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INTERVIEW – FABIEN PIACENTINO, DIRECTEUR-GÉNÉRAL DU COUVENT DES MINIMES : « UNE AVENTURE FANTASTIQUE QUI N'ARRIVE QU'UNE FOIS DANS UNE VIE » (France)

« Nous n’avons pas changé que les papiers peints. Nous avons tout refait, les réseaux, les murs. Nous n’avons laissé que les murs historiques, la structure. Nous avons tout curé pour repartir d’une feuille quasiment blanche »

INTERVIEW – FABIEN PIACENTINO, DIRECTEUR-GÉNÉRAL DU COUVENT DES MINIMES : « UNE AVENTURE FANTASTIQUE QUI N'ARRIVE QU'UNE FOIS DANS UNE VIE » (France)

« Nous n’avons pas changé que les papiers peints. Nous avons tout refait, les réseaux, les murs. Nous n’avons laissé que les murs historiques, la structure. Nous avons tout curé pour repartir d’une feuille quasiment blanche »

Catégorie : Europe - France - Économie du secteur - Interviews et portraits vRénovation ou nouveauté dans un établissement - Interviews
Interview de Christopher Buet le 28-04-2023


Difficile d’imaginer que, d'ici à quelques semaines, le lieu aura été nettoyé et sera fin prêt pour accueillir les clients. Ils sont encore des centaines à s’affairer aux quatre coins du domaine pour apporter les dernières touches au décor. Un impressionnant balai d’artisans, venus de tous horizons, pour participer à un chantier unique.

Depuis trois ans, le Couvent des Minimes a fermé ses portes pour opérer sa mue la plus importante, celle qui le fera définitivement entrer dans son temps, prêt à affronter les décennies à venir. De l’édifice érigé au XVIIᵉ siècle, n’ont été conservés que les murs. Pour le reste, Fabien Piacentino a décidé de faire table rase, de tout repenser comme pour inventer une nouvelle histoire au sein de l’ancienne. Une histoire qui lui ressemble, fondamentalement écoresponsable, authentique et simple, mais non dénuée d’ambition.

Car l’ancienne maison religieuse revendique un certain standing et s’en est donné les moyens. « Ça va être une très belle maison et un grand moment de le faire découvrir. Ce genre d’évènement dans une vie, ça se partage avec joie et allégresse », s’enthousiasme déjà le maître de maison, pressé de faire découvrir ce nouveau temple dédié au bien-être du corps et de l’âme.

C’est cette impatience, ce désir de rompre avec le chantier et de recevoir à nouveau, qui a motivé cette réouverture qui se déroulera en deux temps. Dès juin, 34 des 49 chambres seront ainsi accessibles tandis que l’ensemble du domaine ouvrira réellement à l’automne, avec l’inauguration d’un spa monumental, nouveau fleuron de L’Occitane. Une manière de renouer le fil de l’hospitalité et de faire durer le plaisir.

Arrivé par hasard dans l’hôtellerie, le grand brun au charme et à l’élégance toute transalpine a pris son temps pour évoquer ce beau projet et partager avec le Journal des Palaces, sa vision de l’hospitalité, du luxe et de la vie en général. Entre les collines provençales où le soleil se montre généreux et le silence qui se fait un compagnon précieux, l’ancienne maison religieuse bruisse déjà de sa réouverture prochaine, le 23 juin prochain.

Journal des Palaces : Vous arrivez au bout de plusieurs années de travaux, et en juin prochain, vous ouvrirez 34 de vos 49 chambres dans la partie ancienne du Couvent. Que représente pour vous cette étape ?

Fabien Piacentino : On se dit qu’enfin, on va y arriver. Cela fait quasiment trois ans que nous sommes fermés, trois ans de travaux, trois ans que je fais autre chose que mon métier de prédilection et que j’en apprends un nouveau.

Lors des premières réunions de chantier, j’étais comme un petit enfant dans une réunion de scientifiques. Avec le temps, j’ai appris certaines bases de vocabulaire. Nous voyons le premier étage de la fusée.

Pourquoi ouvrirez-vous partiellement en juin et totalement en octobre ?

L’idéal aurait été d’ouvrir tout en même temps, mais un chantier de cette envergure ne se passe sans accroche. Nous avons eu plein de petits retards qui font qu’aujourd’hui, nous allons ouvrir nos 34 chambres avec nos deux restaurants et une piscine semi-olympique (25 m). Le fait d’ouvrir partiellement est le moyen le plus rapide de recevoir à nouveau du monde.

