Eric Frechon au Bristol Paris : vingt années en vingt portraits (France)
En 2019, le Chef des cuisines célèbre son vingtième anniversaire dans le Palace de la rue du Faubourg Saint-Honoré. À cette occasion, il a choisi de raconter ces vingt années à travers le témoignage de vingt personnes qui ont jalonné ce parcours unique. |
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Eric Frechon au Bristol Paris : vingt années en vingt portraits (France)
En 2019, le Chef des cuisines célèbre son vingtième anniversaire dans le Palace de la rue du Faubourg Saint-Honoré. À cette occasion, il a choisi de raconter ces vingt années à travers le témoignage de vingt personnes qui ont jalonné ce parcours unique. |
Catégorie : Europe - France - Expériences exclusives
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Ceci est un communiqué de presse sélectionné par notre comité éditorial et mis en ligne gratuitement le 26-04-2019
Frechon par Eric"Je n’ai pas d’autre orgueil que de prendre du plaisir dans ma cuisine ; ce qui, je crois, reste le meilleur moyen d’en donner. Cela ne surprendra donc pas ceux qui me connaissent : je n’aime pas parler de moi. En revanche, c’est un bonheur de partager mon idée du Bristol. On dit de certaines rencontres qu’elles peuvent mener loin et longtemps. C’est bien mon cas avec le Bristol. La première fois, c’était en 1982. J’arrivais de Normandie, j’avais découvert Paris et la haute gastronomie à La Grande Cascade et le chef m’avait alors recommandé à son homologue du Bristol. J’y entre donc ; deuxième place de commis. Tout y est déjà magique ! La brigade, l’effervescence, cette cuisine qui n’arrête jamais avec le restaurant, les buffets, les chambres. Surtout, le chef de l’époque est un classique audacieux. Il ose des fleurs dans l’assiette, des fruits dans ses plats. Pour moi, c’est une petite révélation. Les années passent, j’intègre la fameuse équipe de Christian Constant au Crillon, je deviens Meilleur Ouvrier de France, je lance mon premier restaurant, La Verrière, aux Buttes-Chaumont jusqu’à ce jour de 1999 où Pierre Ferchaud, le Directeur du Bristol à l’époque, me propose de prendre les commandes des fourneaux en me laissant une petite semaine de réflexion. J’accepte, je quitte mon bistrot des Buttes et me voici de retour au 112, rue du Faubourg. Le plus extraordinaire, c’est que j’ai immédiatement eu ce sentiment de ne l’avoir jamais quitté.
Je me souviens de ma première carte. Elle me surprend encore aujourd’hui dans sa façon d’installer des plats d’esprit bistrot au grand chic du Bristol. C’était peut-être très culoté à l’époque mais je n’ai pas cherché la provoc’. J’ai toujours travaillé en conscience et le Bristol m’a offert sa confiance. En vingt ans, nous avons avancé ainsi, de manière presque organique même lorsque le restaurant a déménagé, abandonnant les boiseries du fameux salon ovale pour les lumières de l’Epicure. Ce fut un moment intense, riche de défi, fort de pression mais nous l’avons vécu comme une évidence. Mon approche de la cuisine a beaucoup évolué cette saison-là sans pour autant, je le crois, je l’espère, se dénaturer. Je voulais simplement une autre créativité, un autre regard sur le produit, une autre écoute avec mes équipes. Et la reconnaissance des trois étoiles est arrivée. Avec elle, une nouvelle pression, un nouveau défi mais, là encore, en maintenant l’esprit profond de la maison. En vingt ans, il va de soi que je n’oublierai jamais certains services, les repas du Club des Cent, le dîner réunissant Nicolas Sarkozy et Angela Merkel mais, en vérité, ceux-là parmi tous les autres et traités comme tous les autres. Avec le même engagement, la même exigence. Est-ce du respect, de la modestie ? Je crois plutôt que c’est un devoir. Le devoir du bonheur que l’on doit à nos clients. À chaque instant, à chaque assiette. Aujourd’hui comme depuis vingt ans."Eric Frechon vu par Maja Oetker de la famille des propriétaires"Vingt ans seulement, vingt ans déjà. On me parle de M. Frechon au Bristol depuis vingt ans et c’est sincèrement troublant parce que j’ai cette curieuse impression de le connaître depuis bien plus longtemps. Une impression qui n’a d’ailleurs rien d’innocent car je crois que c’est la campagne qui nous rapproche l’un et l’autre. La campagne du quotidien, celle des saisons, des hommes et des paysages. La campagne, l’authentique, celle qui ne triche pas, celle des fermes. Après la guerre, j’ai vécu dans une ferme en Allemagne. Rien n’était facile mais tout était vrai. La terre, le temps, le travail, les gens. De cette enfance, il vous reste éternellement des souvenirs et des valeurs. Eric vient de là, de cette Normandie proche de la nature, des bêtes. Cela se sent, cela se voit. C’est quelqu’un qui ne trompe pas. J’ai sûrement senti très vite qu’il était homme de conviction. Sa façon de vous regarder, honnête. Sa poignée de main, franche. Sa parole qui, lorsqu’elle est donnée, ne se reprend pas. Et sa cuisine, bien sûr, qui dit tout cela. Délicate, raffinée mais n’oubliant jamais d’où elle vient. Une cuisine terrienne et sensible à la fois. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que j’affectionne particulièrement une soupe. Celle d’artichauts, foie gras et truffes. Elle offre du bon comme du bien. C’est important pour moi, une cuisine saine, bienveillante qui réjouisse et nourrisse, dans le même élan, l’âme, le cœur et le corps. La nature nous donne souvent de belles leçons, force l’humilité et la cuisine d’Eric Frechon a le talent de ne pas l’oublier. Le Bristol Paris, c’est une ambassade du luxe, de l’art de vivre mais aussi de cette France de haut goût. Je sais gré à Eric Frechon d’avoir la conscience de cette culture et de ce patrimoine. Si je devais le définir en trois mots ? Droiture, rigueur, fidélité."Eric Frechon vu par Luca AllegriPrésident Directeur Général du Bristol Paris, Senior Vice-Président Opérations d’Oetker Collection
