Le Journal des Palaces

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INTERVIEW – NICOLAS CAUPAIN, DIRECTEUR F&B, THE LANA DORCHESTER COLLECTION DUBAI: « CE QUE J'AIME LE PLUS DANS CE MÉTIER, C'EST LA GESTION DES ÉQUIPES » (Émirats arabes unis)

Nicolas Caupain va réaliser l’ouverture d’un établissement très attendu à Dubaï. Il deviendra à 36 ans le directeur F&B de The Lana, dernier né de la Dorchester Collection.

INTERVIEW – NICOLAS CAUPAIN, DIRECTEUR F&B, THE LANA DORCHESTER COLLECTION DUBAI: « CE QUE J'AIME LE PLUS DANS CE MÉTIER, C'EST LA GESTION DES ÉQUIPES » (Émirats arabes unis)

Nicolas Caupain va réaliser l’ouverture d’un établissement très attendu à Dubaï. Il deviendra à 36 ans le directeur F&B de The Lana, dernier né de la Dorchester Collection.

Catégorie : Moyen Orient - Émirats arabes unis - Économie du secteur - Interviews et portraits - Ouvertures d'hôtels - Interviews
Interview de Vanessa Guerrier-Buisine le 18-12-2023


Une nouvelle aventure pour celui qui a quitté la France, il y a déjà 16 ans, après des études à l’école de Savignac. Lui dont le père possédait un camping a tranché pour l’hôtellerie de luxe, une passion qui l’a mené vers une carrière internationale. Le périgourdin, né à Paris, peut se targuer d’avoir exercé dans des maisons exceptionnelles, dont le Jockey Club d'Hong Kong, où il a passé huit ans. Un club privé pour millionnaires en Asie, dont les droits d’entrée s’élèvent à 800 000 HK$ (plus de 100.000 €) et qui réunit pas moins de 25.000 salariés pour 25.000 membres. Au sein de ce lieu exclusif, Nicolas Caupain a organisé les plus beaux dîners avec des chefs trois étoiles, goûté des vins, et ouvert un club house, en plein centre d'Hong Kong, avec huit restaurants et cinq bars. Un projet grandiose, qu’il aura mené avec brio.

Alors qu’il embrasse le défi de l’ouverture du dixième Dorchester, le Français poursuit ses objectifs, en appliquant toute son expertise à la stratégie F&B de The Lana, et en affinant ses connaissances de tous les départements d’un hôtel, pour toucher du doigt son prochain objectif.

Pour le Journal des Palaces, Nicolas Caupain évoque sa passion des belles et bonnes choses de la vie, l’ouverture prochaine de The Lana, mais surtout les vertus d’une carrière à l’étranger.

Pourquoi avoir choisi de faire carrière dans l’hôtellerie de luxe ?

À 16 ans, j'ai l'opportunité de rencontrer le directeur du Negresco, Pierre Bord, je lui ai alors demandé ce que je devais faire pour atteindre un jour le poste de directeur d'hôtel. Il m’a alors dit qu’il ne fallait plus forcément travailler en Angleterre ou dans les grandes maisons en France, mais qu’il fallait partir au Moyen-Orient, au Qatar, à Abu Dhabi, à Dubaï, et travailler dans les super destinations en Asie, qu’étaient Tokyo, Hong Kong et Singapour.

À cette époque, ça m'a marqué. C’est pour cela que lorsque j'ai eu l'opportunité d'aller à Hong Kong, j'ai saisi l'opportunité, comme celle d'ouvrir un hôtel à Abu Dhabi (le Jumeirah, Etihad Towers). Cette conversation m’a aidée au fil du temps et m’a apporté un déclic.

J’ai réalisé que j’étais passionné de voitures de luxe, j’adorais le vin, les montres et les cigares, qui sont des sujets qui plaisent beaucoup à la clientèle, et je me suis spécialisé. J'ai lu énormément de livres pour tenir des conversations avec cette clientèle haut de gamme. Et c’est ainsi que l’on crée des liens.

Quelles sont les exigences pour réussir dans l’univers de la restauration dans des hôtels de luxe ?

Il faut être très motivé, à l'écoute du client, des collègues. Un collègue peut-être sous votre responsabilité, mais pourrait avoir la meilleure idée, et il faut alors mettre son ego de côté.

Il est également nécessaire d’aimer les challenges, pour répondre à une clientèle très exigeante, qui peut soulever un problème que vous n’avez pas anticipé. Il faut alors être le plus positif possible.

Ce que j’affectionne le plus, c’est quand cela paraît presque impossible, car c’est là qu'un palace va faire la différence par rapport à un autre hôtel. On travaille avec une clientèle qui va être à New York le mardi, à Paris le jeudi, à Tokyo le vendredi. On ne peut pas forcément les impressionner sur des produits, on va les impressionner sur des détails et c'est là qu'il faut travailler.

Quels sont les étapes et les prérequis d’une préouverture de restaurants dans un hôtel de luxe ? Où en êtes-vous au Lana ?

