En marge de la cérémonie des Hospitality awards qui s’est tenue ce lundi 21 novembre, le cabinet MKG organisait pour la première fois une Master Class portant sur le marketing hôtelier.
La table ronde réunissait de grands noms de l’industrie : Rakesh Sarna, COO International Hyatt Hotels & Resorts, Jean Faivre, vice-président Europe Ouest et Sud Hilton Worldwide, Pierre-Frédéric Roulot, président Louvre Hotels, Yann Caillère, directeur général délégué groupe Accor, et Jean-Gabriel Pérès, président et CEO Mövenpick Hotels & Resorts.
Sujet du jour : « Plus large ou plus recentré, quel est le bon portefeuille de marques de demain ? »
Pour Rakesh Sarna, COO International Hyatt, il était important d’être présent sur les différentes catégories d’hôtels avec une marque différente pour chaque catégorie mais avec une signature commune, un nom qui revient dans chaque marque : Hyatt, Park Hyatt, Hyatt Regency, Hyatt Place, Hyatt resorts, Hyatt Vacation Club... Cependant il doit y avoir un socle commun. Ainsi, il est important que les valeurs soient les mêmes quelle que soit la marque. Il faut également que toutes les marques d’un même groupe soient à la pointe des innovations. Le client sait alors qu’il retrouvera les mêmes standards d’un établissement à l’autre.
Une seule exception à cette règle instaurée chez Hyatt : la catégorie des boutiques-hôtels où le groupe est présent sous la marque « Andaz ». La décision n’a pas été facile. La raison principale a été de vouloir se démarquer dans un secteur très concurrentiel en imposant une marque sans connotation à un groupe existant, une marque qui « reste à l’écart des grands noms » comme Marriott, Hilton etc. Finalement, la décision fut judicieuse. Elle a permis au groupe d’introduire une nouvelle dimension dans sa gamme.
Pour M. Sarna, il ne faut pas oublier que ce qui compte, ce sont les clients et leurs attentes. Ce critère « l’emporte sur tout le reste » lorsqu’il s’agit de réfléchir aux marques et au positionnement.
Yann Caillère, directeur général délégué Groupe Accor, apprécie le recentrage de son groupe sur l’hôtellerie. Finie l’activité de services. Accor devient un groupe 100% hôtelier. Il devient « bien plus facile de se servir du nom Accor ». Cela apporte à la fois plus de souplesse et de simplicité avec cette marque devenue ombrelle.
L’exemple Ibis est intéressant pour l’étude d’un recentrage de portefeuille de marques : le groupe a souhaité le rapprochement des établissements Ibis, Etap Hotel et All Seasons sous une marque principale Ibis déclinée en trois labels : Ibis, Ibis Styles et Ibis Budget. La notoriété d’Ibis va pouvoir être insufflée aux Etap Hotels et aux All Seasons. La pénétration du marché va s’en trouver également boostée avec une forte densité de réseau obtenue par la réunion des trois marques.
Pour M. Caillère, l’hôtellerie économique n’a pas la possibilité de bénéficier d’une force de vente en raison de son coût, elle doit donc jouer sur deux leviers majeurs : la densité du réseau et la notoriété, ce qui est le cas avec cette fusion.
Du côté d’Hilton, les marques ont des noms bien distincts : Waldorf Astoria, Conrad, Hilton, Double Tree, Embassy Suites, Hilton Garden Inn, Hampton, Homewood Suites, Home2, Hilton Grand Vacation… En Europe, le groupe exploite sept de ces marques et utilise le programme de fidélisation Hilton HHonors pour l’ensemble des hôtels. La signature « By Hilton » se retrouve partout afin d’apporter la notoriété du groupe.
Pour Jean Faivre, vice-président Europe Ouest et Sud Hilton Worldwide, l’important est de « s’assurer que les clients n’aient qu’un point d’entrée » et choisissent ensuite leur établissement. « Il faut offrir une expérience pour fidéliser sur plusieurs marques mais avec un programme ombrelle ».
Louvre Hôtels regroupe des marques anciennes et bien installées qui se sont rapprochées récemment : les établissements de Tulip Inn, GoldenTulip, Royal Tulip sont désormais dans le même groupe que Première Classe, Campanile, Kyriad et Kyriad Prestige. Pierre-Frédéric Roulot, président Louvre Hotels, insiste sur un point important : « Il faut faire attention à ne pas jouer avec les marques car on met un certain temps à habituer un consommateur avec une marque ». Le rachat de Golden Tulip a été une chance : les deux groupes avaient peu d’hôtels dans une même zone géographique.