"Un jour, il m’aborde dans le lobby, la mine sérieuse, pour m’annoncer qu’il lui fallait absolument un moulin ! Il revenait enthousiaste d’un séjour chez le paysanboulanger Roland Feuillas, dont la démarche l’avait bouleversé, et qu’il voulait prolonger à l’hôtel, en mettant en place le pain vivant, cher à Monsieur Feuillas. Je dois avouer avoir été un peu décontenancé au début, mais nous sommes très fiers d’avoir pu concrétiser son rêve, qui s’inscrivait dans sa dévotion absolue à l’hôtel et à l’exemplarité qu’il s’était fixé pour mener à bien sa mission. Depuis les deux ans et demi que je suis au Bristol, je ne l’ai jamais vu dévier de cette ligne de conduite. Il raisonne toujours en fonction de ce qu’il y a de mieux pour l’image de l’hôtel, bien au-delà de toute considération, la sienne ou son ego. Son implication et sa capacité à adapter son talent à différents exercices nous permet de bénéficier du rayonnement de sa présence dans la Brasserie, le Café Antonia, le room-service.
Eric Frechon a une conscience aigüe de sa responsabilité envers le Bristol. Sa fidélité, son investissement quotidien, en font plus qu’un nom qui signerait la carte et passerait de temps à autre. Voir quelqu’un de son niveau s’impliquer dans toutes les dimensions de son métier, se montrer aussi disponible, offre à l’ensemble des équipes un exemple, il montre la voie de ce qu’implique le travail dans un Palace. S’il pourrait se reposer sur ses solides bases classiques, il s’attache à sortir de la routine, à aller le plus loin possible, à ne jamais cesser d’être curieux. Cette détermination rejoint la mienne.
Il est capable de réaliser une cuisine de très haut niveau avec des produits simples, le poireau, l’oursin…Mais c’est le fruit d’années de recherche, d’exigence jamais relâchée. Son plaisir intact à voir ses étoiles renouvelées chaque année démontre qu’il est loin de se satisfaire de ce qu’il a déjà accompli. Parmi ses plats, il y en a dont je garde un souvenir exceptionnel : les oursins avec le beurre d’algues, les poireaux et les huîtres pochées, sa recette de pommes de terre fumées au haddock avec le caviar, la poularde en vessie dont la présentation en salle est déjà un évènement incontournable. Si je devais le définir en trois mots ? Passionné, curieux, exigeant."Eric Frechon vu par Leah Marshall Directrice du Bristol Paris"J’ai commencé dans l’hôtellerie à 15 ans. En 1978, j’ai eu mon premier poste de directrice d’hôtel. C’est dire si j’ai connu beaucoup de chefs ! Je suis arrivée au Bristol en mars 2011, et j’ai tout de suite compris que travailler avec Eric Frechon serait un bonheur. Il est entier, passionné, humble. J’ai beaucoup d’estime pour lui. Il est juste, sincère, rigoureux - ce qu’il fallait pour arriver là où il est, à seulement 55 ans. Il pense d’abord au client, toujours. J’ai rarement vu, lors de mon parcours, une telle préoccupation de tous les instants pour que l’expérience du repas soit irréprochable. Il y a un autre aspect de la personnalité d’Eric, qui me touche particulièrement, parce qu’il me ressemble sur ce point, c’est son souci d’accompagner les jeunes talents. Il est très présent, fiable, et pédagogue. Il a le don pour former autour de lui une petite communauté. Il sait transmettre sa passion, c’est une inspiration pour tous. Il est en réflexion perpétuelle, se remet en question au quotidien sur l’évolution de sa cuisine. L’exemple le plus récent serait la mise au point du pain vivant. Il fallait oser casser les codes, une telle tradition. Même nos clients les plus fidèles sont sensibles à sa volonté d’avancer toujours.
On le suit dans sa volonté de toujours surprendre, qu’il s’agisse de visiteurs occasionnels ou des habitués. C’est la passion qui nous garde jeunes ! Nous faisons toujours le nécessaire pour l’accompagner dans ses besoins. Il a une conscience aigüe de l’importance de la gastronomie dans un Palace parisien. Quand j’ai été nommée ici, une de mes ambitions était de mettre l’ensemble de l’hôtel au diapason de l’excellence de son restaurant. Je cite souvent en exemple sa détermination et son courage aux équipes en charge de l’hébergement, de l’accueil, de l’ensemble de la restauration. Pour quelqu’un qui doit gérer autant de pression, de stress, il est très équilibré, ce qui est vital pour bien travailler. Son épanouissement personnel l’a sans aucun doute permis. Pour nos clients, la présence d’Eric Frechon est un gage de qualité. Ce qu’il a réussi au 114 Faubourg, récompensé d’une étoile, est également fabuleux, et le Café Antonia est aujourd’hui un point de rencontre incontournable pour les Parisiens.
