INTERVIEW - AMEL ZIANI-ORUS, DIRECTRICE DES RESSOURCES HUMAINES, LE MEURICE : « NOUS METTONS DE PLUS EN PLUS L'ACCENT SUR LES COMPÉTENCES DOUCES COMME L'INTELLIGENCE DE SITUATION » (France)
Directrice des Ressources Humaines au Meurice, Amel Zinai-Orus place le salarié au cœur de ses réflexions quotidiennes, veillant à lui offrir un environnement épanouissant, où il pourra se former tout au long de sa carrière, et prône un recrutement ouvert. |
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INTERVIEW - AMEL ZIANI-ORUS, DIRECTRICE DES RESSOURCES HUMAINES, LE MEURICE : « NOUS METTONS DE PLUS EN PLUS L'ACCENT SUR LES COMPÉTENCES DOUCES COMME L'INTELLIGENCE DE SITUATION » (France)
Directrice des Ressources Humaines au Meurice, Amel Zinai-Orus place le salarié au cœur de ses réflexions quotidiennes, veillant à lui offrir un environnement épanouissant, où il pourra se former tout au long de sa carrière, et prône un recrutement ouvert. |
Catégorie : Europe - France - Carrières
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Interview de Christopher Buet le 11-01-2023
En plein cœur de Paris, Le Meurice tient une place particulière. Fondé en 1835 à l’initiative de Charles-Augustin Meurice, il est le plus ancien des palaces de la capitale, qui en compte onze. Un fleuron du luxe et de l’hospitalité à la française où œuvrent quotidiennement 400 employés pour satisfaire les désirs de ses clients, logés dans ses 160 chambres et suites.
Derrière les ors et le marbre des salons de cet établissement, Amel Ziani-Orus fait partie de ces mains de l’ombre, permettant à cette mécanique de précision de tourner comme une horloge. Diplômée du Master de l’ESSEC-IMHI, promotion 2011, cette fille d’entrepreneurs est depuis cinq ans la directrice des ressources humaines de l'hôtel. Une position stratégique au carrefour des attentes et aspirations de chaque salarié. Qu’ils soient dans la maison depuis des décennies ou postulants, elle a la charge d’assurer leur bien-être et de veiller à leur épanouissement.
Forte de 15 années dans le secteur de l’hôtellerie de luxe, Amel Ziani-Orus a accepté de partager son expérience, sa vision du recrutement et du monde du travail dans le luxe. Pour le Journal des Palaces, elle dévoile les enjeux de demain et défend une approche résolument humaine dans l’accompagnement et la formation.
Journal des Palaces : Comment se passe le recrutement pour votre hôtel en ce moment ? Amel Ziani-Orus : Nous sommes chanceux d’appartenir à un groupe qui a une solidité financière et est fidèle à la valeur « we care », car nous faisons partie des rares hôteliers à avoir maintenu les salaires à 100 % pendant la période de chômage partiel et n’avons licencié personne. Au contraire, nous en avons profité pour former nos salariés et les faire monter en compétences. Cette notoriété, en plus des avantages que nous offrons, fait qu’aujourd’hui, nous sommes très attractifs sur le marché de l’emploi. À ce jour, nous avons une dizaine de postes à pourvoir dans différents métiers et services comme la cuisine, l’informatique et le service technique.
Quels avantages sont proposés aux salariés du groupe ? Le groupe offre un environnement de travail prestigieux et un management bienveillant. Il offre aussi la possibilité d’évoluer en son sein et de faire des formations à l’étranger, des nuitées Dorchester Collection pour les salariés et leurs familles (jusqu’à trois nuits consécutives, petits-déjeuners compris, plusieurs fois par an et 50 % de déduction sur les autres consommations), un salaire attractif, etc. Au-delà de ces avantages, c’est avant tout la possibilité de prendre part à cette belle aventure où l’on cultive et réinvente ensemble un art de vivre millénaire.
