MAXIME GARNIER : « EN TERMES DE RECRUTEMENT, L'OFFRE ET LA DEMANDE NE SE RENCONTRENT PAS ASSEZ » (France)
Maxime Garnier, membre du CDRE Île-de-France, a confié au Journal des Palaces son ressenti sur une année 2021 très particulière et se projette sur 2022, qu’il place sous le signe de la flexibilité, du recrutement et de la restauration durable |
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MAXIME GARNIER : « EN TERMES DE RECRUTEMENT, L'OFFRE ET LA DEMANDE NE SE RENCONTRENT PAS ASSEZ » (France)
Maxime Garnier, membre du CDRE Île-de-France, a confié au Journal des Palaces son ressenti sur une année 2021 très particulière et se projette sur 2022, qu’il place sous le signe de la flexibilité, du recrutement et de la restauration durable |
Catégorie : Europe - France - Économie du secteur
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Interview de Guillaume Chollier le 03-02-2022
A l’issue d’une année particulièrement éprouvante pour le secteur de l’hôtellerie-restauration, et à l’aube d’une année qui s’annonce pour le moins excitante, au cours de laquelle tous les espoirs sont permis, le Journal des Palaces a donné la parole aux diverses professions qui composent ce secteur.
Le CDRE nous a cette semaine ouvert ses portes : le Club des Directeurs de la Restauration et de l’Exploitation, fondé en 1990 sous sa forme actuelle, compte plus de 120 membres en France et à l’international.
Maxime Garnier, membre du CDRE Île-de-France depuis 2018, évolue dans le secteur de l’hôtellerie restauration depuis 9 ans. Directeur des opérations bar et restauration pour le groupe Sinny&Ooko, il exerce son activité au sein de 4 établissements du groupe : La Recyclerie dans le 18e arrondissement de Paris, La Cité Fertile à Pantin, Le Pavillon des Canaux et le Bar à Bulles, respectivement dans les 19e et 18e arrondissement de Paris.
Pour le Journal des Palaces, il revient sur un exercice 2021 inédit et dessine les contours de l’évolution de sa profession, ainsi que les virages que devra prendre le secteur de l’hôtellerie restauration en 2022. Flexibilité, formation sur le terrain des jeunes et surtout restauration durable sont au menu !
Le Journal des Palaces : Quel bilan avez-vous tiré de 2021 ?
Maxime Garnier : Après plusieurs mesures de fermetures, la réouverture au mois de mai a été un grand moment pour nous, comme pour de nombreux restaurateurs. Nous avons pu préparer cet événement en amont : 6 mois, c’est un luxe rare. Nous sommes montés rapidement en puissance, puisque nous étions pratiquement sur nos chiffres de 2019, ceux d'avant la crise sanitaire. Septembre et octobre ont été de très gros mois, un peu comme un second été. La fin d’année a été plus douce puisque nous avons perdu toutes nos réservations de séminaires, suite aux nouvelles mesures imposées par le gouvernement. La fin de l’année a donc été plus compliquée financièrement pour nos établissements. Quant aux équipes, elles étaient fatiguées à l’approche des fêtes.
Comment envisagez-vous 2022 ?
Pour 2022, notre calendrier est plein au niveau de la programmation. Nous sommes donc très optimistes pour cette année en termes de fréquentation. Le groupe cherche aussi à se développer en dehors de Paris, donc nous nous attendons à une belle saison.
Comment évoluent les professions de directeur d’exploitation et directeur de la restauration selon vous ?
Nous avons développé des réflexions de fond sur notre capacité à nous réinventer. Nous avons revu nos offres et nous sommes adaptés avec des outils de digitalisation, qui ont pris une place prépondérante dans notre activité. Nous avons également eu une prise de conscience sur la restauration durable. Je pense que, dans la restauration traditionnelle, il sera de moins en moins possible de proposer des menus sans prendre en compte la saisonnalité des produits, leur empreinte carbone… Dans l’environnement dans lequel je me trouve, c’est désormais fondamental. La restauration traditionnelle devra prendre le pli car c’est la quête de sens que va désormais rechercher le client. Les chefs vont devoir se réinventer et retravailler la composition de l’assiette, retravailler les produits, ne pas en utiliser une seule partie et jeter l’autre, effectuer un meilleur traitement des déchets. Il existe des méthodes assez simples et très qualitatives pour se fournir de meilleure façon, plus locale. C’est une question de réorganisation du travail, d’anticipation des commandes, de sourcing fournisseur…
C’est assez récent comme culture ?
