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L'OPTIMISME DE L'HÔTELLERIE ET DU TOURISME POUR 2023 (France)

Au sortir d’une année 2022 exceptionnelle et inattendue, le secteur du tourisme et de l’hôtellerie s’attend à ce que 2023 suive le même chemin, avec la perspective du retour des touristes asiatiques.

L'OPTIMISME DE L'HÔTELLERIE ET DU TOURISME POUR 2023 (France)

Au sortir d’une année 2022 exceptionnelle et inattendue, le secteur du tourisme et de l’hôtellerie s’attend à ce que 2023 suive le même chemin, avec la perspective du retour des touristes asiatiques.

Catégorie : Europe - France - Économie du secteur - Chiffres et études
Article rédigé par Christopher Buet le 21-02-2023


« 2022 aura été l’année des bonnes surprises, mieux que nous aurions imaginé », a commenté Olivier Petit au moment de faire le point sur l’excellente santé du secteur hôtelier dans le cadre de la conférence In Extenso Tourisme, Culture & Hôtellerie 2023 qui s’est tenu à Paris, début février. Quelques minutes plus tôt, le ton de la conférence avait été donné par Philippe Gauguier lors de son introduction où il saluait une salle comble (plus de 600 participants) traduisant « le rebond de l’hôtellerie » après des années délicates. Trois ans auparavant, l’auditorium bruissait des sonneries de téléphones et de messages annonçant le début de la pandémie, début d’une (longue) série de fermetures des établissements. L’heure était alors à l’inquiétude.

Mieux qu’avant la pandémie

Trois années ont passé et l’horizon s’est enfin dégagé. Porté par « une saison estivale exceptionnelle et inédite », le secteur de l’hôtellerie et du tourisme s’est relancé et affiche même une vigueur plus franche qu’en 2019, année étalon.
Ainsi, son chiffre d’affaires global a bondi de 9 %, soutenu par une nette hausse des prix moyens (+16 % en global). « On a redécouvert l’importance du prix moyen avec la nécessité de travailler plus en profondeur les offres », reconnaissait justement Timothée Hainguerlot, directeur général de Solanet Gestion Hôtelière, entreprise accompagnant les hôtels dans leur gestion depuis plus de 30 ans.
Le luxe est d’ailleurs le secteur à s’en être le mieux sorti avec un chiffre d’affaires qui s’est envolé de 13 % avec des prix moyens toujours plus élevé (+27 %).

Une augmentation des prix qui a permis de compenser un taux d’occupation en baisse (-6 % en global et -11 % dans le luxe) et l’absence toujours préjudiciable des touristes internationaux. L’Asie a, sans surprise, le plus souffert avec -77 % par rapport à 2019, contre -35 % en Amérique et -21 % pour le quatuor européen composé de la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne.
Les deux premiers cités s’en sortent d’ailleurs le mieux grâce à l’essor du télétravail et aux nombreux week-ends prolongés. « Nous n’aurions jamais imaginé que l’Europe réalise de tels résultats », s’étonne Aoife Roche. Rien qu’à Paris, les hôtels de luxe ont amélioré leur performance de 49 % sur le second semestre par rapport à 2019.
La directrice commerciale de STR, qui compile les statistiques de toute l’industrie, estime logiquement que l’Europe s’est la mieux remise de la pandémie, corroborant les observations macroéconomiques de la directrice de la recherche et de l’innovation chez Swiss Life Béatrice Guedj.

Les touristes asiatiques attendus avec impatience

Et cette tendance devrait se confirmer en raison de deux facteurs, à commencer par le retour du tourisme d’affaires. Le taux d’occupation, s’il est resté en dessous de celui d’il y a quatre ans, a atteint 77 % sur l’ensemble de la métropole (contre 76 en 2021), et 87 % à Paris (contre 85 % en 2021).
En parallèle, Aoife Roche table sur un autre retour, celui des touristes asiatiques et notamment chinois, maintenant que le gouvernement de Xi Jinping a levé sa politique zéro Covid.
Les premiers effets devraient se faire ressentir au cours du second semestre alors que STR prévoit aussi un afflux plus important de touristes venus d’Amérique, en particulier des États-Unis. De quoi donner de belles perspectives au secteur et notamment au domaine du luxe.

Le métavers contre l’inflation

Si cette matinée d’échanges avec les principaux acteurs de l’industrie a dessiné une trajectoire positive, elle a aussi été l’occasion de se projeter vers l’avenir et d’aborder les défis qui attendent le secteur. In Extenso en a identifié trois.

