INTERVIEW - OLIVIER SANTINI, FONDATEUR DE MOJOW : « JE VEUX QUE CE LUXE APPORTE DU PLAISIR, JE LE VEUX FUN EN PLUS D'ÊTRE DESIGN » (France)
En quelques années, Olivier Santini s’est taillé une belle réputation dans le milieu du design français et international. |
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INTERVIEW - OLIVIER SANTINI, FONDATEUR DE MOJOW : « JE VEUX QUE CE LUXE APPORTE DU PLAISIR, JE LE VEUX FUN EN PLUS D'ÊTRE DESIGN » (France)
En quelques années, Olivier Santini s’est taillé une belle réputation dans le milieu du design français et international. |
Catégorie : Europe - France - Interviews et portraits
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Interview de Christopher Buet le 16-03-2023
Avec ses créations originales au style unique, le Français entend proposer un luxe de différent, à la fois fun, coloré et écoresponsable.
Aucune chance de les manquer. Les fauteuils d’Olivier Santini tranchent dans le décor souvent sobre et épuré du mobilier des établissements haut de gamme. Avec lui, pas de teintes pastel, de nuances de gris ou de beige, les couleurs sont franches et acidulées. Assumées aussi. Pas question de se conformer aux codes, le designer français entend marquer sa différence, celle qu’il revendique depuis ses débuts en 2018.
Car Olivier Santini a débarqué dans le design de mobilier presque par hasard. À la tête d’une agence de marketing, las de représenter des marques se contentant de suivre les tendances et voulant prouver à un de ses clients que l’innovation et la prise de risque payaient, il imagine un fauteuil ergonomique mariant fun et design. Un produit ne ressemblant à aucun autre, que l’on pourrait customiser, durable et pratique. Dans un souci d’ergonomie et de transport, il propose un produit démontable, fait d’une structure rigide en verre et de coussins gonflables. Un produit sans limites, modulable et personnalisable à l’infini.
Yomi est né, reste à le présenter aux clients et au grand public. Pour cela, il se rend à la Foire de Paris et reçoit près de 400 commandes et passe dans tous les JT de France. Ce qui était un pari pour prouver qu’il pouvait faire le buzz, et ainsi promouvoir son agence de marketing et de design, fait germer en lui l’idée de se lancer à son compte. Il crée alors Mojow, en référence à Austin Powers, et entreprend de séduire une clientèle désireuse d’une décoration aux accents pops et artistiques, évoquant les toiles d’Andy Wahrol.
Pour le Journal des Palaces, Olivier Santini a accepté d’évoquer la philosophie de son travail de créateur et ses ambitions pour sa marque, poussée par une forte croissance en Europe et dans le monde.
Quelle est votre vision du luxe ? Aujourd’hui, dans le luxe, on voit beaucoup de choses qui se ressemblent. Or pour moi, un produit de luxe doit être unique, sur-mesure. C’est important d’apporter des éléments différenciants. Je veux que ce luxe apporte du plaisir. C’est pour ça que je le veux fun en plus d’être design.
Quand et pourquoi avoir créé Mojow ? J’ai créé, en 1998, une agence de marketing avant de racheter une agence de design où je travaillais pour différents annonceurs. J’avais un très bon client qui faisait du mobilier classique, bas de gamme, ressemblant à tous les autres. Un jour, je lui ai dit d’innover et il m’a répondu que je n’y connaissais rien et qu’innover était un risque alors qu’en copiant, on suit les tendances. Je n’étais pas d’accord et je pensais qu’innover sur quelques produits pouvait tirer la marque vers le haut. J’ai donc voulu prouver qu’on pouvait innover et faire le buzz. C’est ainsi qu’est né Yomi. Nous l’avons présenté en 2018 à la Foire de Paris pour voir comment les gens allaient réagir. Nous avons eu plus de 400 commandes et toutes les télévisions nous ont demandé de présenter notre produit. Je pensais faire un coup de pub pour mon agence et je me suis dit que j’allais finalement lancer ma propre collection Mojow, en référence à Austin Powers.
Les produits Mojow se distinguent par ce mariage entre « ballons gonflables », matières brutes (bois, métal…) et des couleurs très pop. Comment définiriez-vous votre style ? Nous avons essayé de placer nos produits sur une image fun, design et qualitative. Nous avons utilisé des matériaux écoresponsables et résistants comme le TPU (polyuréthane thermoplastique). En 2021, nous avons voulu monter en gamme pour toucher les hôtels. J’aime les produits designs et j’en ai, mais je trouve qu’ils vieillissent mal. J’ai donc réfléchi à un produit qui dure dans le temps. Nous avons eu l’idée d’utiliser des parois en verre et PMMA (polyméthacrylate de méthyle acrylique), de faire des coussins désolidarisés les uns des autres pour pouvoir les remplacer facilement. L’avantage d’un MW aujourd’hui est d’être composé de six ou sept coussins reliés à deux plaques. Si quelqu’un en endommage un, je dévisse facilement le coussin, je le change, car ça ne coûte pas cher et je me retrouve avec un produit comme neuf. Nous avons deux options d’assises : en TPU qui est polymère transparent donnant un côté moderne et fun, et pour l’hôtellerie, des coussins en mousse recouverts d’un fourreau en cuir ou d’un tissu. Cette dernière est plus classique, mais les parois en verre amènent notre côté fun et coloré, qu’on peut personnaliser à volonté. Nous avons fait un mariage entre notre produit d’origine et quelque chose de plus classique.