Nous aurions pu choisir de rester fermé cet été, mais nous nous sommes tous dit qu’il fallait que nous fassions une saison normale avec nos clients. Ça a été un nouveau challenge, car il a fallu retrouver tous nos collaborateurs, ce qui est quasiment mission accomplie. J’ai trouvé de très belles personnes dans cette nouvelle équipe. Le Couvent des Minimes sera, pendant trois mois, comme la Symphonie inachevée de Franz Schubert.

Nous sommes conscients du désagrément que ça peut avoir, mais nous gommerons les petits désagréments par plein de belles surprises. Et, cet automne, nous ouvrirons la partie la plus incroyable, car le spa sera juste dingue.

Comment se sont passés les travaux ?

Le couvent est inscrit au patrimoine, mais n'est pas classé auxmonuments historiques. Nous avons fait un chantier sur un couvent datant de 1613. Nous avons dû déposer des permis de construire pour les travaux, sur la base historique et sur une base nouvelle.

Nous avons eu des permis de construction, de démolition, de travaux, des accords avec les architectes des Bâtiments de France, la préfecture... Tout ça s’est déroulé sur fond de Covid avec le deuxième confinement et, comme si nous n’en avions pas eu assez, il y a eu la guerre en Ukraine, qui a fait monter les prix au niveau des matériaux, matières premières, de raréfaction de certaines pièces.

Ça a été une aventure fantastique qui n’arrive qu’une fois dans une vie. C’était hyper stressant, fatiguant, mais hyper motivant, car nous sommes à la base de tout. Nous réfléchissons sur tout. C’est assez sympa de construire un hôtel comme ça.

Avec quels corps de métier avez-vous travaillé ?

Tout d’abord, nous avons travaillé avec le cabinet d’architecte suisse De Planta. Nous avons pris une entreprise générale Bouygues Bâtiment du Sud-Est et après, nous avons déroulé tous les corps de métier possibles, du charpentier au maçon, du carreleur à l’acousticien, du tapissier au jardinier…

Il devait y avoir une quarantaine, une cinquantaine de corps de métier. Je suis le maître d’ouvrage délégué du chantier. Il y a beaucoup de sociétés que j’ai prises en direct pour des questions budgétaires, mais aussi d’efficacité.

Combien de personnes ont-elles été mobilisées sur le chantier ?

Aujourd’hui, selon les chiffres de Bouygues, nous serions à 250 compagnons.

A-t-il été difficile pour vous de vous imposer dans cet univers qui n’était pas le vôtre ?

Je ne suis pas d’un naturel à me laisser marcher sur les pieds. Je sais m’imposer et quand je suis là, on me voit et on m’entend. Mais, cela a été difficile et ça l’est toujours. En effet, ce n’est pas mon métier et quand on parle très technique, je rappelle souvent que j’ai fait école de commerce et pas les Ponts et Chaussées.

Après, je ne vais pas leur apprendre leur métier. C’est du management, de la gestion humaine. Sur un chantier comme ça, si on part avec l’idée de ne pas être partenaires, on n’a rien compris. Nous pouvons avoir des désaccords, mais nous travaillons dans le même bâtiment. Je disais à ma femme, l’autre jour, que peut-être tout ça me manquera quand nous serons rouverts.

Être maître d’œuvre était-il la position idéale pour aboutir à ce que vous vouliez ?

Plein d’hôteliers arrivent une fois le chantier terminé, mais je ne me voyais pas du tout ne pas être partie prenante de tout ce qui s’est fait.J’ai été consulté sur beaucoup de choses et ma présence a facilité beaucoup de choix pour l’architecte tant sur les matériaux, que les attentes des clients…Puis, ça me plaît et je suis avec mon épouse. Même au pire du confinement, j’ai gardé des collaborateurs, notamment mon directeur technique, ma responsable administrative et financière. Nous étions un petit noyau continuant à penser à l’hôtellerie.

Est-ce la première fois que vous construisez un hôtel de A à Z ?

Quand j’étais aux Antilles, à Saint-Martin, j’ai participé à la reconstruction de mon établissement qui avait été détruit par le cyclone Luis en 1995. Chaque fois que je suis passé quelque part, j’ai fait des travaux, mais là, j’avoue que nous avons fait très gros.

En quoi ce chantier était-il plus important que les autres ?

