INTERVIEW – GAËTAN BOUVIER, MEILLEUR OUVRIER DE FRANCE SOMMELIER 2022, EXPERT À L'INSTITUT LYFE ET DIRECTEUR DE SALLE ET CHEF SOMMELIER DU RESTAURANT SAISONS À LYON
Gaëtan Bouvier transmet sa passion à ses étudiants et ses clients, une passion qu’il nourrit par un travail de la terre au palais, qu’il évoque avec générosité |
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INTERVIEW – GAËTAN BOUVIER, MEILLEUR OUVRIER DE FRANCE SOMMELIER 2022, EXPERT À L'INSTITUT LYFE ET DIRECTEUR DE SALLE ET CHEF SOMMELIER DU RESTAURANT SAISONS À LYON
Gaëtan Bouvier transmet sa passion à ses étudiants et ses clients, une passion qu’il nourrit par un travail de la terre au palais, qu’il évoque avec générosité |
Catégorie : Europe - France - Carrières
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Interview de Vanessa Guerrier-Buisine le 13-12-2023
Source d’inspiration pour les jeunes générations, passeur de bonheur pour ses clients, Gaëtan Bouvier est un sommelier dont la bonhommie n’a d’égale que l’excellence qu’il vise au quotidien. Tour à tour Meilleur Sommelier de France en 2016 puis Master of Port 2019. C'est 2022 qui restera son meilleur millésime, puisqu’il enchaîne l’International Sommelier ASI Diploma Gold, Ultimate Saké Sommelier, avant de décrocher le Graal en participant à Un des Meilleurs Ouvriers de France Classe Sommelier.
Alors qu’il conjugue dépassement de soi et évolution perpétuelle, son métier, il le conçoit en mouvement, et c’est ainsi qu’il transmet sa passion et ses connaissances aux jeunes générations qu’il accueille dans le cadre de sa mission d’expert vin, boisson, restauration à l’Institut Lyfe et de directeur de salle et chef sommelier du restaurant Saisons à Lyon, 1* au Guide Michelin.
Dans un entretien avec le Journal des Palaces, Gaëtan Bouvier évoque les charmes de son métier et sa détermination à toute épreuve.Journal des Palaces : Vous multipliez les distinctions prestigieuses. Au-delà du défi personnel, ces titres vous confèrent-ils une légitimité supplémentaire vis-à-vis des étudiants de l’Institut Lyfe ? Est-ce important pour un formateur de continuer à se dépasser pour donner l’exemple aux jeunes générations ?L’engagement dans les concours m’a apporté une discipline. Quand on est passionné, la dispersion peut nuire à notre efficacité. Avant la concrétisation de certains concours, il m’a fallu parfois m’y reprendre à trois fois. Aujourd’hui, je continue mes démarches d’excellence en m’engageant dans l’équipe de France de Sommellerie pour aller conquérir le niveau Européen et Mondial. L’unique but est d’acquérir la connaissance et les compétences ultimes pour les retransmettre aux étudiants.
Cela permet également de partager avec eux certaines valeurs et vertus attendues par les employeurs. Le métier de sommelier, lorsqu’il est appliqué avec précision, permet de développer des compétences qui ouvrent vers des horizons inattendus et élévateurs.Encouragez-vous les étudiants à se lancer dans les concours ? Quels conseils leur donnez-vous dans ce cadre ?Je leur dis que c’est une voie possible. Je partage avec eux en toute sincérité les moments difficiles de remise en question, et les moments vertueux et de plaisir que cela m’a apporté. Je passe également le message que la concrétisation d’un concours engendre des devoirs et des engagements par la suite, et qu’il s’agit d’un nouveau départ, pas d’une arrivée.
J’essaie d’effacer leur peur de concourir. C’est souvent le frein principal que l’on rencontre. Un concours ne se perd jamais.