Envisagez-vous vos produits comme des objets de luxe ? Tous nos produits sont personnalisables. On peut faire graver ou sabler le motif qu’on veut sur toutes les parois en verre. Nous imprimons actuellement entre les plaques de verre des œuvres en partenariats avec des artistes. Ce sont des motifs uniques et certains artistes s’amusent à raconter des histoires, avec un texte sur la partie droite et la suite ou un dessin à gauche. Chaque verre est numéroté et signé pour un souci de traçabilité et garantir à nos clients une pièce unique. C’est comme une montre de luxe, nous savons avec le numéro de série de quelle œuvre il s’agit et à qui elle a été vendue.
Comme tout produit et plus encore dans le luxe, quel accompagnement faites-vous de vos clients ? Quand j’ai commencé avec le PVC, je ne connaissais pas le matériau. Nous avons eu quelques SAV, mais nous n’avons jamais eu de commentaires négatifs, car à chaque fois, nous réglons les problèmes immédiatement. Contenter notre client, c’est notre priorité. Nous appelons nos clients une semaine après qu’ils aient reçu leur commande pour être sûr que tout va bien. Nous voulons être irréprochables car nous sommes une petite structure et c’est compliqué de monter notre image de marque, de faire parler de nous sur les réseaux sociaux.
Comment expliquez-vous le succès de Mojow ? Nous sommes toujours dans une phase où nous devons rassurer par rapport à nos produits. Les gens les trouvent très fun. Des artistes comme Stromae les ont mis dans leurs clips, nous sommes apparus dans la série Emily in Paris. Ce qui plaît, c’est que nos produits apportent de la gaieté, de la couleur. Ça ne ressemble pas à rien d’autre. Copier a toujours été pour les suiveurs et pour moi, les suiveurs ne gagnent pas. Comme nous sommes petits, nous nous sommes dits que nous allions innover, faire quelque chose qui n’existe pas. Nous savions que nous n’allions pas plaire. Quand vous êtes hors tendance, vous vous coupez de 90 % des consommateurs qui la suive, mais comme nous sommes uniques, si 10 ou même 3 % de la population aime nos produits, ça peut représenter beaucoup de ventes. Quelque part, nous ne pouvions que cartonner, car nous n’avons pas de concurrence et nous avons protégé nos créations. Dans le luxe, souvent les produits se ressemblent un peu avec les mêmes couleurs et nous voulions proposer quelque chose de totalement différent, plus moderne.
Vous avez opté pour un concept différenciant avec votre mobilier gonflable, comment réagissent les hôteliers à cette proposition disruptive dans l'univers du luxe ? Nous n’allons pas équiper un hôtel ou un palace. Nous allons peut-être vendre une ou deux pièces pour les mettre dans le hall d’entrée ou ailleurs pour amener une touche de modernisme. Nous avons un gros marché pour équiper les hôtels en mobilier d’extérieur avec notre gamme en PMMA, des produits hauts de gamme et qualitatifs, garantis 20 ans. Ils sont très faciles d’entretien. Avec le TPU, un coup d’éponge et c’est nettoyé. Nous avons aussi des matières recyclées imperméables, des cuirs marins que nous développons avec des couleurs sympas et pouvant aller en extérieur. Notre produit permet de se démarquer, d’avoir une touche de design lumineux.
Quelle est la politique RSE de l’entreprise et en quoi est-ce important pour vous de tout produire en France ? Quand nous avons fait notre première collection, Yomi, nous utilisions du PVC. C’était tout sauf écoresponsable. Nous avons voulu réduire notre empreinte carbone avec des produits reconditionnés. Nous sommes passés du PVC au TPU. L’étape suivante pour notre start-up a été de faire du made in France, peu encombrant, garanti durable.
De nombreux fournisseurs rencontrent des difficultés en termes logistiques pour produire leurs équipements. Est-ce votre cas ? Si oui, comment y faites-vous face ? Tout est produit en France, fait main et sur-mesure. Ma stratégie pour les MW a été de privilégier des fournisseurs locaux. Je fais travailler mes rondelles en inox marin par un artisan à côté de chez nous, de façon à être réactif et à suivre la production. Je travaille avec une société basée à Saint-Etienne pour nos mousses, le verre est traité à Tours, et nous assemblons nos éléments nous-mêmes pour aboutir au produit définitif.
