The Hyatt Student Prize 2018 : Repérer les managers de demain, une des clés pour résoudre la problématique principale du recrutement en hôtellerie (France)
Interview de Michel Jauslin Vice-Président Régional Opérations Hyatt Hotels & Resorts
The Hyatt Student Prize 2018 : Repérer les managers de demain, une des clés pour résoudre la problématique principale du recrutement en hôtellerie (France)
Interview de Michel Jauslin Vice-Président Régional Opérations Hyatt Hotels & Resorts
Trouver les talents de demain est sans aucun doute le challenge le plus crucial pour les hôteliers et l’idée fondatrice de The Hyatt Student Prize est justement de repérer les managers de demain, partout dans le monde.
La finale de la dixième édition s’est déroulée sur deux jours au Hyatt Regency Paris Étoile.
Au cours des différentes épreuves imaginées en collaboration avec l’agence Babel Live, le jury* a jugé les finalistes sur leur personnalité - intrinsèque aux qualités de manager - et observé leur comportement en cas de situations sensibles.
Au terme de ces deux jours, le jury a remis le trophée Baccarat à Camille Dubois et son école Groupe Sup de Co La Rochelle. Le prix Air France revient à Marta Casas, Centro Superior de Hosteleria de Galicia, le prix Google revient à Hadrien Bedarida, Hotelschool The Hague et le Prix Evian revient à Varisha Shankar, Institut of Hotel Management Aurangabad (IHM-A). Il faut aussi souligner le rôle joué par son professeur, Luc Beal, directeur MBA & MSc de l’école, car c’est un duo qui collabore durant les mois de préparation et d’entraînement.
Camille Dubois a tout du profil qui fait rêver les recruteurs et les dirigeants des hôtels de luxe (ne la perdez donc pas de vue) : vive, douée, brillante, la tête sur les épaules, la future manager se réjouit de la chance unique que présente sa récompense : « Je suis fière d’avoir reçu ce prix, reconnu mondialement. The Hyatt Student Prize va pouvoir m’ouvrir des portes mais aussi me créer un réseau, notamment avec les anciens lauréats. J’ai hâte de m’envoler** à Chicago, en immersion au siège social monde Hyatt Hotels & Resorts ! ».
Pour cette édition anniversaire, 23 écoles et universités d’Europe, des États-Unis et d’Asie ont présenté leur meilleur élément pour concourir. Onze écoles étaient finalistes : SRH Hotel-Akademie Dresden, Hotelschool The Hague, Centro Superior de Hostelería de Galicia, Groupe Sup de Co La Rochelle / La Rochelle Business School, ESSEC IHMI, École hôtelière de Lausanne, Florida International University, Institute of Hotel Management Aurangabad (IHM-A), AIM, MODUL University Vienna, The Hong Kong Polytechnic University.
L’an prochain, les épreuves et la remise du prix se dérouleront à Londres.
Les 10 ans de The Hyatt Student Prize ont été, pour le Journal des Palaces, l’occasion de revenir sur les raisons d’être de ce prix et les problématiques du recrutement dans le secteur de l’hôtellerie avec son créateur, Michel Jauslin, Vice-Président Régional Opérations Hyatt Hotels & Resorts.
Quels changements avez-vous remarqués chez les étudiants ces 10 dernières années ? Le changement est global, il n’est pas propre à l’hôtellerie. Je soulignerai avant tout un plus grand taux d’incertitude de la part des étudiants sur le long terme.
J’ai l’opportunité d’aller souvent faire des présentations dans les écoles et je relève cela assez fréquemment. Quand vous posez la question aux étudiants : « Où est-ce que vous vous projetez dans trois ans ? » Sur un groupe de 40 élèves, j’en ai deux ou trois qui lèveront la main. Quand j’étais sur les bancs de l’école, la relation était totalement inversée : trois ou quatre ne savaient pas mais 90 % savaient où ils se projetaient. Ils avaient un rêve. Aujourd’hui, on peut dire que le facteur d’incertitude croît au fur et à mesure des années.