Il faut être très organisé, savoir déléguer aux bonnes personnes, choisir des chefs de département à qui vous allez faire confiance, leur donner les règles et leur permettre de se développer et faire ce qu’ils aiment faire.
Steve Jobs disait « Cela ne fait aucun sens d’embaucher des personnes intelligentes puis de leur dire ce qu’elles doivent faire. Nous enrôlons des personnes intelligentes afin qu’elles nous disent ce que nous devons faire ». Il faut donc laisser du lest aux personnes.

Rien qu’à Dubaï, il y a 13.000 restaurants, de ce fait la compétition est énorme. Certains restaurants d’hôtels 5 étoiles font 1200 à 1300 petits déjeuners. Tout est un peu dans la démesure, c'est d’ailleurs ce qui attire ici. Il faut donc se concentrer sur les concepts, offrir quelque chose de différent, qui va attirer les clients.

Ensuite, il faut recruter les bons profils, pas seulement les chefs de département, un bar manager, une chef hôtesse, qui saura rappeler des clients et assurer une bonne rentabilité des tables, etc. Puis un bon sommelier, de bons chefs de rang. Le plus important est d’avoir des collègues qui gèrent leur département comme leur propre entreprise.

Comment se déroule le recrutement ?

Je m’implique dans tous les recrutements, à l’exception des postes de serveurs, que je délègue à mon numéro deux et au chef de département. J'aime travailler dans des hôtels dans lesquels je connais le prénom de chaque collaborateur. Je vais leur dire bonjour tous les matins, je leur serre la main, donc ils se sentent bien, c’est aussi l’un des fondamentaux que j’aime tant dans la Dorchester Collection.

Le recrutement reste un défi, même chez nous. Il y a énormément d'hôtels 5 étoiles à Dubaï, et nous avons un haut niveau d’exigences. Dans un second temps, le plus important est de former les personnes que nous recrutons, d’offrir des formations en continu, de poser des questions pour vraiment garder les standards de l'hôtel.

Quels seront les concepts de restauration du Lana ?

Nous aurons six bars, du « Bitter Honey’s », situé dans le lobby, dédié à la création de l'alcool, l’usage du miel, l’aspect durable, au bar sur le thème des fruits interdits, avec des activations chaque semaine autour d’un groupe de jazz. Le « Riviera Bar », au 4ᵉ étage de l’hôtel, sera dédié à la Méditerranée, autour des différentes côtes, des Cinque Terre en Italie, à la Côte d'Azur en France, en passant par la côte espagnole, portugaise, conçu avec Jean Imbert.

Le « Jara Bar by Martín Berasategui » sera un hommage au pays basque, avec des bières espagnoles, des cherrys, des Calva, etc. Nous aurons également l’exclusivité du champagne Pol Roger au verre des Émirats arabes unis. Le « Txakolina » offrira quant à lui est côté speakeasy, avec de la musique de style bossa nova, sur vinyle, un Cigar-Lounge avec des cigares très rares, des spiritueux d’exceptions et de beaux cognacs, chartreuses et tequila. Ce sera vraiment l'endroit des aficionados.

Sur le rooftop enfin, Jean Imbert a développé « High Society », où nous proposerons la plus belle carte de champagne de Dubaï. Je suis moi-même collectionneur en Champagne, le champagne incarne la fête, la vie, la célébration.

Côté restaurants, le chef aux 12 étoiles Martín Berasategui ouvrira « Jara by Martín Berasategui », un restaurant basque. « Riviera by Jean Imbert » fera la part belle à une cuisine méditerranéenne, et nous serons les seuls à avoir le petit déjeuner à la carte, comme on le fait au Plaza Athénée. Nous aurons enfin « Bonbon Café Angelo Musa », un concept de pâtisserie-boulangerie avec de la restauration à emporter.

Nous avons par ailleurs 39 résidences avec des services pour nos résidents, avec des dîners privés et vins, des cours de cocktail. Nous organiserons également des dîners sur leurs yachts, puisqu'on a la Marina juste en face, donc beaucoup d'expériences personnalisées.

Existe-t-il des différences entre la gestion de restaurants en France et à l’étranger ?

Je dirais que c'est surtout l'ouverture d'esprit. Il faut être flexible avec son management, j'ai plus de 30 nationalités dans mon équipe, alors qu’en France, ce serait moins le cas. À l'hôtel, nous aurons 60 nationalités. C'est un défi, mais je trouve cela très intéressant. Pour une personne qui n’a travaillé qu’à Paris, par exemple, ce peut être un choc au début.

Nous proposons un format de six jours de repos par mois, sur le principe d’une semaine avec un jour de repos, une semaine avec deux jours, et nous sommes flexibles en donnant l'opportunité à ceux qui souhaitent travailler plus, de travailler pour des événements, des banquets sur leurs jours de repos.

Vous avez 250 collaborateurs à gérer. Comment vous organisez-vous pour une bonne gestion, non seulement de l’expérience clients, mais également du personnel ?