Vous avez adopté une stratégie très osée pour contourner l’inflation. Expliquez-nous. Concernant les prix, tout le monde se plaignait des hausses et qu’il fallait répercuter. J’ai fait l’inverse. Comme je trouvais qu’on avait des produits déjà chers, nous avons optimisé nos outils de production avec nos partenaires et comme nous lancions nos collections, j’ai annoncé une baisse de prix entre 20 et 45 % pour 2023. Même si nous sommes haut de gamme, que le produit reste cher, nous voulions montrer à nos clients qu’il était possible d’avoir des partenaires jouant le jeu. La stratégie était de montrer que nous étions une marque dynamique et accessible, alors même que tout augmente.
Vous êtes dans le contrepied permanent… C’est ça, je ne peux pas m’empêcher de faire différemment. Nous essayons d’être visibles, que les gens se souviennent de nous. Quand on est petit, il faut se faire connaître et savoir communiquer. Nous invitons aussi nos distributeurs à visiter notre showroom et cela nous aide à développer des marchés intéressants.
De quoi vous inspirez-vous pour vos créations et quelles limites vous imposez-vous ? Nous avons deux collections : la Yomi que nous faisons évoluer sur le plan technique et la collection de luxe MW que nous faisons évoluer sur l’aspect customisation. Nous jouons sur la transparence, les aspects matière. Nous voulons que demain, nous ayons un produit qui soit reconnu et perçu comme une œuvre d’art. Il faut que les gens l’achètent à la fois comme un fauteuil mais aussi comme un objet de décoration. Une cliente, un jour, m’a acheté un MW05. Trois jours après, elle m’appelle pour me dire qu’elle avait un souci avec son chien car son mari passait à présent son temps à caresser les parois en verre du fauteuil et plus le chien. Ça m’a fait rire et quand nous sommes sur un salon, il est très intéressant de voir le comportement des gens avec nos produits car ils aiment les toucher.
Vous avez récemment fait appel à des artistes pour signer certaines de vos créations. Pourquoi ? Avec différents artistes (street art, designer sur revêtement muraux…), nous travaillons pour montrer comment nous pouvons personnaliser nos produits. Nous nous sommes implantés au Qatar et c’est une artiste qatarie qui a imaginé le modèle (un M05 totalement unique avec un pied en inox recouvert de cuir, des coussins en tissus brodés.). Ce qui plaît aux artistes, c’est qu’ils vont vendre dans leur pays, mais nous pouvons aussi le faire dans le monde entier, ce qui leur donne de la visibilité. Nous avons deux artistes américaines, deux Français. Au Japon, un de nos distributeurs veut nous mettre en relation avec une artiste locale. Quand nous aurons présenté la collection « Galerie », je pense que nous serons très sollicités par les artistes, plus encore qu’aujourd’hui.
En travaillant avec des artistes, nous voulons en faire des pièces uniques, à la fois un fauteuil, un tableau, une sculpture. Nous allons présenter notre collection « Galeries » composée d’une quinzaine de modèles avec des vrais tableaux sur chaque paroi de verre, dont certains se répondant. Nous avons un produit modulable aussi qui ne nous impose aucune limite. Pourquoi ne pas imaginer demain un partenariat avec une cristallerie. Notre objectif de demain est d’apporter de la valeur ajoutée avec des collaborations pour tirer la marque vers le haut.
Quelle est la création la plus incroyable que vous ayez effectuée ? La création que je remercie le plus, c’est le fauteuil Yomi car il m’a permis de créer la marque Mojow et d’aller vers le luxe aujourd’hui. Sinon dans la gamme MW, c’est le MW05 parce qu’il a une forme unique avec son pied. On dirait presque un rocking-chair, mais il ne se balance pas tout en restant aérien.
Quelle votre stratégie de développement ? Nous avons signé un contrat avec une entreprise du Qatar pour qu’elle soit distributeur. Leur objectif est de travailler avec les hôtels de luxe et de leur proposer nos produits avec une collection originale et personnalisée avec les plaques en verre pour l’intérieur et le PMMA pour l’extérieur, car il a une résistance plus forte aux UV. Surtout le PMMA, contrairement au plexiglass, si on l’abîme, on peut le polir et lui rendre son aspect neuf. Il est plus résistant que le verre et quatre fois plus léger. Aujourd’hui, l’objectif est d’avoir des distributeurs à l’international pour conquérir les marchés. Nous sommes en Chine, au Japon, à Taïwan. On commence à travailler aux États-Unis. Et en Europe, nous voulons créer un réseau de revendeurs qui vont travailler avec les architectes et les hôtels. Notre produit est relativement haut de gamme et les gens ont besoin de le voir ou de l’essayer.
Quels sont vos objectifs par rapport à l’hôtellerie de luxe ? Nous sommes en contact avec beaucoup de décorateurs et d’architectes, qui travaillent certainement avec des hôtels. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas forcément d’être dans un Four Seasons ou autre, mais d’être chez quelqu’un à qui mon produit plaît, c’est de vendre, d’avoir de plus en plus de distributeurs, qu’on nous demande de plus en plus de customisations et que les gens s’amusent avec. Après, si demain, une chaîne d’hôtels veut que je l’équipe, j’en serai très heureux.
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