Parmi ses créations, il est délicat d’en élire certaines plutôt que d’autres…Mais comme le Président Nicolas Sarkozy, j’adore ses macaronis au foie gras ! La purée, avec le caviar de Sologne, avec un parfum de haddock, est exceptionnelle, tout comme la poularde en vessie, dont le service en salle offre un moment absolument spectaculaire. Si je devais le définir en trois mots ? Perfectionniste, humble et respectueux."Eric Frechon vu par Philippe Villin Banquier d’affaires"Par mon métier, je suis amené à beaucoup recevoir, tant au petit-déjeuner qu’au déjeuner, et régulièrement aussi au dîner. Je prends mes quartiers dans des lieux fixes pour reconstituer le service d’une salle à manger privée : chez Guy Savoy et au Ritz (avant sa fermeture pour travaux) à une époque, chez Michel Rostang dont j’adore la cuisine, et au Bristol, dans les deux cas depuis 7 ans. J’y retrouve l’approche classique où le produit est respecté et magnifié. C’est la cuisine que j’ai commencé à manger (de temps en temps) dès mes six ans ! Je déteste les recettes inutilement compliquées de trop de chefs aujourd’hui « qui veulent épater le touriste ». Je me refuse absolument à manger leur cuisine. Je veux manger, non « faire une expérience ». J’adore ce que fait Eric Frechon. C’est toujours intéressant, raisonnablement innovant, mais sans complications inutiles… J’aime presque tout ce qu’il fait dans l’ensemble des cuisines du Bristol qu’il supervise entouré de brigades exceptionnelles. J’ai juste un peu râlé en décembre lorsqu’il a imposé son pain unique… Mais paradoxalement, il est si bon que j’en mange alors que je ne mangeais pas de pain ! Je pourrais éventuellement lui faire le reproche – comme d’ailleurs à tous les grands cuisiniers d’aujourd’hui - de ne jamais mettre suffisamment de légumes en accompagnement. Mais mes règles sont connues : on me donne trois à quatre fois la quantité de légumes de la recette. Ce que l’on voit à Epicure est le sommet de l’iceberg, mais tout ce qui est caché est magnifique, parce que l’exigence d’Eric Frechon commande tout : le respect des équipes, l’intransigeance sur les produits travaillés, donc sur les fournisseurs.
La recette de l’excellence. La remarquable Direction Générale du Bristol, en particulier l’unique Leah Marshall, lui permet de travailler dans les meilleures conditions. Il a compris qu’il n’est de richesse que d’Hommes, et ayant mes espions dans ses cuisines, je sais qu’il se comporte toujours en respectant ses équipes et en leur faisant donner le meilleur d’ellesmêmes. Comme mes amis cuisiniers Jacques Maximin et Michel Roth, il représente le sommet de l’aristocratie ouvrière, particulièrement établie dans la gastronomie française, qui repose sur la culture de la transmission du savoir et le respect de la hiérarchie. En tant que client régulier, je me suis attribué le droit de modifier la carte quand j’en ai envie en utilisant tous les produits disponibles dans les cuisines d’un palace. Pour mon grand plaisir et ma facilité de vie. Ainsi, un jour où je revenais de voyage épouvantablement malade, j’ai pu demander, pour honorer un rendez-vous que je ne pouvais pas annuler, que l’on me prépare un bouillon de légumes entre mon arrivée à Roissy et mon passage à table. Et il était divin. L’impression d’être dans une salle à manger privée est ce que j’attends d’un restaurant, aussi bien dans l’assiette que dans le service. C’est exactement ainsi que je me sens à Epicure et au Bristol : comme chez moi. Je ne viens pas ici forcément pour les plats de la carte (même si j’en adore beaucoup), mais parce que les produits sont magnifiquement sélectionnés, et superbement préparés par une équipe hors du commun. Je profite ainsi d’un savoir-faire d’exception. Que je prenne le turbot en croûte de sel, avec tomates confites, la brouillade d’oursins, le ris de veau que je ne m’autorise qu’exceptionnellement, ou mes plats, mon plaisir est toujours égal. Si je devais le définir en trois mots ? Permettez-moi trois formules : compétence absolue ; rigueur totale ; respect des hommes et des produits."Eric Frechon vu par Frédéric Kaiser Directeur de la Restauration du Bristol Paris"En 2011, quand j’ai reçu le titre de Meilleur Ouvrier France, ses félicitations ne devaient rien aux convenances, il était sincèrement heureux pour moi. Il y a entre nous un grand respect, une complicité professionnelle et humaine qui s’est installée sur la durée. Je connaissais sa cuisine, pour y avoir dîné un an et demi avant mon arrivée, quelques mois après la troisième étoile. J’avais gardé un souvenir ému de ses macaronis farcis à la truffe noire, artichaut et foie gras de canard, déjà célèbres, et d’une sole magnifique, accompagnée de lamelles de truffe et d’une sauce à la crème. Sa philosophie, pratiquer une cuisine très lisible, avec des goûts francs, marqués, a eu son importance dans ma décision de venir travailler au Bristol. J’ai découvert un homme vivant sa passion au quotidien, aussi simple que déterminé, sachant très bien là où il voulait aller et partager sa vision. Le Chef a très bien compris que nous étions, en salle, au service de ses créations. Il avait instauré un rituel, nous faire goûter ses plats, même s’ils n’étaient pas aboutis, pour nous faire participer. Etre impliqués dans son processus créatif était grisant. Lorsque le plat était inscrit à la carte, les équipes avaient pu le suivre jusqu’à son aboutissement. Il a installé un travail d’équipe, permettant une compréhension globale de sa démarche, du service jusqu’à la sommellerie. Quand les clients et des collègues nous disent que nous avons la meilleure restauration de Paris, c’est aussi le fruit de son implication totale.