Nous n’avons pas changé que les papiers peints. Nous avons tout refait, les réseaux, les murs. Nous n’avons laissé que les murs historiques, la structure. Nous avons tout curé pour repartir d’une feuille quasiment blanche avec des réseaux des eaux usées (EU) et d’eaux pluviales (EP), d’électricité à refaire.

Nous avons fait tomber des bâtiments entiers pour les reconstruire. Je ne savais pas que pour construire, il y avait besoin d’autant de cabinets d’études. Il y avait beaucoup d’étapes que je n’avais pas autant appréhendées.

Vous avez découvert durant le chantier des fresques du XVIIᵉ siècle. Avez-vous été surpris ?

Quand vous êtes sur un bâtiment historique, la loi vous oblige à faire des recherches archéologiques. Les Bâtiments de France sont venus et je leur avais dit qu’il y avait peu de chance de trouver des choses sur le terrain, car des recherches avaient déjà été effectuées en 2008 lors de la première rénovation. Ce que nous ne pressentions pas, c’est qu’en grattant et en faisant des tests sur les murs, ils ont mis au jour deux belles fresques qui seront conservées.

Nous avons une vierge à l’enfant datée du début du XVIIᵉ qui ne peut être bougée et restera dans une chambre. Elle est en cours de restauration avant d’être mise sous verre sur sa base d’origine. La deuxième était assez surprenante, car nous aurions dit que l’architecte avait dessiné une ébauche. Il s’agit d’une espèce de colonne avec son pied et son chapiteau sur un fond ocre-jaune. Nous avons pu la démonter du mur et elle est en cours de rénovation et de réassemblage par l’archéologue Erwan Dantec. Nous la mettrons aussi sous-verre, mais nous ne savons pas encore où.

Le Couvent des Minimes est un petit bâtiment avec une belle histoire. Les Bâtiments de France, en échange des recherches que nous avons financées, nous mettront à disposition un cahier avec toute l’histoire du lieu. Ils ont retrouvé dans les archives du Diocèse de Digne (à 50 km), des livres entiers où les sœurs, revenues au Couvent aux alentours de 1860, écrivaient jour après jour ce qu’elles faisaient et ce qui se passait.

Une autre découverte exceptionnelle, en somme.

Dans l’hôtellerie de luxe, nous faisons le service de couverture le soir. Nous rafraîchissons la chambre, ouvrons le lit et souvent, nous déposons une petite attention pour le client. Si c’est vraiment ce que je pense, que nous avons une année complète d’écrit et à priori, il y en a des années.J'aimerais bien mettre sur un bout de papier ce que faisait la sœur untel à la date du jour mais en 1875. J’aime conserver tout ça, mettre en avant le patrimoine du lieu. Nous racontons une vraie histoire, de l’authentique.

Quel esprit avez-vous cherché à donner aux chambres et à l’établissement en général ?

Celui de la Provence. Une Provence authentique et décomplexée.

Cet automne, vous inaugurerez un nouveau spa. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est un spa L’Occitane. Ce sera un endroit unique, assez fou, de plus de 2 500 m² de surface client, avec dix cabines de soins, huit simples et deux doubles.

Nous aurons à la fois un spa, un centre de soins et un centre de bien-être avec du coaching sportif, des propositions diététiques et nutritionnelles avec des intervenants. Nous aurons du yoga, des réveils musculaires, des endroits cocooning pour regarder la nature à côté de la cheminée, des bains froids et chauds, une grotte de sel, une boutique, une herboristerie qui sera aussi un healthy bar.

Louis Gachet, recruté en octobre 2022, gèrera l’ensemble des points de restauration. La déco sera très sobre avec seulement des matériaux naturels.

Vous semblez vouloir séduire aussi au-delà de la période estivale.

Toute notre démarche avec le spa est de faire venir les gens de partout, de leur donner un programme de un à dix jours pour faire vivre une expérience autour du soin et de la découverte de la Provence.

Une Provence râpeuse, celle de Giono. Nous voulons vraiment dire à nos clients que la Provence c’est l’été où il fait beau et chaud avec les cigales, mais aussi le printemps, l’automne et l’hiver avec plein de choses à vivre, plus intimistes.

L’accent a été mis aussi sur une offre responsable et durable.

Tout ce qui est environnemental, écologique, vert, nature, bio, nous étions déjà dedans.