Quelle stratégie en matière de recrutement avez-vous bâtie, qu’avez-vous mis en place pour attirer les talents ? Le groupe Dorchester Collection a toujours été précurseur en matière de droit social vis-à-vis de ses employés. C’est pour cela, qu’en juin 2022, un nouvel accord d’entreprise a été signé avec les différents partenaires sociaux : la contribution Employé 5 %. Cet accord a pour objectif d’augmenter le pouvoir d’achat des employés et d’améliorer notre attractivité sur le marché de l’emploi. Tous les tarifs de l’hébergement et de la restauration en vigueur à l’hôtel ont été majorés de 5 %, calculé sur la base du chiffre d’affaires. Ce prélèvement obligatoire est reversé en totalité à tous les salariés de manière équitable, indépendamment de leur niveau de hiérarchie ou d’ancienneté. Certains salariés ont vu leur salaire augmenté de 20 % par mois.
Nous avons aussi mis l’accent sur la marque employeur et la mise en avant de nos métiers. Nous avons notamment changé le titre de certains postes qui n’étaient plus très attractifs pour les jeunes en quête de reconnaissance rapidement.
Rencontrez-vous des difficultés à recruter du personnel qualifié ? Certains profils sont difficiles à recruter comme les électromécaniciens, les techniciens informatiques et les cuisiniers. Quand les hôtels ont rouvert, tout le monde s’est mis à chercher les mêmes profils en même temps, cela a contribué à créer cette situation de pénurie de main d’œuvre. Il y a des exigences comme le télétravail, qu’il est très difficile d’honorer dans notre secteur, mais nous avons d’autres avantages plus compétitifs.
Quelles opportunités vous offre la situation particulière du secteur en termes de recrutement ? Nous nous sommes tournées vers des profils plus diversifiés qui viennent d’autres secteurs et horizons. Nous avons, par exemple, dans les fonctions support, des salariés qui étaient dans le bâtiment, dans la presse ou le retail mais également du personnel dans les opérations qui se sont reconvertis, comme ce salarié travaillant en restauration qui a fait des études en sciences politiques.
Nous investissons plus de temps au niveau de l’intégration et de l’accompagnement des jeunes recrues afin de les conforter dans leur choix de nous rejoindre. Nous savons que les personnes qui nous rejoignent ne le font pas par dépit de trouver un emploi, mais par choix, car aujourd’hui le marché de l’emploi est très favorable pour les candidats. Dernièrement, un candidat a eu neuf propositions d’emploi dans les grands hôtels parisiens et a choisi délibérément de rejoindre nos équipes parce que nos valeurs concordaient.
Disposez-vous de partenariats avec des écoles pour favoriser votre recrutement ? Nous travaillons avec beaucoup d’écoles hôtelières comme Ferrandi et Vatel, ainsi que des lycées hôteliers, des écoles de commerce, de cuisine, des universités comme ESTHUA d’Angers… Nous allons sur les forums de recrutement faire des présentations et accueillons aussi des étudiants sur place.
Récemment, nous avons participé à une fête inédite de l’excellence des métiers de la main et du luxe à la Station F, auprès du Comité Colbert, où nous avons reproduit une suite d’hôtel sur un stand et avons accueilli 4.000 collégiens et lycéens sur trois jours, pour les familiariser avec les métiers du savoir-faire de l’avenir. Il faut perpétuellement communiquer et sensibiliser les plus jeunes pour leur donner envie de pratiquer cet artisanat.
Les jeunes talents sont-ils plus difficiles à convaincre ? Non, pas particulièrement. Je pense que tout le monde peut s’épanouir dans un palace. Les jeunes savent ce qu’ils veulent et c’est à nous de nous adapter. Ils sont très engagés dans le développement durable et veulent savoir si leur empreinte dans l’entreprise aura un impact sur la société. Au Meurice, nous leur laissons la liberté de faire des propositions et surtout de faire évoluer notre modèle de management et de pensée. Ils sont souvent les premiers à s’inscrire au sein de notre cellule RSE et à la faire avancer.
