Le Grand Hôtel fait peau neuve (France)
Le Journal des Palaces a visité en avant-première les trois nouvelles suites « signature » du 5 étoiles et a interviewé Christophe Laure, le directeur général… |
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Le Grand Hôtel fait peau neuve (France)
Le Journal des Palaces a visité en avant-première les trois nouvelles suites « signature » du 5 étoiles et a interviewé Christophe Laure, le directeur général… |
Catégorie : Europe - France - Économie du secteur
- Interviews et portraits
vRénovation ou nouveauté dans un établissement - Interviews
Interview de Sarah Sergent le 19-12-2019
En janvier 2018, l’Intercontinental Paris Le Grand entamait de grands travaux de rénovation, organisés en deux temps. La première phase, qui concernait les salons, les chambres et suites du côté de la rue Scribe, est aujourd’hui achevée. La seconde, entreprise en juillet dernier, est toujours en cours. En 2002, vous êtes arrivé une première fois aux commandes du vaisseau amiral de la chaîne et avez déjà conduit une vaste campagne de rénovation ?Absolument. Nous avions mené des travaux de fond sur la partie mechanical & engineering, autrement dit la plomberie et l’électricité. Nous avions également refait la décoration des salons et du Café de la Paix. Puis nous avions rouvert en avril 2003. Nous avions investi à l’époque 137 millions d’euros.
Un an plus tard, je partais assurer successivement la direction générale des hôtels Intercontinental de Malte et de Madrid, puis suis revenu au Grand Hôtel en 2010. Comme l’hôtellerie de luxe rénove ses établissements tous les 15 à 20 ans, ces derniers travaux sont arrivés naturellement à point. Quels sont les enjeux de la rénovation actuelle en plus de ce rafraîchissement à date ? L’objectif est bien entendu de répondre aux besoins et exigences des clientèles française et internationale, y compris de les anticiper.
Lorsqu’on sait aussi que l’offre parisienne des palaces a augmenté de 60% entre 2006 et 2016, il faut savoir non seulement investir pour rester dans le marché mais aussi mener une politique offensive en la matière pour prendre de nouveaux marchés. La création de ces nouvelles suites s’inscrit précisément dans cette perspective. Pouvez-vous décrire à nos lecteurs ces trois nouvelles suites ? Avec plaisir ! Nous avons confié leur conception à l’architecte d’intérieur Pierre-Yves Rochon qui nous accompagne depuis trente ans.
La suite Charles Garnier de130 m2 possède une vue époustouflante sur les toits de l’Opéra. Son agencement sous-pente lui confère un caractère confidentiel. Ses camaïeux de blanc évoquent le Lac des Cygnes. On est sur un style à la fois moderne et cocon.
La suite La Parisienne a été pensée à l’instar d’un appartement typiquement parisien. Elle couvre 100 m2 et donne sur la tour Eiffel. Vous avez pu noter la poutre porteuse de type « Eiffel » découverte durant les travaux, qui traverse la pièce principale. Le papier peint signé Manuel Canovas est un clin d’œil à la mode ainsi qu’aux monuments de la capitale. L’ivoire et le rose poudré qui dominent, créent un univers féminin.
Pearl est un hommage aux joaillers de la place Vendôme à proximité. Cette suite Art déco de 150 m2 est idéale pour les familles. La laque, la soie, le noir, le blanc et le taupe font écho à une préciosité toute orientale qui se marie merveilleusement bien avec les corniches et moulures du Second Empire. Les œuvres d’art apportent enfin une esthétique contemporaine. Quelles autres créations viendront compléter votre nouvelle offre ? Un Diplomatic corner prévu pour fin 2020. Cet espace comprendra la suite présidentielle, une panic room plus dix-huit chambres adjacentes équipées de vitres blindées, d’un système électrique, d’un système de sécurité et de services de communication totalement indépendants.
Cette offre qui s’adresse principalement à des chefs d’États est assez unique en France et rare en Europe. Grâce à ce dispositif, nous irons chercher un segment de marché très spécifique. C’est pour nous une véritable démarcation dans l’hôtellerie de luxe.
La sécurité est un sujet primordial pour ne pas dire le plus important. En dépit de toutes nos services et prévenances, un client qui séjourne à l’hôtel, quel que soit l’hôtel, n’est pas dans son environnement habituel. Une femme seule aura toujours plus d’appréhension. Si le service d’étage frappe par erreur à votre porte en pleine nuit, le dérangement sera forcément anxiogène. Auquel cas nous devons tout faire pour que nos clients se sentent en sécurité. Quel est l’impact des travaux sur vos effectifs ? Nous avons conservé l’intégralité du personnel, soit 500 employés. Nous avons uniquement réduit le nombre d’intérimaires. Nous avons la chance de continuer à remplir l’hôtel en dépit des travaux, en sachant que nous tournons actuellement sur cent quatre-vingt chambres et suites.
Tout le monde est informé de l’avancée des travaux. Diane-Laure Dudoué, notre directrice de communication, a pour cela créé une gazette interne. Comment fidélisez-vous votre personnel ? Nous avons très peu de turn over. Cela s’explique d’abord historiquement. Nous sommes un peu comme une « école » hôtelière, une formation pratique pour ceux qui veulent apprendre le métier sur le terrain.