Nous avons toujours fait attention à ce que nous mettions dans nos assiettes, à ne pas gaspiller plus que de raison et nous l’avons exacerbé avec les travaux. Par exemple, nous avons choisi l’option de la géothermie pour le chauffage et le refroidissement de l’ensemble de la propriété. C’est un coût supplémentaire en termes d’investissement, mais c’est une empreinte carbone moindre et nous sommes plus proches de la nature.

Nous travaillons beaucoup avec des producteurs du cru. Nous n’avons pas à nous fatiguer à chercher des choses naturelles, car nous vivons dedans. Nous ne sommes pas jusqu’au-boutistes ou acharnés, nous faisons aussi dans le raisonné avec des agriculteurs pas forcément estampillés bio, mais avec des produits d’une qualité exceptionnelle.

Vous évoquiez plus tôt que vous aviez presque fini de recruter vos équipes. Où en êtes-vous exactement de vos besoins en termes de collaborateurs ?

90% du staff est trouvé. Je peux ouvrir l’hôtel, car j’ai tous mes piliers. Je suis fier de ça.

Nous avons aussi complètement revu notre copie au niveau social sur comment attirer les gens, qu’est-ce qu’on leur donne ou pas. Nous avons créé un poste de chargé de relations internes, qui s’occupe purement et simplement du recrutement, de l’accueil du personnel, de l’image de l’entreprise. Son rôle est de faire en sorte que le salarié du Couvent des Minimes se sente presque comme à la maison, avec un cadre de travail humain.

Votre établissement est aussi une affaire de famille.

Le Couvent des Minimes est une histoire de famille, avec mon épouse, nos deux fils Romain et Maxime, et leurs compagnes Mathilde et Camille. Nous avons l’habitude de travailler ensemble.

Cela fait 30 ans que nous le faisons avec ma femme et nous sommes toujours fusionnels. Nos garçons ont grandi dans l’hôtellerie et, quand il était petit, Romain disait que plus tard, il voudrait faire comme papa, mais à Las Vegas. Ils ont tous les deux fait l’école hôtelière et travaillent au Couvent, où ils ont rencontré leurs compagnes. C’est plus qu’un hôtel, c’est une maison.

Comment fonctionne votre duo avec votre femme et pourquoi avoir choisi de travailler ensemble ?

La famille pour moi, c’est sacré. Si vous m’enlevez ma femme, vous m’enlevez la moitié de moi. Nous nous disputons parfois, mais surtout, nous nous complétons.

Entre nous, il y a une confiance inébranlable. Il y a d’autres histoires comme la nôtre. Je pense à Michel Guérard, son épouse et ses deux filles, qui gèrent un empire.

Vous avez un parcours très riche. Dites-nous en davantage sur vous.

Mon parcours est atypique. Je ne suis pas issu d’une école hôtelière, j’ai fait une école de commerce et je n’étais pas prédestiné à être hôtelier.

Tout petit, d’autant que je m’en souvienne, j’adorais deux choses : avoir du monde à la maison et participer à la préparation des repas avec ma grand-mère. J’ai commencé ma carrière dans la grande distribution à Carrefour. C’était un domaine qui me plaisait, car il y avait de l’action. Ce n’était pas un travail de bureau. J’étais cadre avec des responsabilités et un avenir bien tracé.

Un jour, le directeur de mon magasin m’a dit qu’il voulait m’envoyer à Évry. Ma femme était enceinte de notre deuxième enfant et je n’ai pas accepté, car je ne voulais pas élever mes enfants à Paris. Si l’hôtellerie est un métier difficile, la grande distribution, c’est fois 10. Je suis parti de chez Carrefour.

Qu’avez-vous fait ?

Mon meilleur ami était hôtelier, après avoir fait l’École Hôtelière de Lausanne. Il était à l’époque à Saint-Martin, aux Antilles. Je l’appelle et je lui demande ce qu’il pense de mon CV de vendeur parlant plusieurs langues pour l’hôtellerie. Il me dit de venir, au pire ce sera 10 jours de vacances, au mieux, je trouve un job. Je suis parti tout seul et l’avant-dernier jour, on me dit qu’un hôtel recherche un directeur d’exploitation. Je ne pensais pas avoir les compétences, mais on a insisté pour que j’y aille.