Oui, c’est récent. Cela a explosé ces cinq dernières années. Au fur et à mesure, nos comportements vont changer : il y a aujourd’hui encore trop de packaging, trop d’individualisation des portions. La restauration durable sera l’enjeu de la décennie. Ce n’est pas encore la préoccupation première chez la plupart des acteurs de l’hôtellerie restauration, mais c’est un sujet fort chez Sinny&Ooko.
Vous formez vos recrues à ces nouveaux comportements ?
Ce sont des prérequis. Notre entreprise est très ouverte en termes de management. Nous faisons partie de l’ESS, l’Economie Sociale Solidaire. Nous avons une hiérarchie assez plate et une gouvernance très partagée, des valeurs fortes sur l’environnement et des salaires encadrés. Nous recrutons aussi sur le taux d’adhésion au projet. Le candidat doit adhérer à notre philosophie pour intégrer l’entreprise.
Les jeunes qui désirent embrasser cette carrière vous semblent-ils suffisamment armés et accompagnés ?
L’accompagnement est assez développé par rapport à une dizaine d’années. Désormais, les formations intègrent stages, contrats de professionnalisation, alternances. Donc je les trouve bien armés en termes de formation. La partie pratique mériterait toutefois d’être renforcée. Mais ces formations restent relativement chères. Peut-être que les étudiants qui doivent payer eux-mêmes leur formation pourraient être davantage soutenus financièrement.
Quelles difficultés rencontrez-vous en termes de recrutement ?
J’ai le sentiment qu’en termes de recrutement, l’offre et la demande ne se rencontrent pas assez. Je pense qu’il faudrait des plateformes dédiées, selon le secteur dans lequel on recrute : une pour les palaces, une pour la restauration traditionnelle, une pour le fooding… Cela permettrait aux recruteurs comme aux candidats d’orienter leur recherche.
Dans notre corps de métier, on travaille avec des profils qui sont trop juniors, car notre rémunération est plus basse que la moyenne en raison de l’encadrement de nos salaires par l’ESS. Du coup, la qualité n’est pas toujours là, notamment sur les profils saisonniers, qui ne restent que quatre mois.
Que préconisez-vous ?
Les hôteliers et les restaurateurs doivent se montrer plus flexibles car le Covid a changé les mentalités. Il faut désormais s’adapter aux contraintes de chacun, notamment la vie de famille. Favoriser les contrats courts et fidéliser les employés qui sont déjà dans l’entreprise pour éviter les départs des bons éléments. Cela passe donc par la proposition de formations, l’ambiance au travail, prendre en compte les demandes d’évolution et avoir un management participatif, être à l’écoute.
Que diriez-vous pour inciter les jeunes à opter pour une carrière dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration ?
Bien qu’ils soient difficiles, ces métiers restent indispensables. Il faut rappeler à ces jeunes que ce sont des métiers de passion et, pour les établissements haut de gamme, des métiers d’excellence. Certes, la rémunération de départ n’est pas forcément attractive, mais elle peut le devenir assez rapidement en décrochant des postes de management. Les évolutions peuvent être rapides.
Quels sont selon vous les qualités d’un bon directeur d’exploitation et d’un bon directeur de la restauration ?
C’est quelqu’un à qui le changement ne fait pas peur, surtout aujourd’hui. C’est quelqu’un qui est légitime auprès de son équipe : il sait faire et a fait par le passé ce qu’il réclame à son équipe. Il maîtrise ses coûts, ses achats, sa carte, ses produits. Il doit parfaitement maîtriser son établissement. Il doit enfin être rigoureux, exigeant et posséder d’indéniables qualités humaines : écoute et bienveillance. Le management à la dure d’il y a dix ans, c’est révolu, mais rigueur et exigence demeurent indispensables.
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