Une des explications est que le choix d’opportunités est beaucoup plus grand qu’il y a 20 ans. Au fur et à mesure que les années avancent, la diversité dans les opportunités et la spécialisation aussi sont de plus de plus grandes. Par exemple, si vous prenez le marketing, avant c’était une spécialisation en soi. Maintenant, il y a plusieurs positions dans un département marketing.
Les étudiants et les jeunes diplômés sont aussi beaucoup plus opportunistes. On le sait très bien, le turnover est beaucoup plus élevé qu’avant. Ils changent d’avis beaucoup plus vite : « Je n’aime plus, je pars ! » Et même si cela ne fait même pas six mois que la personne est en poste.
Ils quittent facilement l’hôtel mais aussi l’hôtellerie… Oui, ils savent quitter l’hôtellerie. Ils savent aussi changer de domaine au sein de l’hôtellerie. Ils peuvent passer du marketing à la restauration… Quand je vais dans les écoles, je leur parle toujours de la petite potion magique qui est la patience, qu’ils n’ont pas.
Si vous ne l’avez pas, vous allez aller sans arrêt en zig-zag et, dans 10 ans, vous me demanderez pourquoi votre carrière n’avance pas. Votre futur employeur va découvrir votre incertitude sur votre CV et il va se dire : « Est-ce que je vais prendre cette personne dans mon équipe ? Est-ce qu’elle va faire pareil ? Est-ce que dans trois mois elle ne va pas me dire que finalement elle n’aime pas et partir ? »
Il y a aussi un grand changement au niveau du principe de loyauté aux sociétés ou groupes. Ce principe était pendant très longtemps un des fondamentaux des entreprises qui avaient du succès. Cette loyauté a disparu. Même si vous prenez des entreprises comme Google ou Évian qui participent au jury de The Hyatt Student Prize, elles sont confrontées à ce problème. Ils rentrent chez Google aujourd’hui, demain ils sont ailleurs. On a beau leur expliquer qu’un peu de patience les amènerait au bon endroit, rien n’y fait.
Comment l’hôtellerie s’adapte-t-elle à cela ? Si la marque ne suffit plus, si un poste sur-mesure ne suffit pas non plus… The Hyatt Student Prize est un des outils. Que peut-on faire ? La première chose, c’est de devenir l’employeur préféré pour les jeunes, en revoyant les fondamentaux de la description du poste. L’hôtellerie a été connue pour être un métier qu’il faut éviter parce qu’il est « pénible » : beaucoup d’heures, peu de jours de congés, pas bien payé… il faut revoir ces paramètres. Une bonne entreprise peut le faire. En France, Hyatt est la première société hôtelière classée dans les « Great places to work ». Nous communiquons là-dessus.
Ensuite, il faut trouver les moyens de les garder. Chez Hyatt, nous offrons des plans de carrière dès la sortie des écoles. C’est pour ça que nous faisons des présentations dans les écoles hôtelières en invitant les étudiants à envoyer leur candidature, puis nous leur donnons un management training program, qu’on appelle un Leadership program. En rentrant dans ce programme, ils vont être formés en tant que futurs managers en 18 mois. À la sortie, ils ont la certitude, s’ils ont fait du bon travail bien sûr, de se voir offrir une position intéressante qui est un vrai plan de carrière.
Il faut bien entendu des évaluations régulières. Et par rapport à avant, ce sont des évaluations qui sont deux ou trois fois plus fréquentes afin de ne pas perdre le nouveau collègue. Avant, nous faisions une évaluation par an et c’était suffisant. Aujourd’hui, si vous n’en faites pas trois par an… pour ces jeunes, un trimestre correspond à une année de notre époque.
Avec des évaluations trimestrielles bien faites, où on leur explique où ils sont, où ils peuvent aller, on les écoute, en prenant le temps, on les aide à se projeter : où rêvent-ils d’aller, que rêvent-ils de faire ? Ces échanges sont notés et dès qu’une opportunité se présente, c’est à nous de réagir pour la proposer et maintenir le jeune salarié dans le mouvement.
