INTERVIEW - VALÉRIE BISCH, FONDATRICE, CLAIRFORMANCES : « L'HÔTELLERIE A BESOIN AUJOURD'HUI D'AVOIR DES GENS QUI OSENT EXPRIMER LEUR PERSONNALITÉ. » (France)
La fondatrice de la structure Clairformances accompagne les acteurs du secteur de l’hôtellerie-restauration à donner du sens à leur travail, et ainsi, peut-être, reprendre le fil d’une carrière en suspens
INTERVIEW - VALÉRIE BISCH, FONDATRICE, CLAIRFORMANCES : « L'HÔTELLERIE A BESOIN AUJOURD'HUI D'AVOIR DES GENS QUI OSENT EXPRIMER LEUR PERSONNALITÉ. » (France)
La fondatrice de la structure Clairformances accompagne les acteurs du secteur de l’hôtellerie-restauration à donner du sens à leur travail, et ainsi, peut-être, reprendre le fil d’une carrière en suspens
Diplômée de l’ÉcoleHôtelière de Lausanne,Valérie Bisch a évolué durant de longues années dans l’hôtellerie de luxe, notamment au sein des palaces Four Seasons George V et Hôtel de Crillon, A Rosewood Hotel.
Après avoir fondé en 2010 Tovalea Executive Search, un cabinet de recrutement spécialisé pour les cadres de l’hôtellerie, et désirant consacrer plus de temps à l’accompagnement, Valérie Bisch devient coach certifiée en 2020. L’année suivante, elle est diplômée du Master en Business Coaching, puis obtient la certification professionnelle RNCP de niveau II.
En tant que l’une des 349 coachs certifiés Professional Certified Coach (PCC) par l’ICF (International Coach Federation) en France, Valérie accompagne désormais les managers et cadres dans leur réflexion professionnelle ou leurs méthodes de management. Par le biais de l’agence d’accompagnement en développement professionnel qu’elle a créé, Clairformances, elle entoure également les professionnels du secteur de l’hôtellerie-restauration en quête de sens dans leur univers professionnel.
Pour le Journal des Palaces, Valérie Bisch explique comment elle assiste étudiants, jeunes recrues, personnels expérimentés et même dirigeants du secteur de l’hôtellerie-restauration dans leurs quêtes intérieures et professionnelles diverses.
Journal des Palaces : Vous étiez recruteur dans l’hôtellerie-restauration. Pourquoi être devenue coach ? Valérie Bisch : Je me suis fait coacher moi-même et je trouve qu'il y a aujourd'hui un besoin d'accompagnement pour éclaircir le parcours professionnel. J'ai vu beaucoup de cas de recrutements de managers qui n'avaient jamais voulu être managers ou de directeurs d'hôtel qui ne se sentent pas à leur place à ce poste. Ce sont des erreurs parfois dramatiques. Or, l'hôtellerie de luxe est un milieu très consensuel, dans lequel tout va toujours bien, où l'on ne dit pas les choses. Puis, un beau jour, ça explose et cela génère des crises ou des burn-out. J’ai ainsi souhaité mettre mes connaissances à ce sujet à contribution afin d’accompagner ces personnes dans leur réflexion. C’est ainsi que j’ai créé Clairformances.
Certains hôteliers proposent une vision de l’hôtellerie sous un autre prisme. Ces nouveaux codes de l'hôtellerie sont susceptibles de perturber le personnel ? Mama Shelter s’est dit : « on va révolutionner les codes de l'hôtellerie, on va accueillir les clients complètement différemment, mais sans tenir compte de ce qu'est un hôtelier opérationnel, comme on l'apprend à l'école, quelqu'un en costume cravate qui a appris les codes ». Personne ne s'est demandé comment amener ces personnes-là à travailler dans ces univers-là. Donc, ils arrivent de ces univers hôteliers, ont toujours travaillé avec des standards opérationnels qui sont les leurs et une éducation professionnelle spécifique. Et là, on leur demande de tout révolutionner sans aucune préparation. C'est là que j'interviens.
Avez-vous suivi une formation particulière ? Lorsque l’on accompagne les gens au coaching, on ne peut pas faire n'importe quoi. D'abord, il faut être sous supervision, il faut voir un psychologue. Il faut savoir garder le seuil de l'analyse transactionnelle notamment. Une technique longue et qui dure est à acquérir pour ne pas accompagner les gens n'importe comment.
Aujourd'hui, je reçois des managers qui sont en pleine crise de sens et qui essaient de comprendre l'univers dans lequel ils se trouvent. Ils s’interrogent : comment transformer l’hôtellerie de luxe ? Comment faire grandir leurs équipes ? Comment les amener à parler ? Oser dire les choses est un vrai sujet d’accompagnement.