D’un point de vue structurel, l’accent a été mis sur le capital humain et « la nécessité de s’attaquer à l’image des métiers pour attirer les talents dont l’industrie a besoin », a expliqué Philippe Gauguier. Ce dernier voit la conjoncture comme un second point à prendre en compte, entre la guerre en Ukraine et l’inflation d’un côté et la création à venir de 140 hôtels, soit près de 8.000 chambres à absorber. « Il faut réapprendre à travailler avec l’inflation, comme on le faisait, il y a 15 ans », disait justement Jean-Luc Guermonprez, directeur du pôle hôtellerie chez Vinci Immobilier.

Enfin, les défis sont aussi dans l’innovation et le virage numérique à négocier avec l’émergence du métavers. Un virage à prendre dès maintenant pour rester à l’avant-garde. « La technologie est prête pour créer une vraie expérience », a soutenu Nat Ives, directeur de Nvidia France, assurant que le métavers allait se démocratiser dans les 10 ans à venir. Celui-ci représente un enjeu majeur, caril permettra de toucher une autre clientèle et d’étendre la surface des établissements avec un double, digital, où il sera possible de visiter avant de se rendre sur place pour les clients, et d’expérimenter des organisations, des flux pour les gérants, en plus de vendre des espaces publicitaires numériques et autres prestations. Des possibilités quasi infinies qui restent à définir et exploiter dans un environnement encore vierge.

« Le tourisme et l’hôtellerie ont de beaux jours devant eux », a conclu Philippe Gauguier. En particulier en 2023 où l’optimisme est plus que jamais de rigueur avec en France, des projections de croissance à +6,5 % à Paris, +4,5 % sur la Côte d’Azur et 4 % en province.

Olivier Petit : « Le développement durable prend beaucoup plus de place »

En marge de la conférence In Extenso Tourisme, Culture & Hôtellerie, Olivier Petit livre son regard sur l’année à venir et les évolutions d’une industrie en constante transformation.

Journal des Palaces : Comment accueillez-vous la fin des restrictions en Chine et le retour possible des touristes chinois et asiatiques ? En quoi cela va-t-il impacter les activités dans l’hôtellerie de luxe ?
Olivier Petit : Ça devrait être un marqueur assez fort de 2023. Sur la clientèle chinoise, enfermée pendant trois ans, on peut imaginer que l’envie de déplacement et de rattrapage sera significative. Les flux vont se réamorcer au premier semestre et un retour plus prononcé pour l’été sur l’hôtellerie européenne et notamment Paris.

Durant la conférence, vous avez exposé que le tourisme local et intra-européen serait un socle fort du développement de l’activité dans les années à venir. Pourquoi ?
A la fin des confinements, et faute de clients étrangers, il y avait une peur que les Français ne puissent consommer de « produit palace » et que le prix moyen s’effondre. Cela n’a pas été le cas. Pas plus avec la clientèle européenne. Aujourd’hui, il y a une solidité de ces marchés. Les volumes principaux sont de proximité. En France, 60 à 70 % des nuitées sont assurées par des Français. C’était une vérité avant Covid et ça le restera, d’autant que les voyages internationaux long courrier vont rester assez chers.

Quelles seront, selon vous, les grandes tendances pour 2023 ?
Il y a une tendance de fond autour de l’hôtellerie lifestyle. Le luxe avait déjà certains fondamentaux du lifestyle, mais nous voyons poindre une approche moins formelle de ce luxe, comme avec le succès des « barefoot resort ». Vous pouvez vous payer une suite à 6.000 € chez Hermann Resort ou Six Senses et vous vous baladez pour autant en short et pieds nus au restaurant. Cela apparaît aussi dans les cœurs urbains avec des Accor comme Delano ou SLS, ou Standard Hotels aux USA.
Cela attire une clientèle plus jeune que dans des établissements plus formels (Ritz, Carlton, Four Seasons, Peninsula…). Il y a une déclinaison des produits luxe pour épouser l’évolution de la société.

Comment voyez évoluer le tourisme vert ? Est-il compatible avec l’hôtellerie de luxe et ses standards ?
Le développement durable prend beaucoup plus de place aujourd’hui. Le décret tertiaire est une opportunité, car il oblige les propriétaires fonciers à faire des travaux qui réduisent l’empreinte carbone des actifs. Cela donne du sens à son entreprise qui devient plus attractive auprès des salariés.

Il y a 10 ans, nous ne savions pas bien chiffrer les retours sur investissement de ces travaux. Maintenant, nous savons le faire et la question n’est plus de savoir s’il faut rénover, mais comment financer. J’ai découvert que quand vous construisez un resort Six Senses, le contrat de gestion impose de dédier 1 % du chiffre d’affaires à la politique RSE à travers une aide à des associations locales.

