Catégorie : Europe - Interviews et portraits
- Interviews
Interview de Sarah Sergent le 22-06-2020
Pouvez-vous nous présenter vos parcours respectifs ?M. L : J’ai travaillé ces vingt dernières années, en tant que DRH, dans les secteurs de l’hôtellerie et de la mode. J’ai exercé durant huit ans chez Accor, en tant que DRH Monde pour la marque Sofitel, puis Directrice du Talent Management et de la Mobilité Internationale pour les 150 000 collaborateurs du groupe, les 17 marques implantées dans 90 pays. J’ai également officié chez Yves Saint Laurent, en qualité de DRH Europe et Moyen-Orient. Puis en 2019, j’ai monté mon propre cabinet Anahata Consulting, dédié aux secteurs du luxe et connexes.
G. B : J’ai commencé ma carrière chez Nestlé, avant de rejoindre la direction marketing internationale de Sofitel, pour repositionner la marque. Dans le même temps, j’ai créé le concept de boutique hôtels SO et supervisé les collaborations avec des designers comme Christian Lacroix pour le SO/Bangkok et Kenzo Takada pour le So/Mauritius. En 2014, j’ai fondé Flamboyant pour accompagner les hôteliers, les compagnies aériennes ou les acteurs du luxe en termes de stratégie marketing, d’expérience clients et de nouveaux concepts, avec cette conviction : c’est bien le supplément d’âme qui fait la différence. Depuis plus de dix ans, j’interviens également au Celsa - Sorbonne, sur le marketing hôtelier et des services, un travail pédagogique particulièrement enrichissant que je mets au service de mes clients.
M. L & G. B : Actuellement, nous accompagnons des entreprises en France et à l’international, autant dans leur stratégie RH que marketing avec une approche à la fois stratégique et opérationnelle. Nous les aidons par exemple à gérer des projets, à monter en gamme, à élaborer leur communication ou encore à traverser une crise, grâce à notre double expertise expérience clients et collaborateurs. Comment vous êtes-vous rencontrés ?En 2007, dans le cadre du repositionnement de Sofitel. Nous sommes intervenus à un moment de transition de la marque, pour transformer le service en une expérience cousue main, et opérer une montée en gamme… Une aventure humaine passionnante ! Pouvez-vous développer certaines de vos expériences ?M. L : Pour accélérer le repositionnement de Sofitel et dans le cadre du parcours collaborateurs, nous avions imaginé un rendez-vous annuel qui était à la fois un échange entre l’ensemble des collaborateurs, managers, comités de direction et experts, et une passerelle professionnelle et culturelle.
Nous avons fait vivre le parcours clients à nos 25 000 collaborateurs, de la réception aux services d’étages, en passant par la restauration, le spa et l’événementiel, pour que chacun d’eux le comprenne, l’intègre et devienne un ambassadeur de la marque. L’identification et l’homogénéisation nécessaire de tous ces « points de contacts » allait leur permettre de raconter une histoire globale et cohérente.
Leur offrir une visibilité de ce que la marque faisait ailleurs, alors qu’elle avançait dans son repositionnement, leur expliquer ce qui avait évolué, dans le respect de la thématique « l’art de vivre à la française », a été pour eux, particulièrement inspirant.
Ils ont pu également à travers cet exercice, partager plus largement leurs cultures respectives et pour certains, envisager ainsi une carrière dans d’autres départements, d’autres pays. Durant cette journée, nous avons fait dialoguer les différents métiers. Faire qu’un plongeur échange avec un directeur, un réceptionniste avec une assistante de direction, un opérationnel avec une personne du siège, était en effet une manière de leur faire prendre conscience de la dimension du groupe et de toutes les opportunités qui s’offraient à eux. Tout le monde était aligné, pouvait monter en compétences.
Toujours est-il que les enquêtes de satisfaction collaborateurs et clients augmentaient de façon significative et en miroir, chaque année !
Après cette expérience, j’ai travaillé dans la mode et le retail, en adaptant l’ensemble de la méthode aux enjeux de chacun de mes clients, avec un programme qui consistait à embarquer les collaborateurs dans une entreprise exaltante et engageante.
G. B : Lorsque j’ai accompagné Air France ces dernières années, nous avons voulu retrouver les fondamentaux de l’expérience clients, de tout ce qui faisait la force et la « touche » Air France : le sens du service, la gastronomie, le champagne, l’attention au client. En somme, nous avons travaillé à redonner du sens au voyage, raconter une histoire en nous appuyant sur le savoir-faire des équipes. Cette démarche a impliqué une refonte globale des concepts Food & Beverage des lounges, mais aussi des vols, de la cabine Economy à la Business. Elle nous a poussé à réinventer les rituels, les signatures et l’offre. Le tout, en insufflant l’exigence du détail.