Que diriez-vous pour inciter les jeunes à opter pour une carrière dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration ? C’est un secteur où l’on ne s’ennuie jamais, avec la possibilité d’évoluer rapidement et, surtout, de voyager partout dans le monde. On peut s’épanouir en faisant plaisir, exprimer son talent en faisant perpétuer et évoluer le savoir-faire français en France ou dans le monde.
Dans un palace, les jeunes ont la chance d’apprendre auprès des meilleurs dans tous les domaines. Nos salariés savent accueillir un chef d’État ou les footballeurs au retour de la Coupe du monde, ainsi que des stars du cinéma et de la musique, ils sont d’ailleurs souvent invités à jouer les figurants, comme récemment dans la série Emily in Paris ou dans Arsène Lupin, tourner dans le clip d’Ed Sheeran… Chaque jour est un jour nouveau.
Globalement, les jeunes à la sortie de leur formation ont-ils le bagage nécessaire pour un établissement comme Le Meurice ou une mise à niveau est-elle nécessaire ? Il n’y a pas de bagage particulier pour intégrer un palace. Chaque palace a son identité et cela prend du temps pour intégrer la culture d’entreprise et la représenter au mieux. Nos professionnels sont là pour les accompagner, leur apprendre les codes du luxe s’ils ne les ont pas encore acquis, mais le plus important est la passion pour le travail, le service et le respect du bien vivre ensemble, de ses collègues, des clients et de son environnement. Ajoutez à cela un peu de curiosité et une touche d'ambition et c’est parti !
Quels éléments permettent à une candidature de se détacher des autres ? Plusieurs éléments permettent à une candidature de se distinguer. Dans un premier temps, la maîtrise des langues étrangères ainsi que sa capacité à s’exprimer à l’oral et à l’écrit en français. Par la suite, nous attachons de l’importance à la sagacité et la finesse d’esprit des candidats. Nous mettons de plus en plus l’accent sur les compétences douces comme l’intelligence de situation, la capacité à maîtriser ses émotions ainsi que les facultés à s’intégrer dans une équipe et à collaborer avec.
Selon vous, dans quelle mesure le recrutement dans l’hôtellerie et la restauration de luxe peut-il se moderniser ? Il faudrait que les avantages offerts puissent correspondre à la jeune génération en quête de sens. De bons packages mutuelle et prévoyance, ça ne leur parle pas trop. Ils seront plus intéressés par le profil des leaders avec qui ils vont travailler, des programmes RSE auxquels ils pourront participer, les titres de leur métier (le titre de commis ne séduit plus du tout), leur présenter un parcours de progression possible inter-métiers et non les cantonner en sillon sur une évolution de carrière dans le même domaine. Il faut également élargir notre présence et recruter davantage sur les réseaux sociaux comme LinkedIn et Instagram ou bien des plateformes non spécialisées comme Welcome to the jungle sur laquelle nous sommes présents.
Quels sont, selon vous, les profils de demain dans le luxe ? Les profils qui se détachent d’ores et déjà sont des personnes très portées sur le digital dans leur mode de communication, sensibles à la cause de la planète qu’ils mettent au cœur de toutes leurs décisions et plus éclectiques dans leur choix de carrière. Au niveau du relationnel et du service, ils remettent en cause le conformisme et s’inscrivent davantage dans la durabilité, la sincérité et l’authenticité des échanges.
Comment se déroule l’intégration des nouveaux collaborateurs au sein de l’hôtel Meurice ? Tous les salariés reçoivent une vidéo en amont de leur arrivée pour leur présenter leur équipe et leur souhaiter la bienvenue. Ils se sentent d’ores et déjà attendus dans la famille Dorchester. Ils assistent ensuite à trois journées d’orientation où nous leur présentons le groupe, notre mission, notre vision et nos valeurs d’entreprise. Nous leur faisons une visite du Meurice et de notre maison sœur, le Plaza Athénée, et les sensibilisons aux sujets de l’inclusion et de la diversité en expliquant les biais cognitifs, ainsi qu’à la prévention du harcèlement moral et sexuel.
