met en veille et le noir est total. Puis, nous avons investi beaucoup dans la conception des murs et des portes pour nous assurer que le silence est total. Enfin, d'un point de vue scientifique, nous fixons une température parfaite, de 17 à 18 °C. Ainsi, automatiquement, la pièce s'obscurcit, règle la température et vous êtes dans le calme ;
- Le dernier élément, c'est la communauté, le fait de passer du temps et d'être avec des gens avec lesquels on se sent à l'aise.
Notre marque n’est pas un lieu de retraite, ce n'est pas une expérience à vivre avant de reprendre le cours normal de sa vie. C'est quelque chose que l'on doit vivre au quotidien.Vos hôtels sont une évolution de vos Clubs, pourriez-vous nous en dire plus ? Quelle signature vos clients peuvent-ils retrouver chez Equinox ?À l'hôtel Equinox de New York, il y a un club de 6 000 mètres carrés, non pas une salle de sport, mais un club, qui compte plus de 5 000 membres, soit quelque 1 500 personnes qui entrent et sortent chaque jour du club, dont l'entrée est séparée de celle de l'hôtel.
Lorsque vous poursuivez votre routine sportive ou de bien-être pendant que vous voyagez, vous intégrez une communauté de locaux, ce qui favorise un certain niveau d'énergie. Les personnes qui viennent au club y restent en moyenne deux heures et demie par jour, ce qui leur permet de socialiser… C'est très interactif, et si vous comparez d'autres hôtels de luxe au nôtre, dans un hôtel de luxe normal, de 8 à 12 % des clients utilisent la salle de sport de l'hôtel. Dans notre hôtel, de 30 à 40 % des clients utilisent le club. Contrairement à ce qui se passe dans les salles de sport traditionnelles, nos membres sont à parts égales des hommes et des femmes, et la moyenne d'âge est la quarantaine, et non de 22 ou 23 ans. C'est vraiment un style de vie qui n'a rien à voir avec l'âge, c'est un état d'esprit. Lorsque vous faites votre check-in à l'hôtel, vous devenez membre du club, et nous comptons aujourd'hui environ 350 000 membres du club.
Nous ne sommes pas un hôtel pour sportifs, nous sommes un hôtel lifestyle de luxe. D'ailleurs, il existe des clubs sans hôtel, mais jamais d'hôtel sans club. Le club est un lieu propice aux rencontres. Nous sommes situés à Hudson Yards, au milieu de Chelsea à Manhattan, et le club crée de l'activité dans l'hôtel. Nous croyons aux réalisations de projets mixtes à usage multiple, il ne faut pas se contenter de bureaux ou de résidences. Le club, avec l'hôtel et le restaurant, crée de la vie, car les gens veulent se retrouver.Votre hôtel à New York a été élu l'un des 50 meilleurs hôtels au monde. Quelle est la clé de votre succès ?Nous avons ouvert en 2019 et nous avons fermé l'hôtel pour le rouvrir en 2021, ce qui signifie que nous avons moins de trois ans. Et, si vous regardez les 50 meilleurs hôtels du monde, nous sommes le seul hôtel de luxe « lifestyle » à y figurer. Tous les autres sont des hôtels de luxe traditionnels, et je pense que c'est parce que nous avons été très innovants dans ce que nous faisons, et que nous offrons des niveaux de service très élevés.Pouvez-vous donner un exemple précis de l'un de ces services ?Le luxe commence avec 300 pages de détails sur le client, lorsque vous le connaissez vraiment. Nous passons beaucoup de temps à nous assurer que nous comprenons bien qui est notre client. Et nous prenons les devants. Je me souviens que lorsque je dirigeais le George V à Paris, je me rendais dans le lobby à cinq heures alors que j'étais vice-président régional. Je voulais voir, rencontrer et entendre mes clients. Il m'aurait fallu une semaine au bureau pour découvrir ce que j'apprenais pendant cette heure et demie chaque jour. Je pense que dans le luxe, le contact entre le client et la marque se fait à un niveau élevé.
Il y a quelques jours, une personne très célèbre est venue à l'hôtel à deux heures du matin. Toute mon équipe de direction était présente pour s'assurer que tout se passe bien. La plupart des hôtels délèguent cette tâche au night manager. Mon équipe dirigeante est présente sept jours sur sept, pas cinq jours sur sept.