Il a des convictions mais il peut se poser des questions, lorsqu’il est en réflexion sur un plat. Une de ses grandes forces est de nous protéger de ses éventuels doutes, c’est aussi ce qu’attend une équipe de son Chef. Au fil du temps, il a gagné en sérénité. En revanche, il ne considère rien pour acquis, il est toujours animé par la volonté d’aller le plus loin possible. Il est très attentif aux retours de la salle, à l’évolution des attentes des gastronomes, aux autres cuisines que la sienne. Sans aucun doute son épouse a participé de cette nouvelle dynamique. Il développe une attention croissante à la notion de bien manger dans le respect de l’environnement. Notre nouveau pain, le Pain Vivant, permet de porter ce discours auprès du client. Il ne le fait pas pour être à la mode, mais pour être fidèle à sa philosophie. Parmi les plats emblématiques de sa démarche, je retiens forcément les macaronis, la poularde cuite en vessie, et aussi de moins connus, à l’image de ces poireaux entre le brûlé et le confit accompagnés d’huîtres en tartare, avec un beurre d’algues, dont la simplicité ne doit pas cacher la complexité. Ils m’ont donné une émotion que je n’oublierai jamais. Son lièvre à la royale, mis au point après 20 ans de recherche, est également fabuleux. Si je devais le définir en trois mots ? Excellence, passion, amour."Eric Frechon vu par Michel Charraire Président des Vergers Saint-Eustache, fournisseur en fruits et légumes"Si vous avez la chance d’observer sa brigade au travail, vous verrez des étoiles dans les yeux de ses équipes, même en plein coup de feu. Il met de l’affect dans son rôle de cuisinier, et ce n’est jamais une pose chez lui. Aucune distinction n’a changé cet état d’esprit et les années n’ont pas abîmé sa gentillesse et sa simplicité naturelles. Je partirais volontiers en vacances avec lui. C’est une belle personne, et sa bienveillance rayonne jusque dans ses cuisines. Il est ouvert aux autres, à leurs différences, il a une compréhension très fine des préoccupations des nouvelles générations.
Il a démontré un grand courage et sa force de caractère en quittant l’univers des palaces, pour ouvrir la Verrière. A l’époque, s’installer au fin fond du XIXème arrondissement n’allait pas de soi, encore moins lorsqu’on sortait du Crillon, où je l’avais rencontré. Je n’ai pas hésité à le suivre dans cette aventure. Il en fait un lieu extraordinaire, qui faisait traverser tout Paris pour goûter à sa cuisine. Depuis, il a fait preuve d’une grande loyauté, en nous associant à tous ses projets. Ce qui ne veut pas dire qu’il accepte tout dans le travail, il comprend nos problèmes, mais il a assez des siens pour ne pas avoir à se préoccuper des nôtres. Sa confiance est une chance, je ne cesse de le répéter à mes collaborateurs, et à mes enfants qui prennent peu à peu le relais de mes activités, modestement, je me reconnais dans ce culte de la transmission, hérité de ses années de formation.
Je n’oublierai jamais mon premier repas au Bristol, où il m’a servi – et même une deuxième portion tant mon bonheur à le découvrir en réclamait encore - ce plat devenu mythique, les macaronis à la truffe, foie gras et artichaut. Il symbolise sa personnalité, généreuse, et son approche fondamentalement gourmande, consolatrice, maternante. C’est un magicien de la cuisine, il a quelque chose de plus, c’est une évidence. Si je devais le définir en trois mots ? Douceur, professionnalisme, bonté."Eric Frechon vu par Roland Feuillas Meunier et boulanger"Son humilité et son exigence me frappent particulièrement. Même son exigence est humble, il ne l’affiche pas pour le paraître : c’est une exigence de l’être.
