INTERVIEW – KARINE SEBBAN-BENZAZON, PRÉSIDENTE DU GROUPE VATEL : « PRIVILÉGIER LES STAGES DANS LES PALACES »
La nouvelle présidente a pris le flambeau d’une aventure familiale entamée par son père, Alain Sebban, en 1981, et compte poursuivre la transmission à l'international d'une hospitalité à la française |
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INTERVIEW – KARINE SEBBAN-BENZAZON, PRÉSIDENTE DU GROUPE VATEL : « PRIVILÉGIER LES STAGES DANS LES PALACES »
La nouvelle présidente a pris le flambeau d’une aventure familiale entamée par son père, Alain Sebban, en 1981, et compte poursuivre la transmission à l'international d'une hospitalité à la française |
Catégorie : Monde - Carrières
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Interview de Vanessa Guerrier-Buisine le 06-12-2023
Développer et former les talents est ancré dans les ambitions de cette femme qui joue un rôle dans l’avenir de 9.000 étudiants à travers le monde. C’est avec une maîtrise de ressources humaines en poche que Karine Sebban-Benzazon a rejoint son père dès la fin de ses études, pour prendre la tête deux ans après de la première entreprise de la famille, dédiée au placement de personnel hôtelier. Peu après, Alain Sebban lui confie les rênes de l’école Vatel de Nîmes, qui deviendra rapidement une école pilote pour le groupe.
En 2007, elle prend le relais de sa mère à Lyon en étant nommée directrice générale de l’école Vatel Lyon, tout en gardant la direction de Nîmes. En 2018, elle relève un nouveau défi : la création et la direction de Vatel Nantes. En parallèle, elle monte en responsabilités aux côtés de son père pour déployer la stratégie en France et à l’international du groupe. Alors qu’elle s’imprègne des méthodes pédagogiques de sa mère, Karine Sebban-Benzazon est élevée à l’école de son père sur la partie stratégie et développement des écoles. C’est ainsi tout naturellement que son père lui confiera, en 2023, le groupe qu’il a fondé et géré durant plus de 30 ans.
La présidente du groupe Vatel revient pour le Journal des Palaces sur ce qui constitue l’ADN de ce groupe international d’enseignement du management de l’hôtellerie et du tourisme, et sur son avenir.Journal des Palaces : Vous venez d’être nommée présidente du groupe, prenant par là-même la relève de votre père. Quels sentiments vous évoquent la confiance que vous a accordé votre père et les nouvelles responsabilités que vous embrassez ?Karine Sebban-Benzazon : Un sentiment de fierté… Durant 24 ans, j’ai côtoyé au plus près les enseignants et les étudiants dans les écoles Vatel que je dirigeais. Mes parents ont en quelque sorte appliqué avec moi le concept d’enseignement Vatel : à leurs côtés, je travaillais la théorie et dans les 3 écoles, j’étais confrontée à l’expérimentation.
Les choses se sont faites au fil du temps. Cependant, mes parents avaient pris la décision il y a à peu près cinq ans que je prendrais la présidence du groupe au moment où mon père allait se retirer. Ce fut une prise de responsabilité tout ce qu’il y a de plus naturelle.À quels défis et objectifs devez-vous répondre désormais en tant que présidente du groupe ?Aujourd'hui, Vatel, ce sont 55 écoles, donc le premier défi est de maintenir la qualité dans l'ensemble des écoles pour toujours mieux former les étudiants qui seront les cadres de demain dans l'hôtellerie. Le principal défi est donc de maintenir une bonne formation pour les étudiants, de faire évoluer les formations selon les besoins.
Il y a ensuite la partie développement, qui s’opère au fil des rencontres, des besoins. Ces dernières années, nous nous sommes beaucoup développés sur l'Afrique, et cela répond à un besoin. Des partenaires nous sollicitent avec comme objectif de former les jeunes dans leurs pays pour qu'ils puissent ensuite, eux aussi, y développer le tourisme. Et pour cela, ils ont besoin de personnel qualifié.
Plutôt que d’inviter les jeunes internationaux à venir étudier en France, à des milliers de kilomètres de leur famille, nous avons fait le choix, il y a une vingtaine d’années, de former les jeunes de 18 ans à peine chez eux, dans leurs pays. Et c’est dans cet esprit que nous avons ouvert les premières écoles à l’international à Tunis, à Bangkok…
Nous avons poursuivi notre développement à l’international, non pas dans une logique de croissance financière, mais dans l’objectif de transmettre les valeurs de l’hospitalité à la française, reconnues internationalement comme parmi les meilleures.Quelles sont les forces de Vatel et Pourquoi les étudiants vous choisissent-ils ?Je crois que ce qui encourage en premier les jeunes à venir chez nous aujourd'hui, est certainement l'international. Cela passe par les stages à l'étranger en deuxième année, mais aussi du programme Marco Polo que nous avons en place, un programme d'échange entre les écoles Vatel qui peut se faire en deuxième ou en troisième année dans une des écoles du groupe.
Mais, ce n’est pas un programme de voyage, c'est un vrai programme d'études, puisque les 55 écoles du groupe font exactement les mêmes programmes de formation. Toutes les écoles Vatel dans le monde ont les mêmes syllabus en marketing, gestion, ressources humaines…, leurs étudiants portent le même uniforme et enseignent le français langue étrangère. Et je compte poursuivre dans ce sens.Votre arrivée à Cannes a reçu un bel écho. Pourriez-vous évoquer les grandes lignes de ce projet ?C’est un grand projet sur lequel nous travaillons. Nous sommes bien accompagnés par la mairie, la métropole, etc., cela va certainement faire partie de la réussite de ce projet.
