DIMITRI RUIZ, PRÉSIDENT DE L'UNION NATIONALE DES CONCIERGES D'HÔTELS - LES CLEFS D'OR, REVIENT SUR LES FERMETURES D'HÔTELS ET LA VISION DU MÉTIER DE CONCIERGE (France)
Les Clefs d’Or ont publié récemment une tribune sur la crise dans le secteur de l’hôtellerie de luxe et sur la profession de concierge. Son président, Dimitri Ruiz, partage leurs inquiétudes et rappelle l'apport essentiel d'une loge de concierges dans le succès d'un hôtel de luxe. |
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DIMITRI RUIZ, PRÉSIDENT DE L'UNION NATIONALE DES CONCIERGES D'HÔTELS - LES CLEFS D'OR, REVIENT SUR LES FERMETURES D'HÔTELS ET LA VISION DU MÉTIER DE CONCIERGE (France)
Les Clefs d’Or ont publié récemment une tribune sur la crise dans le secteur de l’hôtellerie de luxe et sur la profession de concierge. Son président, Dimitri Ruiz, partage leurs inquiétudes et rappelle l'apport essentiel d'une loge de concierges dans le succès d'un hôtel de luxe. |
Catégorie : Europe - France - Économie du secteur
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Interview de Sylvie Leroy le 16-12-2020
Les hôtels, restaurants et bars sont frappés de plein fouet par la crise sanitaire sans précédent. Les licenciements, par PSE ou par vague inférieure à 10 salariés, sont apparus et tout le monde s’accorde pour dire que le secteur mettra des années à s’en remettre.
Dans ce contexte extrêmement dur, certains métiers se posent des questions sur les conditions dans lesquels les hôtels accueilleront à nouveau des clients en nombre.
Ainsi, Dimitri Ruiz, président de l’Union Nationale des Concierges d'Hôtels - Les Clefs d'Or, reçoit des informations de loges d’hôtel inquiétantes : certains établissements licencient du personnel dans certains services malgré les aides de l’État - même parmi les Clefs d’Or - ou alors annoncent le retour de leurs concierges - en chômage partiel - que lorsque que le taux d’occupation sera assez suffisant, au retour de la clientèle internationale. Loin d’être des cas isolésLoin de parler de quelques cas isolés, M. Ruiz se pose des questions sur ce signal inquiétant sur la qualité de l’accueil que la France compte réserver aux clients internationaux habitués des hôtels de luxe : « Tous les acteurs d’un hôtel ont un rôle à jouer, dans tous les services et à tous les étages. Un hôtel de luxe, c’est une addition de talents qui contribuent à avoir une entreprise saine. Une réouverture ne pourra pas se faire dans de bonnes conditions si la direction se prive de savoir-faire. » Un savoir-faire précieuxCar c’est bien du savoir-faire des concierges dont il est question. Une expertise pourtant reconnue, un élément majeur de l’hôtellerie de luxe : « Les financiers ou les propriétaires qui n’ont pas de recul sur nos métiers et notre secteur, pensent que tel service ne rapportera pas à la reprise. Et pourtant, nous sommes à la fois là pour proposer de la bonne façon les services de l’hôtel et également faire rayonner la ville où nous sommes, et cela avant même l’arrivée du client dans l’établissement car nous participons à l’organisation du voyage. Par exemple, en temps normal, une loge peut traiter 150 à 200 courriels par jour, avant même que les clients n’aient pris leur décision et n’aient réservé. Nous sommes une vraie plus-value pour le client. Si l’hôtel ne répondait pas – avec les connaissances que cela demande aussi -, ce serait une perte financière sèche. Nous sommes au cœur de la relation humaine et du service. »
Le président des Clefs d’Or rappelle : « Il est important de ne pas regarder que le chiffre d’affaires et ne pas oublier que les concierges, ce sont des salaires en général bas, on parle de 1.600 à 2.000 euros net et un métier où nous ne comptons pas nos heures : ni dans nos journées de travail, ni dans les visites, les tests, que nous réalisons dans notre temps libre (et avec notre propre argent, sans soutien financier). L’association des Clefs d’Or France (à but non lucratif) organise beaucoup de rencontres avec ses membres et ses partenaires ainsi que des eductours pour faire grandir les connaissances et le carnet d’adresse des Clefs d’Or. Nous exerçons un métier de passion et d’investissement. Bien souvent, les services des hôtels sont vus sous un aspect purement financier mais les retombées de notre travail ne sont pas mesurables en retour sur investissement. Nos conseils conduisent à des achats qui ne sont pas forcément immédiats. Nous pouvons avoir conseillé un service de l’hôtel à un client et que celui-ci le réserve ensuite directement sans, bien sûr, mentionner que c’est la conciergerie qui l’a conseillé. Nous sommes dans un métier de discrétion aussi et nous ne rapportons que rarement nos exploits.»