Elle ne pourrait être conditionnée que par le contexte du Bristol, de se contenter d’être à la hauteur du luxe. La sienne l’entraîne vers l’amour du travail bien fait, pour grandir l’autre. Une exigence d’auteur, comme le rappelle le philosophe Michel Serres : est auteur celui qui fait autorité, et fait autorité celui qui grandit l’autre. On retrouve cette dimension dans ses rapports avec ses collaborateurs. Il s’inscrit dans la tradition du compagnonnage, lorsque le maître prêtait serment de tout faire pour que son apprenti un jour le dépasse. Je me sens en osmose affective avec lui. Le lien que l’on entretient avec le pain est significatif autant d’une civilisation que d’une personnalité. Clarisse, l’épouse du Chef, avait goûté mon pain, lors d’un repas organisé dans la pépinière d’agrumes de Michel et Bénédicte Bachès, pour faire découvrir des sites de productions de matières premières de caractère et authentiques. Clarisse a dû avoir un déclic, car Eric et elle sont venus passer quatre jours chez moi, à Cucugnan. Il a mis son nez dans le fournil, les pétrins, le moulin. Il a eu un choc ! On a tout de suite étudié la possibilité de reproduire ma vision au sein du Bristol. Il a fallu s’organiser pour mettre en place un local pour stocker les blés, les conditionner, les préparer pour les rendre prêts à être moulus, et une micro-meunerie pour faire la farine. Logistiquement, ce n’était pas rien. Peu de chefs auraient mis autant de cœur et de pugnacité pour donner corps à ce rêve. Sa cohérence et sa détermination sont telles que s’il pouvait avoir son poulailler, ses vaches et ses chèvres, il le ferait. Il a pensé chaque détail en harmonie avec notre projet, jusqu’aux murs de l’ascenseur qui emmène à la boulangerie, tapissés d’épis de blés.
À son niveau, celui du luxe, Eric Frechon montre le chemin pour rendre plus accessible et démocratique notre démarche en respectant son authenticité. Je comprends aussi ce qui nous unit lorsque je goûte sa cuisine, où se révèle son rapport à la terre et son humilité. Dont la racine vient du latin humus, ce qui n’est pas anodin. Son céleri rôti à la broche m’a ébloui, à l’image du dessert qu’il propose à base de truffe, un produit qui est la quintessence de la terre, aussi mis en valeur dans ses fameux macaronis. Si je devais le définir en trois mots ? Humilité, cœur et courage."Eric Frechon vu par Christian Le Squer Chef exécutif des cuisines du George V"Au moins une fois par an, nous dînons ensemble, pour perpétuer un rituel ancien, tant la complicité a toujours guidé notre relation. Nous devions avoir 24 ans à l’époque de notre rencontre. Il était alors chef de partie au Taillevent quand j’étais chez Lucas Carton. Avec Eric, nous nous entendions très bien, nous sortions régulièrement, liés par une même vision du métier : se tenir au courant des nouvelles tendances de la restauration, sans renier notre formation classique.
Quand il a ouvert la Verrière, nous nous sommes perdus de vue, pour se retrouver quand il a été nommé au Bristol, au moment où je devenais chefactionnaire au Pavillon Ledoyen. Nous avons renoué en organisant entre nous des ateliers pour se stimuler mutuellement. On goûtait et analysait nos plats, en se fixant des exercices imposés, par exemple le pâté en croûte ou le lièvre à la Royale. On s’interrogeait aussi sur les matières premières, sur comment les travailler au mieux. On cuisait deux variétés de volaille, une de Bresse et une de la Cour d’Armoise, et on analysait le gras, la tendreté des chairs, etc. Que l’on travaille pour des concurrents n’entrait pas du tout en considération, nous étions unis par notre respect de la valeur du travail et une grande curiosité intellectuelle. Nous étions au cœur même de la noblesse de notre métier. Nous avions organisé son repas de mariage chez Ledoyen, en imaginant un dîner mêlant nos plats signature.
Il n’y a toujours aucune rivalité mesquine entre nous, on échange tout le temps, sur nos plats, nos projets... Et il n’a plus rien à prouver. Nous partageons toujours la curiosité pour d’autres cuisines, le respect de l’expérience, la valorisation des goûts, le souci de la transmission. Sa cuisine est son image, profondément humaine, ce qui n’empêche pas que tout y soit réfléchi, subtil, élégant. Si je devais le définir en trois mots ? Honnêteté, rigueur, et sympathie !"Eric Frechon vu par Elisabeth Monroy Directrice de création des ateliers Safran"J’ai rencontré Eric Frechon il y a 11 ans, il avait découvert mon travail sur la table d’un autre chef, il a dû y être sensible, puisqu’il m’a contactée. Mais nous ne travaillons vraiment en étroite collaboration que depuis 2011. Si une complicité authentique s’est établie entre nous, elle se mérite, il faut s’accrocher et souvent remettre l’ouvrage sur le métier, rectifier tel ou tel détail jusqu’à ce qu’il soit satisfait. Dès qu’on parle de notre travail, on entre en communion, sa voix s’adoucit, il se détend un peu…mais s’il a quelque chose à dire, il le dira en toute franchise. Ce qui n’empêche pas une forme de tendresse dans nos rapports.