Ce projet est parti d'un constat simple ; il manque aujourd'hui beaucoup de personnel technique dans l'hôtellerie. Depuis 40 ans, ce fut la base du travail de mes parents, lorsqu’ils ont décidé de créer les écoles Vatel, avec une proximité très importante de la profession, en formant les jeunes selon les besoins de la profession.
Jusque-là, nous formions des managers, mais aujourd'hui, il y a un vrai problème sur les techniciens, et c'est la raison pour laquelle nous avons pris la décision d'ouvrir un certain nombre d'écoles pour former des jeunes sur les métiers techniques de la restauration, de l'hôtellerie, de l'hébergement. Tous ces postes un peu techniques, donc plus orientés sur des jeunes de 15, 16 ans après le collège, mais aussi sur des adultes en reconversion professionnelle.C’est ainsi qu’est né le modèle de Campus Academy ?Nous souhaitions qu'il y ait un autre nom pour que notre offre soit lisible. La Business School forme les managers après bac, et l'Academy forme des jeunes ou moins jeunes sur les métiers techniques.
La Vatel Academy est donc une école, avec des salles de classe, mais surtout avec un restaurant d'application, des cuisines de démonstration, un laboratoire de pâtisserie, un hôtel et sa réception. Tous les pôles, pour pouvoir apprendre aux jeunes tous ces métiers techniques.
Notre volonté est de faire ces formations en apprentissage pour que les jeunes soient très rapidement dans le monde professionnel, qu’ils soient accompagnés par nous sur toute la partie pédagogique et apprentissage technique, mais puissent aussi aider les professionnels le plus rapidement possible et qu'ils soient formés dans le monde professionnel.
Cannes sera une Academy, Lille et Dijon sont bien avancés par ailleurs.Comment préparez-vous les futurs managers ?Nos étudiants ont une grosse part d'enseignement en RH. Mais, c’est lors de leurs périodes de pratique professionnelle, au sein de nos restaurants, en cuisine, dans les hôtels, et lors des stages, qu’ils découvrent le management.
Nous leur conseillons d’avoir les oreilles et les yeux bien ouverts lors de ces stages, car ils vont rencontrer des managers, voir des bonnes et des moins bonnes pratiques. Ils vont se former à ce qu'ils seront demain. Le stage de six mois à l'international est aussi extrêmement intéressant par rapport à ça, pour constater les différences entre un manager en Asie, aux États-Unis, ou en Europe du Nord.Pourriez-vous citer quelques solutions concrètes à la crise des vocations et du recrutement ?Sur les métiers du management, nous n’avons pas constaté de crise des vocations. En revanche, comme je le disais auparavant, nous la constatons sur les métiers techniques. À nous, professionnels de l’hôtellerie et du tourisme et formateurs, de donner l’envie d’exercer à nouveau ces métiers.
À nous de leur démontrer qu’ils sont riches de satisfaction, d’épanouissement. Certains établissements hôteliers l’ont déjà compris et mettent en place des solutions concrètes comme la suppression des coupures, la qualité de rémunération, l’apport de formation continue…Quelles sont, selon vous, les prochaines évolutions en termes de formation ?Notre concept d’enseignement alliant théorie et expérimentation est le même depuis plus de 40 ans. Mais, nous restons toujours très vigilants à maintenir l’intérêt de nos étudiants. Depuis une dizaine d'années, le revenue management est, par exemple, une nouvelle matière, la RSE, le community management également.
Sans aucun doute, pour les prochaines années, la révolution est dans le numérique avec l'intelligence artificielle. Ce sont plutôt de nouveaux outils qui libèreront l’enseignant et l’étudiant de tâches répétitives et peu intéressantes et qui leur permettront de se consacrer pleinement à la réflexion des métiers de l’hospitalité en devenir.
Ce sera sans aucun doute une période passionnante, mais il y a une importance tellement forte de l'humain dans ces métiers-là que l'humain restera au centre de tout.Quels sont les conseils que vous donneriez à un jeune qui veut faire carrière dans le secteur de l’hôtellerie de luxe ?Je lui dirais tout d’abord que l’hôtellerie de luxe est un univers extrêmement formateur. Tous les codes de l’hospitalité y sont poussés à l’extrême. Ainsi, bon nombre de nos Vatéliens qui ont créé leur propre entreprise sont passés par l’hôtellerie de luxe. Je pense, par exemple, à Isabelle Boutteville qui est passée par le Savoy-Christmas puis le Four Seasons Georges V avant de fonder sa société de conseil Excel Place, référence dans l’expérience client et la qualité.
Je pense aussi à Hervé de Gouvion Saint-Cyr, qui, avant de créer TalentriCity-Architecte d'Expériences, a été directeur commercial adjoint du Plaza Athénée et directeur général de Luxury Attitude.
Et si je devais donner un conseil à un jeune qui veut se lancer dans l’hôtellerie de luxe, je lui dirais de privilégier les stages dans les palaces, de s’exercer à différents postes pour connaître tous les rouages de ces institutions qui font la fierté de l’hôtellerie.
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