Il y a quelques hôtels comme ça. Je pense au Negresco à Nice, au Portman à Londres, à l’Intercontinental à Genève, pour ne parler que de ma génération. Une expérience dans ces établissements est un tremplin, un passeport pour la suite. Et parmi ceux qui ont pu commencer dans l’un de ces hôtels « pilote », beaucoup sont restés. En tout cas, beaucoup ont attrapé le virus du Grand Hôtel !
S’agissant de la fidélisation, nous misons beaucoup sur la formation. Nous avons des programmes de développement de vingt-quatre mois pour nos futurs leaders, qu’ils choisissent l’opérationnel ou se dirigent sur des postes de financier, de marketeur ou encore de RH.
Nous allons donc chercher des jeunes dans les écoles hôtelières partout dans le monde, et à l’issue de leur formation, nous avons deux, trois ou quatre leaders par promotion. Nous avons eu jusqu’à soixante apprentis jusqu’en 2017. Une véritable pépinière !
En tant que locomotive, nous nous sentons une responsabilité non seulement professionnelle mais aussi académique. Nous facilitons également les évolutions de carrière. Tout est possible. Par exemple, une assistante de direction est passée gouvernante générale puis directrice d’hébergement.
Enfin, point important, nos employés ont une vie au sein de l’hôtel. Tout est prétexte pour se retrouver et se réjouir ensemble aussi bien des bons résultats obtenus suite à la venue d’un client mystère, de l’avancée des travaux que des goûters de Noël. Vous êtes président de la branche Prestige de l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie). Quelle est votre actualité ? L’annonce, le 18 novembre dernier, du partenariat entre le COI (Comité International Olympique) et Airbnb jusqu’en 2028, a porté un gros coup au travail effectué avec le COJO (Comité d’Organisation des Jeux Olympiques) dans le cadre des J.O de Paris 2024.
Et puisque nous parlions de formation, l’UMIH fait beaucoup de choses pour les jeunes, l’apprentissage, l’emploi.
Nous conseillons aussi les hôteliers et restaurateurs sur des questions corporate et leur apportons un soutien légal.
Nous abordons régulièrement les problèmes de TVA et de certaines taxes par rapport à l’insertion que nous souhaiterions alléger plus de nombreux points RH.
Nos membres s’entraident mutuellement - nous sommes 30 -, et partagent des informations pour aller dans le bon sens. Je suis fier d’en faire partie. Comment s’organisent vos journées ? J’arrive généralement vers 7h et quitte l’hôtel entre 21h et 22h… Comme disait Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ».
Moi, j’aborde chaque jour en me disant que je pourrais être renvoyé ! Après tout, rien ne nous appartient jamais et se reposer sur ces acquis est une grave erreur. Arrivé à un certain âge, avec l’expérience, on pourrait certes gérer un hôtel les yeux fermés. Mais ça ne marche pas comme ça.
Durant ces dix dernières années, ici, j’ai eu quatre vies ! Nous avons été propriétaires, nous avons vendu deux ans après, nous avons commencé des travaux puis engagé de nouveaux travaux. Rendez-vous donc en 2023 ! Je vous dirai quelle sera ma cinquième vie ou mon autre vie, qui sait ! Pourriez-vous envisager cette autre vie ailleurs qu’au sein du groupe ? Ayant débuté ma carrière au Carton, j’ai été « mal » habitué ! J’ai un attachement particulier à la marque et je suis un fidèle. Quels sont les avantages et contraintes à travailler sur le long terme dans un même groupe ? Il y a beaucoup d’avantages, en l’occurrence ce réseau de clients et collègues qui forment une grande famille. Mais le quotidien reste fait de challenges.
Quand vous bougez tous les 2 ans comme je l’ai fait, vous travaillez à chaque fois sans filet. Les pays bougent, les propriétaires changent, on doit d’adapter en permanence.
Le seul inconvénient peut être le manque de curiosité. Quant on part à l’étranger, on loge dans nos hôtels alors qu’on devrait justement aller dormir chez la concurrence pour savoir ce qui se fait ailleurs.
Il y a des marques inspirantes. Pour le moins, nul doute que les nouvelles marques Kimpton, Regent et Six Senses acquises récemment par le groupe, vont apporter beaucoup à notre réflexion. Vous semblez attacher beaucoup d’importance à l’humain ? En effet. Ce sont les autres qui aident à vous construire, à faire évoluer votre personnalité et vos capacités. Il y a tant de personnes que j’aimerais remercier pour cela.
Si je ne devais en citer que deux, je parlerais de Taleb Rifai, secrétaire général de l’organisation mondiale du tourisme, et Dario dell’Antonio, ancien patron de la SBM (Société des Bains de Mer de Monaco) lorsque nous nous sommes connus, qui m’avait convaincu de m’inscrire à l’École Hôtelière de Lausanne malgré une liste d’attente de plusieurs années. Comme un clin d’œil du destin, cet homme extraordinaire fut directeur général du Grand Hôtel de 1975 à 1980 !
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