Cette nouvelle vocation consiste à accueillir les gens dans un cocon qui est Clairformance. Ce mot « clair » exprime l’idée de laisser à l’entrée son costume d'hôtelier de luxe et son éducation professionnelle, et d’essayer d'être beaucoup plus en phase avec ce que l'on est. Je pense que l'hôtellerie a besoin aujourd'hui d'avoir des personnes qui osent exprimer leur personnalité.
Qui vous sollicite pour un coaching, les hôteliers ou les employés ? Les deux. C'est parfois aussi un manager qui a énormément de compétences et, qui, dans une phase de montée en poste, perd pied. Je constate une volonté d'aider les gens à passer des étapes. On ne licencie plus comme avant, on cherche à analyser la situation pour tenter de trouver une solution avec le personnel en place.
Un coaching, c'est une mise à disposition de moyens, il n'y a pas de résultat prévisible attendu. Et l’issue du coaching peut déboucher sur une prise de conscience du salarié et engendrer un départ.
Comment concrètement, mettez-vous en place ce coaching ? Il y a des outils qui sont propres au coaching. Le coaching systémique que je pratique est un coaching dans lequel, au départ, comme tout coaching, on établit une demande. La personne va venir avec une demande et un critère de succès. Ensuite, le coaching systémique comprend 10 séances. À chaque séance, la personne vient avec un nouvel élément, à partir duquel nous engageons une conversation. Nous effectuons ensuite des exercices en utilisant, par exemple, la métaphore. Lorsqu’un résultat se dégage, il convient de s’interroger sur la façon de l’exploiter ou non. Contrairement à la psychothérapie, à l’issue des 10 séances, le coaching s'arrête.
Si le blocage persiste, vous arrive-t-il de mettre prématurément un terme au coaching ? On peut s'arrêter à l’issue de la deuxième séance. La décision appartient au client. La personne qui bénéficie du coaching doit être demandeuse. Si elle se présente devant moi uniquement parce que sa direction lui a demandé de venir, le coaching est inutile. Lorsque la personne qui est coachée va au terme des 10 séances prévues, on constate une évolution. Quelque chose s'est transformé.
Au-delà de la conversation avec votre candidat, proposez-vous des exercices ? Tout à fait. La base, c'est d'abord le questionnement du coach. Après, j’ai un outil très simple, c'est le paperboard, on leur fait dessiner beaucoup de choses pour permettre le cheminement de leur pensée. Chaque candidat étant différent, il n’y a pas d’exercice type. En fonction de ce qu'il me confie, je rebondis pour avancer et le faire progresser dans ses attentes.
En réalité, à l'issue de votre coaching, il n'y a pas de bons ni de mauvais résultats ? Absolument. L’objectif est qu’en fin de coaching, le client reparte avec le sentiment d’avoir clarifié les sujets qui, jusqu’alors, lui apparaissaient flous.
Vous collaborez avec d'autres coachs ? Oui, j'ai des coachs partenaires qui interviennent avec moi. Notamment en équi-coach où je travaille avec un cheval, qui est un outil très utile. L’équi-coach s'assure du bien-être du cheval et de l'approche de l'équipe vis-à-vis de l’animal. Le cheval est un véritable partenaire de travail.
La notion de sens donné au travail a pris beaucoup d'importance, pourquoi ? Avec le Covid, l’activité a redémarré aussi violemment qu’elle s'était arrêtée. Donc, vous avez des gens qui, pendant le Covid, se sont retrouvés dans des configurations inédites, telles que le télétravail forcé. Ce contexte a plu à certains et déplu à d’autres. Pour certains, le retour à la normale n’a pas été anticipé et s’est effectué dans la douleur. C’est pourquoi, une partie d'entre eux n'est pas revenue dans le métier et a préféré ouvrir son auberge en région ou reprendre le petit hôtel familial.
Face à ce déficit de personnel, les hôtels ont redémarré en sous-effectif. Sans oser ou sans pouvoir se restaffer : les cuisiniers ne veulent plus faire les coupures, les postes de serveurs ou chefs de rang n'intéressent plus. Aujourd’hui, le sens que l’on donne à son travail est devenu une valeur majeure et le secteur est touché de plein fouet par cette notion.
Ce rejet peut s'expliquer par le fait qu'il y a trop de protocoles. Les écoles ont pris conscience qu'il faut former les jeunes différemment, avec des codes décomplexés. Donc oui, il y a une vraie crise de sens à tous les niveaux : tant auprès des jeunes diplômés, que des managers ou du personnel expérimenté. Un coaching peut permettre à ces différents corps de métier de réaliser que leur travail a du sens.
Jeune journaliste, Tiphaine apprécie tout particulièrement la décoration raffinée et élégante que l'on rencontre dans les palaces. Cette passionnée de voyage est également sensible aux expériences uniques que procure un séjour dans ces établissements où se mêlent luxe, histoire, gastronomie et service irréprochable.