Le plus important, ce sont les collaborateurs, car s’ils ne sont pas heureux, ils ne prendront pas soin des clients et les clients seront insatisfaits, et le management non plus. C’est un triptyque. Au Lana, nous sommes très attentifs à cela. J'accueille chaque nouvel employé à l'aéroport. Je les accompagne jusqu’à la résidence du personnel, et nous passons la première semaine à réaliser des entretiens individuels pour s’assurer que tout se passe bien, savoir s’ils ont besoin de quoi que ce soit, ce qui met vraiment les personnes en confiance. J’intègre, par exemple, de jeunes françaises qui sont craintives, car c'est la première fois qu'elles partent à l'étranger.

Je fais par ailleurs un suivi quotidien avec mes managers pour leur donner les directives. Puis, tous les mois, je fais des entretiens individuels durant lesquels nous parlons de tout. Ainsi, les collaborateurs donnent vraiment le meilleur d’eux-mêmes, car ils savent qu'ils ont un leader qui est là pour les aider.

Le plus important est de donner l’exemple en se remontant les manches. S'il y a un plateau room service à sortir, ou s’il faut débarrasser une table de petit déjeuner, je suis là, et l'équipe apprécie cela.

Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?

Ce que j'aime le plus dans ce métier, c'est la gestion des équipes. La compétition avec la concurrence me stimule aussi, qu’ils aient une meilleure carte des vins, un meilleur Afternoon-tea, etc.

Bien sûr, j’apprécie de rendre les clients heureux. Des clients qui viennent pour leur anniversaire de mariage, et qui passent bon moment, vous feront un bon feedback. Lorsqu’ils nous remercient en partant, nous félicitent pour la qualité de l’expérience, j'aime beaucoup et cela motive à faire toujours un peu mieux.
Par ailleurs, pas une journée ne se ressemble. Si une personne cherche à faire une carrière dans un milieu pas ennuyeux, c’est vraiment bien.

La découverte du monde de la gastronomie, des nouveaux vins, des nouveaux plats, cet échange avec les chefs, et cetera. Et enfin, voyager. J’en suis presque à 50 pays, j'adore voyager ; on change d'état d'esprit, on voit de nouvelles choses, que l’on peut ensuite appliquer dans nos restaurants, nos bars, etc.

Votre carrière est pleinement inscrite dans la restauration, envisagez-vous de prendre la direction d’un hôtel à l’avenir ?

Tout à fait. Dorchester va ouvrir des hôtels à l'avenir, et j'aimerais beaucoup me développer dans ce groupe que j’aime tant. J'aimerais, en effet, prendre un jour la direction d'un hôtel, et encore mieux, si c'est au Dorchester. Il y a vraiment un esprit d'entente, et d'écoute attentive. Il y a vraiment une philosophie du « Care ». Il y a vraiment cet esprit Dorchester Collection que je n’ai pas vu ailleurs. Je me donnerai à 150% pour atteindre cet objectif.

Quels conseils donneriez-vous aux professionnels de l’hôtellerie de luxe qui souhaitent travailler à Dubaï ? Et, aux jeunes qui débutent leur carrière ?

Il ne faut pas hésiter, cela apporte vraiment beaucoup. Il ne faut pas avoir peur de se lancer, et Dubaï n’est qu’à six heures de vol de Paris et offre une grande sécurité.
Je pense que les jeunes devraient le faire le plus tôt possible, mais si vous avez déjà une famille et n’êtes jamais encore parti, ce peut être une expérience très intéressante et incroyable aussi.
Cela apporte une vraie ouverture d'esprit, une langue, et si vous avez une famille, cela offre une bonne expérience à vos enfants, quelque chose qui va les marquer à vie dans le bon sens.

Quels sont les conseils que vous donneriez à un jeune qui veut faire carrière dans le secteur de l’hôtellerie de luxe ?

Je lui dirais, n’ayez pas peur des horaires, ici, nous proposons des contrats de 50 heures par semaine et au-delà pour les managers.

Sortez de votre zone de confort. Certes, en Europe, vous gagnerez un peu plus, mais l'impact sur votre CV d'une ouverture au Dorchester, au Lana, va changer votre vie. Il est essentiel de viser le long terme. Par conséquent, le conseil, c'est aussi de réfléchir à un plan de carrière.

Il est important de vous fixer un objectif. Mon objectif, c'est de venir directeur d'hôtel. Que dois-je faire ? Que dois-je apprendre ? Il y a aussi un objectif que je suis et que je conseille : si vous êtes très fort sur un sujet, c'est très bien, mais essayez de vous développer sur un sujet que vous ne maîtrisez pas trop. Pour ma part, je passe des heures à comprendre la profitabilité et à tâcher de vraiment penser comme un financier. Ma spécialité se situe dans le F&B et les vins, mais j’apprends tous les jours au niveau marketing, rooms division et des ventes, etc.

Et le plus important est de s’amuser et de profiter le plus possible de ces métiers extraordinaires que sont la gastronomie et l’hôtellerie de luxe.


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À propos de l'auteur

Journaliste experte de l’hôtellerie de luxe et inspirée par les femmes et les hommes qui l'incarnent, Vanessa aspire à valoriser et sublimer la beauté et l’élégance des palaces à travers ses écrits. “Dans un palace, la simplicité sert la quête de l’excellence” admire-t-elle.

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