Quels sont les plus importants critères de personnalité d’un bon leader ? Un bon leader doit savoir être à l’écoute. Très souvent, en tant que leader, on ne veut pas écouter. Puis l’empathie. Si vous n’avez pas d’empathie, dans le monde d’aujourd’hui, les gens ne vont pas vous suivre. Il faut du charisme pour entraîner les autres mais pas sur un plan militaire avec des ordres. Ça ne passe plus. Enfin, il faut comprendre les différentes cultures. Dans nos métiers, un Japonais n’est pas un Italien qui n’est pas un Allemand… Le leader va devoir interagir avec des profils très différents. S’il les comprend, il sera toujours plus fort parce qu’il aura un coup d’avance sur ce qu’il doit être fait.
Le gagnant de The Hyatt Student Prize remporte notamment une semaine au siège du groupe Hyatt, à Chicago. Comment se déroule exactement cette semaine ? Les ressources humaines lui préparent un programme de familiarisation dans les différents départements. Ce programme est bien établi en amont. Il va aussi avoir des entretiens auprès de cadres dirigeants du groupe : le responsable des ressources humaines monde, le COO… il pourra alors poser ses questions. Il va visiter les différents départements : marketing, ressources humaines, finances, le build and design... Une personne va l’accompagner pendant tout le séjour. En sortant il aura vraiment vu comment fonctionne un siège.
Quand nous avons décidé de créer le prix, il y a dix ans, je n’ai pas voulu le faire en interne mais j’ai vraiment voulu y associer les écoles et ce sont elles qui ont imaginé, avec leurs étudiants, que le meilleur prix serait cette semaine de familiarisation.
Quand les programmes de mentoring sont-ils mis en place dans le parcours du nouveau salarié ? Dès son arrivée, le nouveau collègue a un mentor. Nous commençons par là. Aujourd’hui, si on veut progresser dans sa carrière, c’est devenu habituel de se choisir un mentor. C’est un accélérateur de carrière. Il y avait une époque où c’était plutôt vu comme une faiblesse. Comme si on n’était pas capable d’avancer tout seul. Si l’on prend l’exemple des grands sportifs, ils prennent tous des anciens sportifs de haut niveau pour les accompagner. Le mentoring, c’est pareil. Les mentors voulaient aider à mieux performer, à mieux penser etc. ils vont les rassurer quand ils sont inquiets, les encourager…
Quand un nouveau collègue entre dans l’entreprise, quelle que soit sa position, avant de commencer le travail, il passera deux jours de formation. Dans tous les hôtels Hyatt, nous avons un responsable de formation et une salle qui sert de classe. On va présenter la société, le règlement de l’hôtel, comment s’habiller ou se maquiller, les nouveaux arrivants vont visiter l’hôtel. Quand il commencera son travail, il aura vu les chambres, il saura répondre aux clients qu’il croise. Ce programme est le même dans tous les hôtels du groupe. Ce cadre peut bien sûr être complété selon les hôtels. Ces outils sont des exemples de ce que nous avons mis en place pour limiter le turnover.
Puis, dans les 100 premiers jours, on lui désigne un mentor.
Le message qu’il y a derrière The Hyatt Student Prize, c’est d’encourager tout le système éducatif mondial à continuer d’investir dans la formation pour l’hôtellerie. L’hôtellerie est un peu le parent pauvre de l’éducation. Par exemple, si vous voulez faire du droit, vous avez plusieurs universités à proximité. Si vous voulez faire de l’hôtellerie, dans le monde entier, c’est compliqué. Une des idées de notre prix est d’encourager l’enseignement dans le domaine hôtelier. Ça va permettre de redonner de la valeur aux métiers de l’hôtellerie.
Nous ne communiquons pas assez bien. Les jeunes pensent que c’est un métier à éviter et ce n’est pas le cas. Il y a une grande demande de la part des jeunes qui se demandent ce qu’ils vont faire dans leur vie et il y a l’hôtellerie qui est en manque de personnel. Les talents, nous devons aller les chercher, contrairement à d’autres secteurs.
D’un côté, nous avons les besoins de l’hôtellerie, tous les projets hôteliers qui sont dans les tuyaux, et de l’autre côté, les gouvernements se demandent comment créer de l’emploi…
S’ajoute à cela un problème récent qui est l’intérêt des grandes marques de luxe pour la formation hôtelière. Toutes les grandes marques se rapprochent des meilleures écoles et proposent leurs intervenants. Les jeunes diplômés se voient ouvrir des portes qui ne s’ouvraient pas avant. Ils ont un choix nouveau d’intégrer l’hôtellerie de luxe ou les marques de luxe qui voient tout l’intérêt d’avoir dans leur société des profils hôteliers qui ont la notion de l’excellence, du service, de la relation client...