J’ai rencontré la patronne, une Américaine. Le rendez-vous devait durer 15 min. Il a duré deux heures. Nous nous sommes appréciés et en Américaine qu’elle est, elle me dit qu’elle me veut. Elle me demande quand je peux commencer. J’appelle alors ma femme, nous sommes en 1993, et je lui fais part de la proposition pour reprendre un hôtel de 140 chambres sur la plage à Saint-Martin. Ma femme étant fille unique, Romain avait un an et demi, Maxime deux mois, elle me dit d’accepter. Je suis rentré à Nice et j’ai passé deux semaines à l’aéroport dans l’hôtel Occidental, d’une chaîne espagnole, pour faire une sorte de stage, car je ne connaissais strictement rien à l’hôtellerie.

Comment s’est passé l’expérience à Saint-Martin ?

J’avais 26-27 ans et j’en ai bavé. Je suis d'abord resté seul deux mois. Quand j’ai revu la propriétaire, je lui ai demandé si je pouvais faire venir ma famille. Elle a alors validé ma période d’essai.Nous sommes partis aux Antilles sans savoir pour combien de temps et nous y sommes restés presque dix ans. Nous avons passé des années fabuleuses, puis, les enfants ont commencé à vouloir voir papi et mamie, aller à la montagne...Le hasard a bien fait les choses, car j’ai un ami qui m’a appelé pour me dire qu’il cherchait un directeur à Orcières-Merlette en station, puis je suis passé aux Arcs, à Valmorel.

Comment êtes-vous arrivé à Disneyland Paris, vous qui refusiez la région parisienne ?

J’ai un autre ami de Saint-Martin qui avait rejoint un groupe autrichien et qui m’a dit que celui-ci avait racheté un hôtel à Disney. Il me demande si ça m’intéresserait. Je vais à Prague pour rencontrer le président du groupe. Nous tombons d’accord, et je pars à Disney, diriger un hôtel de 400 chambres. Quelques années plus tard, le groupe a racheté un autre hôtel et je me suis retrouvé avec 800 chambres à gérer.

Dans le même temps, je suis allé à Bucarest en Roumanie, où j’ai aidé un directeur général en difficulté. Je passais la semaine là-bas et le week-end à Paris. Nous en avons eu assez de Paris et un jour, une personne travaillant pour l’Occitane, avec qui j’avais installé tous les flacons dans les salles de bain, me dit que son président venait de racheter un hôtel en Provence. Je lui ai alors dit que s’il cherchait un directeur, j’étais preneur. Trois ans plus tard, il me recontacte.

Que s’est-il alors passé ?

Nous prenons rendez-vous avec Reynold Geiger, président de l’Occitane. Je le rencontre avec ma femme et il m’invite à aller voir le Couvent, en nous disant que si ça nous plaît, c’est à nous.

En novembre 2012, nous prenons la voiture depuis Lagny-sur-Marne. Nous descendons en Provence, il ne fait pas très beau. Je découvre le couvent et je dis à ma femme : « Ça, c’est chez moi et si je ne l’ai pas, je vais pleurer des larmes de sang. » Nous sommes arrivés le 28 février 2013.Ça fait plus de 10 ans, et le bonheur est toujours là, comme l’envie de bien faire.

En 2014, j’y ai fait de premiers travaux, en 2015, pareil et ceux-là, c’est l’apothéose, où nous avons tout cassé pour tout refaire.

Quel parcours…

L’histoire continue à s’écrire. Franchement, si l'on me demandait si je referais la même chose, je dirais oui. Je voulais être dans l’hôtellerie. J’aime rencontrer du monde, vivre dans ce luxe un peu à part.

Dans l’hôtellerie, nous vivons des choses différentes. Ce n’est même pas un travail, c’est ma passion. Hôtelier est un métier de passionné. Si l'on ne l’est pas, il faut faire autre chose. Si l'on vient en hôtellerie pour gagner de l’argent, on n’a pas choisi la bonne branche.

Nous sommes hôteliers, car nous aimons les autres et la vie. Je suis très attaché aux gens avec qui je travaille. Cette famille-là aussi est très importante. Nous sommes des vendeurs de bonheur, des créateurs d’émotions. Nous aimons le beau, le bien fait. Nous sommes des perfectionnistes.

Comment définiriez-vous votre personnalité ?

Je suis Méditerranéen, pas forcément le plus calme des personnages, mais je suis tout sauf méchant. Je ne me cache pas, je réagis souvent avec mon cœur.

Que gardez-vous de toutes vos expériences passées et qui vous aide encore aujourd’hui ?