Le président des Clefs d’Or regrette que l’esprit de terrain soit moins présent de nos jours : « Les propriétaires et les investisseurs ne sont pas toujours des hôteliers. Heureusement, beaucoup de directeurs généraux ont la vision « hôtelière » nécessaire pour diriger les établissements en tenant compte des particularités du secteur. »
A la reprise, les hôtels auront besoin d’argent. La marge sera faible. Il faudra mettre toutes ses chances de son côté pour optimiser le séjour du client dans l’établissement. Un atout marketing sera de mettre en avant la loge de concierges : « Ce sera un message fort qui rassurera le client et le confortera dans son choix de séjourner dans tel ou tel hôtel, souligne M. Ruiz, Cela va avec la mise en avant des protocoles sanitaires, de montrer que les équipes sont toutes là au rendez-vous. » Une attente des clientsQui peut imaginer un hôtel de luxe sans conciergerie ? Vous répondrez, à raison, les hôtels lifestyle, ceux qui veulent « casser les codes ». Certes. Mais pour la majorité des hôtels, les clients s’attendent à leur retour d’avoir le même service d’exception qu’avant la COVID. Et peut-être même encore plus d’attention car si quelque chose manque bien en ce moment, c’est l’attention, c’est être écouté et compris, avoir un service qui nous fasse du bien.
Pour les hôtels qui avaient jusqu’alors une loge de cinq concierges et qui ont pris la décision de la fermer, il s’agit d’un vrai changement de positionnement sur le marché. « Heureusement ces établissements sont minoritaires... ». Les clients qui apprécient la conciergerie ne reviendront pas, ils choisiront un autre bel établissement du quartier qui a conservé le service unique des concierges.
Il n’y a rien de pire en hôtellerie de luxe que décevoir un client. C’est le pousser vers un hôtel, ou pire encore, vers une autre destination, un très mauvais choix dans la période à venir de la reprise.
Penser que la polyvalence permettra, par exemple, à un réceptionniste de remplir la mission du concierge, c’est méconnaître les ficelles à maîtriser, les connaissances et les compétences que requière le métier de concierge. Non pas qu’un réceptionniste ne peut pas les avoir ou les acquérir mais cela se fera au détriment de son propre métier de réceptionniste, qui lui aussi est spécifique et nécessite de l’expérience pour l’exercer avec talent. Ne serait-ce que savoir ne pas dire non, répondre avec les bonnes phrases, trouver la bonne solution, apporter la touche unique qui rendra l’expérience mémorable. Cette expertise s’acquière avec le temps et en exerçant le métier de concierge pleinement, pas en parallèle d’une autre activité. Garder la motivationPour le président des Clefs d’Or, il est important aussi de garder la motivation de tous : « Pour une loge en chômage partiel, il est important de rassurer l’équipe. Ainsi, par exemple, l’assistant chef du Crillon a filmé, à la sortie du premier confinement, ses visites et a transmis à son équipe cette expérience. Sinon, le risque est de voir partir des talents de l’hôtel. Je crains vraiment de voir partir des talents vers l’international ou qu’ils quittent le métier. Nous investissons tellement de temps et d’énergie pour former les jeunes que ce serait un gâchis de les perdre. La France perdrait en excellence. »
L’appel de l’UNCH Les Clefs d’Or a été salué par de nombreux acteurs du secteur : « Nous avons fort heureusement ressenti, suite à notre signal d’alerte, un vrai soutien de directeurs généraux et d’autres associations professionnelles. Cela nous rassure. »
Pour le moment, les fermetures de loge concernent principalement des hôtels à la marge de l’hôtellerie de luxe : des établissements passant de 5 à 4 étoiles ou bien des établissements dont la situation financière était déjà délicate avant la crise.
M. Ruiz conclut : « Malgré tout ce qu’il se passe, il reste la passion du métier et notre envie de faire comprendre le métier de concierge et son importance. Parler du métier est essentiel à mes yeux pour aller au-delà de ce que l’on pense connaître, montrer notre engagement pour notre hôtel et pour la destination, bien au-delà d’un simple travail à accomplir, c’est une vraie mission réalisée avec talent, avec tact, avec savoir-faire et avec passion ! »
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