Le discours est différent du côté de Mövenpick Hotels & Resorts. Le groupe n’a qu’une seule marque dans son giron. Pour son président, Jean-Gabriel Pérès, il s’agit là indéniablement d’un atout « exactement comme LVMH et Hermès » et d’ajouter « Nous préférons être unique et avoir des hôtels très rentables sur chaque marché. »
Plusieurs raisons à ce choix volontaire : tout d’abord les coûts car maintenir une marque demande de plus en plus de publicité. Les investissements en publicité deviennent énormes et il faut finir par faire des choix. Ensuite, la difficulté d’imposer une puissance marketing lorsqu’il y a trop de marques en raison de la dispersion. La profitabilité n’est pas meilleure dans les groupes multi-marques. Côté management, ce n’est guère mieux. Il faut se référer à plusieurs directeurs. Un groupe mono-marque aura une gestion bien plus simple. Sans parler de la motivation du personnel pas facile à maintenir…
Avec l’intervention de Jean-Gabriel Pérès, le débat est lancé. Rakesh Sarna approuve la justesse de ses remarques. Four Seasons est d’ailleurs un très bon modèle aussi d’une réussite exemplaire. Mais… les multi-marques sauront conquérir plus de marchés et ouvrir plusieurs établissements dans une même ville ou région. Ils sauront aussi mieux attirer les talents en leur faisant miroiter les nombreuses destinations et hôtels à la recherche de salariés à fort potentiel. « Oui, ce n’est pas facile de maintenir tout cela, cela ne vient pas sans challenge » reconnait M. Sarna et d’ajouter : « Comment répartissez vous votre marketing ? Vous ne pouvez pas… car il n’y en a jamais assez ».
Pierre-Frédéric Roulot rappelle également l’importance des investisseurs, leur pression pour développer, pour augmenter les bénéfices. Et « à marché différent, nom différent… ». Jean-Gabriel Pérès rappelle alors le succès de Virgin pourtant présent dans des marchés bien différents, dont celui de l’hôtellerie et dont le succès, sous une seule marque, est bien réel.
Pour Yann Caillère, tout dépend de l’ambition du groupe : « La carte mondiale avec une seule marque, cela ne marche pas » et de citer l’exemple du Maroc où Sofitel souffre d’une désaffection de la clientèle européenne mais où Ibis fait d’excellents chiffres grâce à la clientèle locale.
M. Caillère revient ensuite sur la marque Sofitel dont le groupe a souhaité retirer l’ADN d’Accor. Le modèle est différent entre Sofitel et les autres marques : « Dans l’hôtellerie économique, on apprend à économiser alors que dans l’hôtellerie haut de gamme, on apprend à dépenser pour gagner ensuite ».
Jean-Gabriel Pérès défend l’expansion du groupe Mövenpick à l’international : « si le produit est bien défini, l’expansion à l’international n’a aucune limite ».
Si Rakesh Sarna souligne l’importance de bien apporter une expérience différente au client, Jean-Gabriel Pérès ajoute qu’il y a « peu de différence entre des marques d’hôtellerie économique. Il est plus facile de se différencier sur du haut de gamme » pour renforcer la satisfaction d’un client. « A chaque période de crise, le nombre de marques se réduit, donc il y aura une réduction. »
M. Pérès relève qu’être mono-marque « oblige à être excellent et ce n’est donc pas plus facile » contrairement à ce que peuvent penser les dirigeants de groupes multi-marques. Par ailleurs, expliquer à des Asiatiques ce que signifient ces marques et ces sous-marques est un pari compliqué.
Yann Caillère le reconnaît. D’ailleurs pour amener Pullman en Chine, ils ont créé la marque Gran Mercure, exclusivement pour ce marché chinois. Les demandes du marché sont « si particulières que les standards de la marque Pullman ne pouvaient pas être appliqués tels que ». Le marché étant si important que le groupe Accor n’a pas hésité à créer une marque spécifique répondant aux critères de la clientèle chinoise.
Sylvie Leroy, éditeur enthousiaste depuis 1999 Sa passion pour l'hôtellerie de luxe, « une partition jouée à la perfection par un fantastique orchestre », conduit Sylvie Leroy à créer en 2004 le Journal des Palaces, quotidien en ligne dédié aux acteurs du secteur, avec des actualités, des offres d'emploi et des ressources utiles.