Nous abordons également les standards essentiels de communication, salutation et de gestion des feedbacks clients. Après six mois d’ancienneté, ils ont la possibilité de séjourner une nuit dans l’hôtel pour se mettre à la place du client et en profiter, tout simplement. Le plus important est de comprendre et d’intégrer la culture d’entreprise.
Comment accompagnez-vous vos collaborateurs ? Nous échangeons régulièrement sur les attentes de chacun et leurs aspirations futures. Nous avons la chance d’avoir la Dorchester Academy et un service formation doté d'un budget conséquent. Le service dispense en interne des formations de management et de développement personnel et accompagne tous les salariés dans leur évolution, leur montée en compétence, en cross training à l’étranger ou bien en reconversion.
Une attention particulière est-elle apportée aux managers ? Nous envoyons chaque année des managers bénéficier d’une semaine de formation et de dépassement de soi avec le centre culturel de leadership où ils reçoivent un feedback à 360 degrés sur leur personnalité et style de management. L’avantage d’un groupe à taille humaine est que la direction connaît tous les salariés et nous arrivons à avoir des conversations régulières et rapides avec nos salariés pour les accompagner dans leur développement et les faire grandir.
Quelles valeurs cherchez-vous à promouvoir à travers le recrutement ? Il y a cinq valeurs qui sont chères au groupe Dorchester Collection : le respect de ses collègues, des clients, de son environnement de travail, de la planète. La personnalité est également primordiale : chacun doit pouvoir s’exprimer et s’épanouir pleinement quelle que soit sa différence. La passion, qui est l’essence de la réussite et de l’épanouissement dans notre métier, est, de la même façon, mise en avant, tout comme le travail d’équipe : il est indispensable de savoir travailler et collaborer intelligemment avec les autres. Enfin, une place importante est accordée à la créativité, valeur permettant à chacun d’exprimer son talent et, par ricochet, de continuer à faire évoluer le savoir-faire français et à surprendre les plus grands de ce monde.
Comment vous y prenez-vous pour garantir un bon environnement de travail à vos équipes ? Le leitmotiv est “Fun at work !”. Tout en étant rigoureux et professionnels, nous nous amusons tous les jours. Pour cela, nous créons un environnement doté d’un capital confiance important avec un droit à l’erreur. Les salariés se sentent à l’aise dans ce climat de sérendipité, tout en ayant un sentiment d’appartenance à une famille. Il est important de dire tous les jours « bonjour » et « merci ». Aussi simple que cela paraisse, beaucoup de grandes entreprises ne l’ont pas encore compris.
Nous célébrons également les succès et considérons chaque personne dans son entièreté (corps, cœur, âme et esprit), Nous travaillons d’ailleurs avec les ouvrages de Stephen Covey pour le développement personnel et nous nous inspirons de ses enseignements pour notre management.
Que mettez-vous en place pour donner envie à vos équipes de rester au Meurice, au-delà du prestige de l’établissement ? Découvrir la vie de palace ! Nos salariés ont la possibilité de voyager dans tous les pays où se trouvent les hôtels de la Dorchester Collection et d’y séjourner gracieusement avec leur famille ou amis ! C’est un avantage exceptionnel et beaucoup de nos salariés y sont très attachés.
Qu’aimez-vous le plus dans votre métier ? Tous les soirs, j’ai une histoire à raconter en rentrant chez moi ! Mon entourage me regarde avec fascination et admiration quand je raconte toutes ces histoires de palace ! Ce que j’aime par-dessus tout est le fait d’être au cœur de la transmission et du partage du savoir-faire français. Notre métier est de faire plaisir en prenant du plaisir. J’ai la double chance d’accompagner les collaborateurs dans leur parcours de vie et de les voir s’épanouir et s’accomplir dans un secteur glamour qui se réinvente en permanence.
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