J’aime la phrase de Romain Rolland : « Quand on ose, on se trompe souvent, quand on n’ose pas, on se trompe tout le temps. »Comment définiriez-vous le rôle du sommelier aujourd’hui ?Les rôles du sommelier aujourd’hui sont : - Conceptualiser et animer une offre vins et boissons en cohérence avec l’établissement,
- Sourcer, sélectionner, goûter, constituer des accords mets et vins,
- Collaborer avec le chef de cuisine,
- Fidéliser la clientèle,
- Communiquer et incarner son métier dans son restaurant et à l’extérieur,
- Alimenter le réseau des partenaires des entreprises,
- Recruter et transmettre,
- Budgéter et contrôler les achats, ventes, marges, ratios des vins et boissons qui représentent un tiers du chiffre d’affaires et 50% de la marge en restauration.
Il s’agit bien d’un poste où beaucoup de concepts managériaux enseignés dans les grandes écoles sont véritablement appliqués. C’est toute la richesse de l’écosystème et la vision de l’Institut LYFE.Comment a évolué le métier ces dernières années ? Comment les modes de formation ont-ils eux aussi évolué ?Ces dernières années, beaucoup de jeunes femmes et de jeunes hommes se sont engagés dans ce métier. Beaucoup commencent par la cuisine (ce fut mon cas), d’autres par la salle, et ils découvrent cet univers passionnant et gratifiant vers 20 ans.
Je pense que la sommellerie est une des voies qui peut redonner une attractivité aux métiers de la salle à manger. C’est une passion contagieuse pour laquelle il ne faut aucun vaccin.
Les formations de sommellerie en France sont excellentes. Elles vont en profondeur sur la connaissance et la partie opérationnelle. La plupart des grands sommeliers sortent de ces formations. À l’étranger et dans les grandes écoles, on aborde plus la dimension managériale avec une vision généraliste et peu de technique. Celle que nous ouvrons en septembre prochain a pour l’ambition de combiner 50% de technique et 50% de management, avec un gros focus sur la dégustation, jusqu’à son approche scientifique. Une belle part sera également accordée à l’immersion.Qu’attendent aujourd’hui les recruteurs des sommeliers ?Toutes les missions que je vous ai énumérées précédemment. Aujourd’hui, la jeune génération peut profiter d’une prise de conscience bienveillante des recruteurs sur notre métier, qui sont prêts à gratifier et reconnaitre une personne sur qui repose une performance financière et une montée en qualité de l’expérience client. J’aurais aimé débuter mon métier dans ces conditions. Les métiers de l’œnotourisme sont très demandeurs des compétences des sommelières et sommeliers.Quel type de formateur êtes-vous ? Comment combinez-vous l’approche théorique et l’approche pratique ? Le fait d’être chef sommelier et directeur de salle du restaurant Saisons facilite-t-il cette approche pratique et le lien avec les professionnels du secteur ?Les objectifs à atteindre sont exigeants et clairement affichés aux étudiants. L’une des forces de notre équipe pédagogique est d’avoir les richesses humaines (et non les ressources), pour les aider à observer leur véritable niveau par rapport aux objectifs et à apprendre. Le fait de venir du monde opérationnel permet, je pense, de pouvoir organiser l’apprentissage par la mise en application des théories. La connaissance au service de la compétence est primordiale dans notre approche.
Les équipes académiques de l’Institut Lyfe sont très ouvertes et très respectueuses de nos métiers. C’est une chance et une grande force. J’ai aussi parfois l’impression que c’est unique au monde.Vous êtes vous-même propriétaire de vignes d’un cépage rare, le rapport à la terre est-il essentiel pour être un bon sommelier ?Il m’arrive encore aujourd’hui d’aller réaliser des travaux chez des amis vignerons. Parfois, une journée avec un tâcheron à tailler la vigne, ou prendre une baramine pour planter et sceller un vieux cépage franc de pied dans un sol de Morène glaciaire vous apprend plus sur le réchauffement climatique que n’importe quel livre ou PowerPoint sur le sujet. C’est une action durable qui ne consomme aucune énergie sinon la mienne. Ces expériences vécues alimentent les échanges quotidiens avec nos étudiants.Quels sont les conseils que vous donneriez à un jeune qui veut faire carrière dans le secteur de la haute gastronomie ?Je lui en donne cinq essentiels pour travailler dans l’une des plus belles filières : - Apprends ;
- Applique ;
- Observe ;
- Réfléchis ;
- Corrige.
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