À mes yeux, il symbolise l’excellence absolue, la quête incessante de la perfection, mais en toute humilité. Cette simplicité, et sa capacité d’écoute, y compris lorsqu’il est dubitatif sur une proposition, me touchent beaucoup. Petit à petit, nous avons couvert l’ensemble des séquences du repas. Je suis dorénavant l’ensemble de l’histoire du repas, de l’amuse-bouche aux mignardises, en établissant un fil rouge cohérent. Il est très sensible aux clins d’œil que j’adresse à ce que propose l’assiette, dans tous ses plats, il y a une histoire, que j’essaie de suivre et d’illustrer. Il m’associe parfois tôt, dès sa première idée sur un plat, pour revenir en arrière si l’on s’aperçoit que le prototype ne marche pas. On travaille à distance, je lui envoie mes dessins, et il sait visualiser sur le champ à quoi ressemblera le produit fini. Son exigence s’applique plutôt en amont, il peut anticiper une rectification de l’ordre du millimètre. Il répond en temps réel, en allant à l’essentiel, ce qui permet d’avancer rapidement. Il me fait régulièrement partager ses créations, c’est essentiel d’avoir une visibilité complète du plat. Malgré sa pudeur, on se sent associé à sa démarche. J’ai la chance, au sein des ateliers Safran, d’avoir carte blanche, ce qui m’autorise à prendre du temps pour travailler avec un chef comme Eric Frechon. Si je devais le définir en trois mots ? Perfectionniste, humble et respectueux."Eric Frechon vu par Paolo Senatore Gérant du Monde de la Truffe, fournisseur des restaurants du Bristol Paris"Ma famille déjà travaillait avec Monsieur Del Burgo, le prédécesseur de Monsieur Frechon au Bristol. Un lien d’amitié très fort s’est noué entre mon père et le Chef. Une relation solide qui a su composer avec son exigence et des attentes que nous ne pouvons pas décevoir. Il aime le produit et s’y intéresse avec une indiscutable sincérité, et il sait traiter avec beaucoup d’intelligence les informations que nous lui donnons. Certains chefs, de la nouvelle génération, ne s’intéressent qu’au prix, et pas tellement à la beauté du produit. Il a besoin de truffes tout au long de l’année, pour son plat emblématique, ces fameux macaronis au foie gras, truffe et artichaut.
Sa confiance n’est pas aveugle. Il goûte tous les produits, et son attention nous a permis, en retour, de nous améliorer, de nous inciter à l’imiter en aspirant toujours à faire mieux, à le suivre dans sa constance irréprochable dans la qualité et la régularité. Il lui arrive de partager avec nous une idée de plat, et charge à nous de lui trouver la truffe d’excellence qui lui permettra de concrétiser son inspiration. Par exemple, la truffe servie entière a demandé beaucoup de recherches et des investissements conséquents. Toutes les truffes ne sortent pas de terre en pesant 80 grammes, parfaitement sphériques…Ce qui était précisément son cahier des charges ! Peu de restaurants et de chefs peuvent se permettre d’avoir cette exigence. Il nous fait régulièrement goûter ses plats, pour que nous partagions le résultat du travail accompli ensemble, ce qui témoigne de sa grande générosité et de l’attention authentique qu’il porte aux relations avec ceux qui l’accompagnent au quotidien. Il est proche de ses fournisseurs, ce qui est très appréciable. Les gnocchis à la truffe blanche avec des coquilles Saint-Jacques sont époustouflantes, et ont même impressionné des Italiens spécialistes de la truffe blanche. Sur un mode plus gourmand, j’adore ses macaronis… Si je devais le définir en trois mots ? Humain, exigeant, mais juste."Eric Frechon vu par Antoine Flamarion Cofondateur de Tikehau, société de gestion d’actifs alternatifs et d’investissements"Dans mon entreprise, on parle souvent de proposer à nos clients « Le Service Bristol », synonyme de perfection. De la salle à l’assiette, le moindre détail est pris en considération. Nos métiers sont très différents, pour autant des similitudes existent : nous faisons face à des enjeux, de recrutement, de gestion des talents, de leur épanouissement mais aussi au besoin d’ouverture d’esprit. Je suis convaincu qu’il est impossible d’exceller dans son domaine si l’on ne s’intéresse pas à d’autres champs d’expression. Pour faire une cuisine aussi talentueuse et créative que la sienne, durer au sommet et progresser, il faut être curieux. Il a la disposition d’esprit qui lui permet d’être toujours inventif, de sortir de sa zone de confort. Quel que soit le métier, il faut sans cesse s’imposer de nouveaux défis, il a très bien compris que c’était un impératif. Comme il a compris qu’il ne fallait pas s’éparpiller tous azimuts et lâcher la barre du navire amiral. Que l’hôtel appartienne à une famille, avec une dimension humaine très forte, est essentielle pour cette bienveillance réciproque.
