La rencontre avec un Chef étoilé est toujours un moment de grande émotion. Celle du Chef Alain Pégouret fût placée sous le signe de sa générosité et sa passion débordante, qualités qui ont façonné un parcours remarquable.
Tout commence durant son enfance dont il conserve le souvenir de moments privilégiés, partagés notamment avec son grand-père et son père. Ces deux hommes exigeants et passionnés par la gastronomie française prirent le temps de lui transmettre la « valeur du travail et le sens du raffinement », lui faisant découvrir dès l’âge de sept ans les plus grands restaurants de Cannes. L’esprit de l’art de la table le séduit d’emblée, plus particulièrement « l’empreinte venant de la cuisine » qu’il perçoit comme un formidable « moyen d’expression ».
Avec une détermination puissante, il s’investit très tôt dans son objectif, celui de devenir un Chef explorant tous les registres possibles pour tendre vers la perfection.
A l’adolescence, quand ses camarades préfèrent se rendre à la plage, il redouble d’efforts pour obtenir son BEP avec la mention « Très Bien ». Insatiable, travaillant seize heures par jour en tant qu’apprenti au Palais des Coqs auprès du Chef Honoré Bouliquot qui l’encourage dans sa vocation, il mesure les échelons lui restant à gravir, et tel un sportif de haut niveau, utilise l’impatience qui le caractérise comme un véritable moteur. Il se remémore avec sourire : « j’apprenais par cœur trois recettes par jour, sollicitais le Chef pour apprendre plus vite et plus encore, économisais pour acheter des ouvrages culinaires tels que La cuisine du marché de Paul Bocuse… ». Il précise ému, que cet ouvrage demeure l’un de ses livres de référence, ainsi que Les fêtes de mon moulin écrit par Roger Vergé.
Les expériences se succèdent ensuite à un rythme soutenu et maîtrisé : d’abord le Loew’s où on lui annonce que les bons éléments sont envoyés à Londres ou à Paris. Volontaire, il s’investit à tel point qu’au bout de six mois, en 1987, on lui propose de rejoindre l’équipe de Jacques Sénéchal à l’hôtel Nikko de Paris. Ensuite, il entre comme commis au Jamin aux côtés de Joël Robuchon, et y devient rapidement Chef de Partie, découvrant avec humilité ce qu’il considère « la plus belle maison du monde » et des « plats intemporels, traversant les générations ».
Puis, en 1992, le Crillon lui ouvre ses portes, il y deviendra Sous-Chef au bout d’un an, aux côtés de Christian Constant. « Il est mon père spirituel, sa sérénité, sa simplicité et son sérieux m’ont fait prendre conscience de l’importance de l’esprit d’équipe, car on n’est rien sans les autres. »
Voulant apprendre la pâtisserie en plus de son travail, il s’y investit à tel point qu’il remporte l’année suivante le Trophée National de cuisine et de pâtisserie. Après sept ans d’un « apprentissage exceptionnel » au Crillon, Christian Constant lui offre de diriger en tant que Chef le Violon d’Ingres à Paris : avec son équipe, il y obtient au bout d’un an une première étoile au Guide Michelin, puis décroche la seconde l’année suivante.
Vient enfin une date symbolique, puisque c’est en effet le 14 février 2001 qu’il prendra ses fonctions de Chef au restaurant Laurent où il officie depuis avec le talent qu’on lui connaît.
Quand ambition, diligence et passion font naître l’émotion.
Si le Chef Alain Pégouret nous apparaît comme un véritable « bolide » de la gastronomie, c’est bien son amour de la « belle ouvrage » qui le guide à nous éblouir par la beauté de ses dressages, véritables pièces d’art ouvragé avec la même exigence de perfection que celle d’un joaillier.
Chef, mais aussi manager investi, il met en place au Laurent une structure offrant plus de confort à chacun, aidé en cela de Philippe Bourguignon, Directeur du restaurant dont il souligne avec reconnaissance la bienveillance : « C’est un grand Monsieur, très respectueux qui amène de la sérénité dans tous les services, sa patience m’a aidé à m’affiner.»
Dévoué, exigeant tout en étant tolérant sur certaines choses, il considère sa brigade comme sa famille, la « connaissant par cœur » : « le matin, je salue tout le monde, je suis présent pour tous, donne des conseils, reste accessible. »
Il aime rappeler ce qui constitue les « ingrédients de son management » : écoute et disponibilité, connaissance de son équipe, esprit sportif mais aussi transmission dans le cadre de concours, démonstration, création de la nouvelle carte refaite quatre fois par an. « Il faut faire vivre une maison tout en faisant évoluer son équipe, il faut lui donner le sens de son parcours ».
Générosité et ambition assumée ont construit le chemin étoilé d’Alain Pégouret. A quarante-huit ans, de défis en défis, grâce à sa volonté sans faille, il est devenu le Chef d’une des plus grandes institutions culinaires de Paris. Et s’il ne lui restait qu’à conquérir la plus belle des étoiles, celle de savourer l’instant présent avec sérénité, comme savent le faire les plus fins gourmets ? Ceux qui choisissent la table du Laurent pour y déguster l’excellence et la générosité d’une équipe dirigée avec passion par ce Chef virtuose, si merveilleusement dédié à nous faire plaisir.
Interview réalisée le 24 Avril 2014, par Rachel Chantal, Directrice de Formaluxe, Conférencière, Auteure de « Luxe et Elégance », Professeur sur les codes de l’élégance relationnelle à l’Institut Paul Bocuse.
Rachel Chantal dirige le cabinet Formaluxe, dédié à l'audit, conseil et formation des Maisons de Luxe. Conférencière, formatrice experte de l'élégance relationnelle, Rachel accompagne les équipes des palaces, restaurants gastronomiques et boutiques de luxe sur l'art de recevoir à la française. Elle transmet aussi sa passion de l'excellence et du partage dans ses ouvrages : « Luxe et Elégance, l'excellence dans la relation client et le management » et « L’art du savoir-dire, les mots au service du luxe à la française ».
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