Le challenge, maintenant, c’est comment les hôteliers que nous sommes doivent restructurer les services, les métiers de façon à ce qu’on ait envie d’y aller, plutôt que de réfléchir à comment en sortir : revoir les salaires, les horaires la pénibilité… et le faire savoir.
Il faut aussi aborder le sujet de la technologie. Nous sommes tout près d’avoir la clé sur notre téléphone et nous ne passerons plus par la réception pour la prendre. Cela change beaucoup la qualité de travail des collègues pour mieux s’occuper des clients, ils auront le temps pour une relation de service.
Vers où souhaitez-vous que le prix s’oriente ? Entre les trois premières éditions et les trois dernières, je pense que nous avons maintenant trouvé notre vitesse de croisière. Nous voudrions maintenant aller trouver des écoles dans des continents qui ne sont pas encore suffisamment représentés.
Par exemple, nous sommes très fiers d’avoir cette année une école hôtelière indienne. Quand j’ai ouvert le Hyatt à Delhi, en 1983, j’étais le premier étranger directeur général en Inde. En réalité, je n’avais pas le droit de l’être et j’avais un autre titre. Une école hôtelière en Inde à l’époque, c’était impensable. Et aujourd'hui cette école peut dire : « Vous voyez, nous sommes reconnus mondialement ». Cela les aide à se positionner et attirer des élèves indiens qui, sinon, partiraient faire leurs études à l’international.
Nous avons aussi Hong Kong mais pourquoi n’aurions-nous pas des écoles de Shanghai, de Pékin, des Philippines, Moyen-Orient… Nous pourrions imaginer une sélection par continent et prendre les meilleurs de chaque continent pour la finale.
Mon enthousiasme est vraiment de porter les couleurs de l’hôtellerie. Si je compare à la cuisine, la cuisine a réussi à anoblir son métier. Paul Bocuse a été le premier à voyager, à voir ce qui se faisait à l’étranger, à s’adapter. Et aujourd’hui un jeune qui veut faire des études de cuisine, les parents sont moins effrayés que s’il dit « Je veux être hôtelier ».
Et pourtant nous avons des personnalités, de grands directeurs d’hôtels, qui pourraient, à l’instar des grands chefs, jouer un rôle important pour la valorisation de nos métiers. Oui, tout à fait. Nous faisons du bon travail en France et merci aussi aux palaces d’avoir demandé la révision du classement. L’arrivée des cinq étoiles et surtout du label Palaces, le luxe ultime, a aidé dans la communication. Un des leaders de ces palaces m’a dit un jour : « Dans notre métier, si nous ne communiquons pas régulièrement, nous sommes oubliés ». Le métier de l’hôtellerie, aujourd’hui, c’est pareil : il faut communiquer, il faut donner des moyens aux jeunes de pouvoir faire carrière dans ce secteur. * Les membres du jury : Laurent Cintrat – Président du jury, Vice Président ventes Evian Volvic monde Patrick ALEXANDRE - Vice Président Commercial, ventes & alliances Air France-KLM, Carlo D’ASARO BIONDO - Président d’honneur & Président Google EMEA partenariats, Frank LAVEY- Vice Président opérations Hyatt Hotels & Resorts, Fleur PELLERIN - Directrice Associée Korelya & ancienne Ministre de la Culture & de la Communication, Robert PIRES - Consultant Expert à BeIN Sports & ancien Joueur de football International, Malène RYDAHL- Auteur & conférencière.
** ce voyage est réalisé en partenariat avec Air France.
Sylvie Leroy, éditeur enthousiaste depuis 1999 Sa passion pour l'hôtellerie de luxe, « une partition jouée à la perfection par un fantastique orchestre », conduit Sylvie Leroy à créer en 2004 le Journal des Palaces, quotidien en ligne dédié aux acteurs du secteur, avec des actualités, des offres d'emploi et des ressources utiles.