Je l’avais rencontré à Megève, peu après sa troisième étoile, par l’intermédiaire du chef Emmanuel Renaut, qui faisait partie de sa bande du Crillon. Je l’ai trouvé immédiatement attachant, capable de parler de tout, de cuisine, de vins, de business, mais aussi d’amitié. Nous avons appris à nous connaître, et cela m’arrive de me glisser dans son bureau, le temps de boire un café. J’ai eu la chance d’assister à plusieurs services depuis son bureau, et sa capacité à ne jamais rien laisser passer, me sidère. Il est rarissime qu’il y ait des moments de tension, et lorsqu’il y en a, ils peuvent être intenses, mais retombent aussitôt. Il se comporte exactement comme un Chef, au sens large, doit se comporter. Son autre mérite ? Avoir su me faire manger des huîtres ! Enfin, lorsqu’il les prépare en tartare avec des poireaux, qui ne sont pas non plus mes légumes de prédilection… Alors qu’il aurait pu développer un égo de la taille du Montana, Eric est d’une grande humilité, toujours ouvert à l’échange avec les clients. Si je devais le définir en trois mots ? Envie, curiosité, bienveillance."Eric Frechon vu par Julien Alvarez Chef Pâtissier du Bristol Paris"Dans les films, tout bascule parfois sur un simple coup de téléphone. Ce dernier m’est tombé dessus en septembre 2017. Il y avait la voix d’Eric Frechon dans mon portable qui me proposait de postuler à la succession de Laurent Jeannin. Une opportunité incroyable, à laquelle je ne m’attendais pas d’autant que dans ma tête j’étais déjà ailleurs – à un tournant de ma carrière avec cette envie arrêtée de partir pour l’étranger voir comment on y pâtisse. Et soudain, la totale ! Le Bristol, Frechon, un trois étoiles et moi qui n’avais jamais officié dans un restaurant. Pour ajouter à la surprise, l’idée même de peut-être succéder à Jeannin, ce monstre sacré de la pâtisserie, disparu si précocement. Je me suis présenté pour l’entretien et celui-ci s’est passé comme une rencontre. Deux heures qui passent comme en vingt minutes. Au moment du tasting, j’étais dans un état second – rien qui n’allait, rien qui ne valait. Aujourd’hui avec du recul, je crois que je cherchais à démontrer plutôt qu’à montrer. Eric Frechon était bienveillant mais je n’étais pas dupe. Je l’ai quitté, pensant mon destin scellé, jusqu’à ce mail du Chef me disant qu’« il aurait plaisir à me revoir ».
Un message pudique qui m’offrait une seconde chance et, cette fois, sans fantasmer « l’après », je me suis laissé aller à être moi-même. La suite, c’est un « oui » du Chef. Je deviens le pâtissier du Bristol, d’Eric Frechon. L’une des forces de ce lieu et de ce Monsieur, c’est d’être constamment en mouvement, tourné vers l’avenir. En à peine plus d’une année, j’ai tellement appris. Vingt ans d’excellence d’un côté, quelques mois de présence de l’autre et, avec une grande intelligence, il y a ce sentiment de l’âge qui n’y fait rien, qui ne compte pas. L’important, c’est le travail et le talent qu’on se doit d’y mettre. Unique ! Eric Frechon aurait pu se réfugier derrière une réputation qui le précède mais, avec lui, c’est tout l’inverse. Une ouverture, un dialogue. Il est cuisinier, je suis pâtissier mais sa manière d’appréhender le goût m’a déjà beaucoup inspiré. Notamment son travail sur les jus, les sauces. Ma Tatin de pommes, céleri, coing au caramel de vinaigre de cidre lui doit beaucoup. Lorsque nous l’avons validé, j’ai eu l’impression de décrocher une médaille. J’ai pensé aux mots du Chef : « nous ne travaillons pas à notre confort mais au bonheur du client. » Si je devais le définir en trois mots ? Surprise, échange, Bristol."Eric Frechon vu par Keyan Eslamdoust Président fondateur de La Maison Nordique, fournisseur du caviar de Sologne"C’est curieux mais avec Eric Frechon, plus que les souvenirs, ce sont des sentiments qui émergent. Et, je me souviens de mon premier sentiment. Cela donnait, en substance un « pas facile, le bonhomme ! » J’avais déjà le privilège de fournir les caviars du Bristol lorsqu’Eric en a pris les commandes. Sans chercher à faire table rase du passé, je crois bien qu’il a convoqué l’ensemble des fournisseurs. Mon tour est donc arrivé. Je me suis présenté avec mes boîtes, j’ai expliqué notre démarche, notre philosophie, nos pêches. Eric, lui, a écouté, goûté, écouté, goûté, écouté, goûté. Le verbe était rare mais chirurgical. Comme si la question qu’il posait était d’abord une exigence. Je n’ai pas alors découvert un chef, j’ai rencontré une intelligence faîte palais. Des papilles en marche, en alerte. Un physiologue du goût. Les années ont passé, les anecdotes, les plats (l’évidence de sa pomme de terre au haddock), beaucoup de jolies choses, des gestes empreints de pudeur comme cette fois où, à la demande de mon épouse, il a accepté presqu’au débotté d’ouvrir ses cuisines à cinq jeunes enfants handicapés. Le jour dit, sans caméra, sans com’, il était là, en personne. Une matinée durant, il leur a raconté la brigade et je n’ai toujours pas les mots pour dire le regard de ces enfants. Nous nous sommes donc découverts, rapprochés, apprivoisés mais jamais un mois ne se passe, ou quasiment, sans qu’on ne se retrouve pour ces fameuses dégustations. Rien de cérémonieux dans ces rencontres, juste l’idée de ce métier que l’on se doit de remettre sur l’ouvrage. Moi avec mes boîtes, Éric avec ce palais unique, estimant le grain, les couleurs, les saveurs et ce qu’il en composera. Voilà pourquoi avec Eric Frechon, j’ai ce délicieux sentiment que c’est toujours un peu comme la première fois. Si je devais le définir en trois mots ? Envie, curiosité, bienveillance."Eric Frechon vu par Marie-Anne Cantin Fromager affineur, fourniseur des restaurants du Bristol Paris"En 20 ans, malgré les trois étoiles, son caractère n’a pas changé d’un iota : Eric est toujours aussi emmerdant sur les camemberts ! Je crois qu’il n’a pas oublié d’où il venait, c’est une de ses forces. Je l’avais rencontré quand il était sous les ordres de Christian Constant au Crillon, et si je l’ai perdu de vue à l’époque où il tenait La Verrière, dès son arrivée au Bristol, il a fait appel à moi. Nous n’avons pas de directives précises de sa part, ce sont plutôt celles que je me fixe qui guident mes sélections. S’il me semble que l’affinage n’est pas au point, je n’envoie pas le fromage. Si le Munster ne me convient pas, je préviens et fais une proposition d’alternative, par exemple un très beau Maroilles. Sa confiance est essentielle pour moi. Il peut arriver que l’on s’engueule, parce qu’il dit franchement ce qu’il pense, sans forcément mettre les formes. S’il n’aime pas un fromage, il dira que c’est de la merde, pas qu’il est trop ceci ou trop cela ! Il prend soin de proposer des fromages authentiques, de bonne facture, traditionnels. Les préparations avec des fleurs ou des inserts de confiture, ce n’est pas trop son genre.