Plus je monte en gamme, plus la clientèle est éduquée et sensible à cette dimension écologique. Pour des hôtels organisant des séminaires, des évènements, c’est primordial aussi. Aujourd’hui, des organisateurs de congrès ont des cahiers des charges avec un volet écologique et si le lieu n’y répond pas, ils choisissent une autre destination.

Dans quel état se trouve le tourisme d’affaires ? Les séminaires ont-ils repris et si oui, sous quelle forme ?
2022 a été soutenue par le loisir, mais il y avait une reprise du tourisme d’affaires avec des voyages individuels et le retour des séminaires. Je pense qu’on va revenir à une dynamique très favorable en 2023. Le flex office et le télétravail, c’est sympa pour les entreprises parce que ça permet de faire des économies, mais pas de créer une cohésion d’équipe, ni de faire passer des messages.

Le mode de consommation a changé aussi. Les nuits du vendredi et du dimanche qui étaient des sinécures, ne le sont plus parce que le temps de travail s’organise différemment et que la tendance au travail sur le lieu de villégiature s’est ancrée.

Ce qui pourrait contrarier cela, ce serait une inflation qui dure avec une baisse du pouvoir d’achat, qui réduirait la part de dépense sur les loisirs. Or le bleisure, sans « leisure »… 2023 ne devrait pas être trop affectée, mais si l’inflation demeure galopante, sans rattrapage des salaires, cela tendra le modèle pour 2024.

Que proposez-vous à la clientèle d’affaires pour l’inciter à revenir, ou continuer à venir, dans les hôtels ?
Les hôtels cherchent à adapter leur produit avec deux tendances qui se dégagent. La première s’articule autour de comment recréer une atmosphère conviviale dans son espace de réunion, plus propice à l’échange qu’à l’exposé magistral. La deuxième tendance, pour bien accueillir en bleisure, c’est d’arriver à concilier loisirs et travail dans un même espace.

En France, quelles villes estimez-vous avoir le potentiel pour accueillir des hôtels de luxe ?
Il y a deux vecteurs pour créer l’environnement luxe : une demande internationale et une offre de loisirs suffisante. Paris et Nice sont évidents. Bordeaux est devenu évident avec le vin, comme Marseille, Lyon ou Reims avec le champagne.
Strasbourg a le potentiel avec la proximité de l’Allemagne, le Parlement européen, un tissu économique avec beaucoup de laboratoires.
À Nantes ou Toulouse, c’est difficile de proposer des produits à plus de 200 € la nuit. Toulouse a Airbus, mais son offre de tourisme n’a jamais décollé... Nantes a un fort tropisme national et l’hôtellerie n’y progresse pas.

Paris compte de nombreux établissements de luxe. Pensez-vous que des ouvertures restent possibles dans la capitale française ou le marché est-il saturé ?
Il y a de la place pour de nouveaux entrants. En 1997, il y avait 4 palaces. Aujourd’hui, il y en a une douzaine - 11 en réalité - et leurs performances n’ont jamais chuté. Quand le Peninsula a ouvert en 2014 ou qu’on a repositionné le Royal Monceau, le marché ne s’est pas effondré. Le luxe est tiré par une stratégie d’offres. Si vous avez le bon produit, au bon endroit, avec le bon opérateur, la demande suivra. Le marché parisien est capable d’absorber 150 chambres par an.

La digitalisation et les data gagnent de plus en plus de terrain dans l’hôtellerie de luxe. Le développement du métavers semble inéluctable et d’autres technologies suivront. Comment voyez-vous l’évolution du secteur hôtelier dans les 10 années à venir ?
Il faut s’y intéresser, mais arrivera-t-on à prendre le tournant du métavers, c’est une question difficile. Passer par une réflexion métavers lors de la confection permet de tester les flux notamment, de faire découvrir son produit aux futurs collaborateurs. Cette dimension devrait vite rentrer dans les mœurs. Pour les clients, je suis plus dubitatif. Ça dépendra beaucoup de l’animation qu’on en fera, mais l’hôtellerie de luxe devra capitaliser dessus dans les années à venir.

À propos de l'auteur

Journaliste aux multiples atouts et voyageur curieux, Christopher a une grande appétence pour les établissements au raffinement soigné, où s’accordent gastronomie de caractère, service impeccable et élégance sincère. Une plume discrète et gourmande au service d’une certaine idée du luxe.

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