Autres exemples : nous avons totalement réinventé le room service. Notre room service est plus luxueux et plus pertinent, nous n'avons pas de tables de room service, nous apportons une boîte Tiffin, conçue en Italie. Lorsque l'équipe du service d'étage arrive dans la chambre, la boîte se déploie comme une fleur. Nous avons aussi réinventé le concept de room bar ; nous proposons deux fois plus de produits dans ce bar que la plupart des hôtels de luxe, tous amusants et sains. Il n'y a pas que de la nourriture, il y a aussi des produits de bien-être sexuel, des vêtements, etc.
De plus, les lits sont un véritable luxe. Nous dépensons probablement trois fois plus pour nos lits que les autres marques de luxe. Nos matelas sont entièrement fabriqués à la main, avec des matériaux naturels : crin de cheval, algues, charbon de bois, coton, et tout cela est magnifique. Les bienfaits de nos lits agissent et leur façon de réguler la température témoignent de l'importance que nous accordons à nos équipements.
Il s'agit donc d'un mélange de tout cela et d'un mode de vie très performant qui vous permet de bien dormir, de bien manger et de vous sentir en pleine forme.Quelles sont les prochaines destinations que vous souhaiteriez développer ?Notre stratégie d'expansion est globale, avec des resorts et des hôtels urbains.
Ce que je peux vous dire, c'est que notre prochain projet sera très certainement un resort, qui pourrait être au Mexique, en Floride ou au Moyen-Orient. Il était important pour moi de créer un resort, car je veux m'assurer que la marque soit perçue comme capable de se décliner autant en resort qu'en ville, et je ne veux pas être pris au piège comme d'autres marques qui se sont développées dans une seule sphère d'activité. Je voulais m'assurer que notre ADN fonctionne aussi bien dans les resorts que dans les villes.
Nous travaillons également sur certaines destinations urbaines, mais cela prendra un peu plus de temps. Nous avons signé six lettres d'intention pour des emplacements aux États-Unis et au Mexique, mais nous ne ferons pas d'annonces à ce propos. Nous négocions activement un lieu exceptionnel des Caraïbes et en Asie, où des opportunités très intéressantes se profilent au Japon et en Corée du Sud. Enfin, nous discutons activement avec des métropoles européennes pour créer des connexions avec des resorts. Nous étudions de très près une combinaison entre, par exemple, Madrid et Ibiza, ou entre Milan, la Toscane et la Sicile.Vous avez annoncé un partenariat avec Red Sea Global. Pourriez-vous nous en parler ?Nous occuperons la moitié de la marina, qui compte plus de 100 emplacements et pourra accueillir des yachts jusqu'à 100 mètres de long. La marina va donc être animée avec des restaurants, des boutiques et des bars, ainsi que notre hôtel et nos résidences. Nous sommes situés dans une crique, de sorte que l'autre côté de l'hôtel sera sur une belle plage, avec une vue imprenable sur la baie et l'océan.Le club sera-t-il aussi important dans vos resorts que dans vos hôtels en ville ?La base des membres est différente ; les clubs seront sans doute un peu plus petits. Ici, à New York, la superficie est de plus de 5.500 m² ; la plupart de nos clubs ont une superficie de 2.500 à 3.700 mètres carrés. Dans nos resorts, ils seront certainement plus grands que d'autres hôtels et l'équipement est bien meilleur, mais il s'agit davantage d'une expérience intégrée.
Si vous venez à Equinox pour suivre des cours d'entraînement personnel ou de Pilates, vous savez que la qualité de ces cours est de niveau international. Nous jouissons d'une grande crédibilité et de l’authenticité d'une marque qui fait cela depuis 30 ans.Quels sont les conseils que vous donneriez à un jeune qui veut faire carrière dans le secteur de l’hôtellerie de luxe ?Mon premier conseil est de trouver une personne avec qui ils peuvent parler de ce qui les attend, d'avoir une vision réaliste de ce qu'est l'hôtellerie de luxe, de toutes ses vertus et de toutes ses difficultés.
Ensuite, la seconde chose à faire est de réaliser au moins un ou deux stages au début de sa carrière pour se faire une idée de ce qu'il y a derrière la surface. Car la plupart des gens ne voient que la scène ; ils voient les beaux halls d'entrée, les fleurs et la nourriture, et ils veulent en faire partie.
Ensuite, faites votre choix en suivant à moitié votre cœur et à moitié votre tête.
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