Je prendrai pour exemple le moment où nos collaborateurs souhaitent la bienvenue aux passagers. Ce moment est tout sauf anecdotique ! Il marque le début de l’histoire dans laquelle nous voulons l’embarquer avec nous.
Aujourd’hui, au vu de la période complexe que nous traversons, ces attentions et ces détails vont prendre une importance accrue. Ce sont eux en particulier, qui seront capables de gommer ce qu’on nomme en marketing les « irritants », comme les fameux gestes barrière. Réinventer l’accueil et les services est aujourd’hui le principal challenge de bon nombre d’entreprises. Et le chantier est de taille, car il faut garantir aux clients une expérience où prime le plaisir, tout en répondant à la sécurité sanitaire. Qu’avez-vous retenu de votre tandem RH / Marketing ?M. L : Que le succès d’une entreprise, naît dans le dialogue entre le RH et le marketing expérientiel et qu’une stratégie pertinente se mesure grâce à une implémentation durable. « Une vision sans implémentation, c’est juste une hallucination » disait Thomas Edison ! Avoir une vision globale est indispensable, car c’est elle qui nous permet d’accrocher tous les wagons. Mais sans implémentation, elle ne servira pas le projet comme elle le devrait. Quelle est votre force ?G. B : Nous avons également évolué dans d’autres secteurs que l’hospitalité, comme la haute couture et l’agroalimentaire, une expertise qui nous a permis de pouvoir appliquer ses codes à ces autres secteurs. C’est un atout considérable ! Comment sortir du Covid ?G.B & M.L : Cette crise sanitaire et économique exige une parfaite cohésion des équipes dans une logique de reprise. Pour ce faire, il faut les rassurer, engendrer une émulation telle qui puisse faire évoluer et enrichir le cadre existant, les codes, les gestes, les rituels. Il faudra les embarquer dans une nouvelle histoire via des outils d’apprentissage, des supports d’implémentation, d’un suivi personnalisé. Ils pourront ensuite à leur tour embarquer le client dans une sphère de plaisir et lui créer d’excellents souvenirs en dépit du contexte. La valeur confiance est primordiale.
C’est un challenge doublé d’une problématique d’urgence, mais qui doit malgré tout être cohérente avec une stratégie à long terme. Raison de plus pour que le RH et le marketing réfléchissent et construisent ensemble une vision commune qui prend en compte tous les aspects d’une même problématique, à la fois marketing et humaine. Cette collaboration permet de gagner en temps, en pertinence, en efficacité et en pérennité. Comment allez-vous aider concrètement les acteurs du tourisme ?G.B & M.L : En leur proposant une offre, un programme personnalisé, basé sur plusieurs étapes, qui établit des lignes directrices allant du cœur de l’opérationnel jusqu’au consommateur, porteuses de sens et de perspectives. Cette offre est un véritable accélérateur de changement. Elle permettra aux structures qui nous solliciteront, de se différencier dans ce contexte de mutation profonde, en repensant par exemple les points de contacts, en accompagnant la digitalisation du parcours d’achat, en engageant les clients et les collaborateurs. Cette expérience doit être parfaitement homogène et fluide. La cohérence créera de la confiance, la confiance du lâcher prise et le lâcher prise, la disposition au plaisir. Pour terminer, pourriez-vous nous citer un exemple qui pour vous a fait sens, depuis ce déconfinement ?G. B : Le Ritz. J’avais d’ailleurs développé différents projets avec son directeur général lorsqu’il était en poste au Crillon. J’ai trouvé l’idée du comptoir à pâtisseries, vraiment pertinente ! Marc Raffray a su souder à nouveau ses équipes autour d’une réalisation valorisante, autour de la valeur plaisir. Il a su ainsi, recréer du lien avec ses clients. Qui plus est, cette initiative s’est inscrite juste avant la diffusion de la série « The Chef in a Truck », depuis le 10 juin sur Netflix, dans laquelle le chef François Perret met en scène ses créations. J’ajoute aussi que pour avoir été y emporter quelques gâteaux, l’exécution du produit, du conditionnement et du service est parfaite. Enfin, pour l’anecdote, j’avais garé mon scooter à la hâte, devant l’hôtel. En un clin d’œil, l’équipe l’avait déplacé pour sécuriser mon véhicule. Ce geste a fait également la différence. Voilà l’image d’un service 100% palace, réinventé et modernisé ! Propos recueillis par Sarah Sergent Coordonnées : Magali Laurent : Tél. 06 73 39 83 65 - magali@anahataconsulting.fr - www.anahataconsulting.fr Guillaume Bréton : Tél. 06 88 68 13 05 - guillaume.breton@flamboyant.paris
|