La flexibilité et l’adaptabilité. J’ai tenté de donner ça comme valeur à mes enfants. Je suis passé de la grande distribution à l’hôtellerie. Je n’étais pas bon au début et je pense ne pas être trop mauvais finalement. Je pense que je garde aussi qu’il ne faut pas se prendre pour qui l'on n’est pas. Finalement, je ne sais pas si j’ai appris quelque chose ou si j’avais ça en moi. En revanche, j’ai changé.

Quand j’étais plus jeune, j’étais plus dans le paraître. Je voulais devenir quelqu’un, quelqu’un qui compte. Je voulais être l’église au milieu du village. Ma grand-mère me surnommait toujours Garibaldi. Je ne suis jamais aussi bien que quand j’ai du monde en face. Quand j’étais au ski, c’était des club-hôtels et il m’est arrivé de chanter, de faire du théâtre, des parodies de Ringo Starr, des Bee Gees avec des perruques et du maquillage. Je ne sais pas si j’ai appris quelque chose, ou si j’avais tout ça en moi.

Diriez-vous que la propriétaire qui vous a recruté à Saint-Martin est la personne la plus importante de votre vie professionnelle ?

Sans Louise, je ne serais arrivé à rien. Si elle n’avait pas ressenti le potentiel en moi et parié, comme savent le faire les Américains… Elle a conditionné toute ma vie professionnelle.

Aujourd’hui quand je reçois quelqu’un, je ne regarde quasiment pas le CV et je demande à la personne ce qu’elle est capable de faire là, de se vendre pour demain.

Quelle personnalité vous inspire par sa vision positive et innovante ?

Deux personnes m’inspirent : Olivier Baussan, créateur de L’Occitane qui est un monsieur exceptionnel dans sa capacité à innover et de créer. C’est un visionnaire.

Le deuxième, c’est Reynold Geiger, président de L’Occitane et propriétaire du Couvent des Minimes. Il a une vision de l’entreprise incroyable.

J’aime les parcours de vie et ils ne sont pas nés avec des cuillères en argent dans la bouche. Ce sont des entrepreneurs et je crois que dans chaque hôtelier, il y en a un.

Quelle relation entretenez-vous avec Reynold Geiger au quotidien ?

Nous avons une relation transparente, très facile et saine. Il m’a donné les clés de l’hôtel, m’a fait rentrer dans le capital. Je pense que L’Occitane pourrait être une marque hôtelière avec des hôtels dans le monde, car elle est aussi une manière de vivre. L’effet d’une ouverture peut créer un effet induit…

Quelle est votre vision du luxe ?

Notre définition du luxe avec mon épouse Valérie, c’est la simplicité. Notre vision ne date pas d’aujourd’hui. Les courbettes, les chichis ne sont pas trop notre ADN. Notre ADN, c’est faire plaisir, être à l’écoute et au service de nos clients et notre personnel. Nous n’aimons pas cette hôtellerie où il faut reculer devant le client en s’abaissant. Le luxe, c’est recevoir et mettre à l’aise sans oublier qu’ils sont des clients, mais en leur faisant passer un bon moment. Et pour ça, il faut être simple, authentique et vrai, pas des béni oui-oui qui vont s’exécuter à la moindre des facéties.

Nous avons tous fait des repas dans des restaurants étoilés avec des personnes qui vous regardent manger et dès que vous levez un bras, ils sont là pour vous. C’est une vision du luxe, mais la mienne est plus simple, plus naturelle. Il faut que les clients se disent que nous sommes là sans en avoir l’impression. Ils ne doivent pas avoir le sentiment d’être dans une école hôtelière. Ce n’est pas évident. Nous savons faire une pièce de théâtre, mettre tout en musique, nous préparons l’arrivée des clients, mais le meilleur des acteurs est celui qui donne l’impression de le faire sans ressembler à un acteur.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaite évoluer dans le secteur de l’hôtellerie de luxe ?
D’abord, je lui dirai qu’il va se lancer dans l’hôtellerie, qu’elle soit de luxe ou pas. Le luxe, c’est un plus. Il y a des maisons 3* qui peuvent être bien plus luxueuse que des palaces. Si vous êtes passionnés, vous réussirez, par contre, ce n’est pas facile. Il ne faudra pas regarder la montre, avoir des idées. On entre en hôtellerie, c’est une vie.

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À propos de l'auteur

Journaliste aux multiples atouts et voyageur curieux, Christopher a une grande appétence pour les établissements au raffinement soigné, où s’accordent gastronomie de caractère, service impeccable et élégance sincère. Une plume discrète et gourmande au service d’une certaine idée du luxe.

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