Il sait qu’il peut toujours compter sur moi, m’appeler s’il le faut à 20 heures pour lui livrer quelque chose de spécifique pour répondre à la demande d’un client. Savoir que l’on peut compter l’un sur l’autre fonde nos rapports depuis que l’on travaille ensemble. Il a toujours été si ce n’est inquiet, du moins dans la remise en question. Il n’y a pas si longtemps, je l’ai vu travailler sur un plat avec des lentilles, de la truffe, du lard et du saumon, et il rectifiait chaque détail, l’un après l’autre, par exemple l’épaisseur du lard ne lui convenait pas, il affinait la cuisson du poisson au dernier moment, à la chaleur des lentilles. C’est un passionné, qui pratique une cuisine extraordinaire, où l’inventivité ne cède rien au goût. Il est toujours derrière ses fourneaux, abordable, ce qui n’est pas le cas de tous les chefs. Il ne peut pas se permettre de décevoir ses clients, et même au summum du stress, malgré la tension du service et la conscience de ses enjeux, il a toujours un sourire pour quelqu’un. Il travaille avec le cœur, ce qui est essentiel pour une brigade, et la sienne travaille dans le bonheur.
Il a un autre talent, celui de l’échange avec ses équipes. Il est le Chef, mais il sait écouter l’avis des autres. Les macaronis au foie gras, que je pourrais manger sur la tête d’un pouilleux, et la poularde demi-deuil cuite en vessie figurent dans mon Panthéon du Bristol. Si je devais le définir en trois mots ? Loyal, travailleur et bienveillant."Eric Frechon vu par Franck Leroy Chef des cuisines adjoint du Bristol Paris"Et si j’avais dit non ! Si j’avais dit non, je n’aurais pas passé plus de temps avec Éric qu’avec mon épouse. Je me demande surtout ce qu’aurait été mon parcours si j’avais refusé de le suivre lorsqu’à son arrivée, il m’a demandé de rester et de devenir son second. Au Bristol, j’y étais déjà. Lui s’installait et son prédécesseur, Michel del Burgo partait pour Taillevent. Deux grandes adresses, deux messieurs de la cuisine, où aller, lequel accompagner ? J’avais ce sentiment d’être sur le fil du funambule. Poursuivre dans le confort de ce que je savais déjà ou oser le petit vertige d’une nouvelle aventure ? Ce fut Frechon. Alors, bien sûr les trois macarons, bien sûr, à titre plus personnel, mon titre de Meilleur Ouvrier de France pour lequel le chef s’est beaucoup investi mais il y a surtout vingt ans qui ne les font pas. Je ne les ai pas vu passer et pourtant qu’est ce qu’il s’en est passé. C’est qu’il y a peutêtre un malentendu Frechon. Évidemment, c’est le bosseur, le sourcilleux, le meneur d’hommes que l’on dit ou que l’on devine mais Frechon, c’est d’abord la remise en question, l’impératif d’évolution, la nécessité de création. D’ailleurs, lorsqu’après des mois de travaux, le restaurant a rouvert, quelque chose avait changé chez lui. C’est rare chez les hommes, et particulièrement chez les chefs, cette force à se réinventer sans se renier. À vivre, c’est presque émouvant. Comme si Eric avait réinventé son propre rôle, sa façon d’orchestrer la brigade, sa manière d’appréhender les recettes.
Il avait toujours la même présence mais c’est comme s’il y ajoutait une certaine distance. Eric est un grand fan de vélo et, là, il avait décidé de sortir la tête du guidon. Et nous avec. Sortir la tête du guidon pour penser le plat d’après, imaginer la recette suivante, prendre le recul pour mieux aller de l’avant. On s’est d’ailleurs attaqué à un monument culinaire, le lièvre à la royale. Je ne rentrerai ni dans la technique, ni dans les heures de travail mais Eric en a offert une version neuve sans jamais dénaturer la recette. Son lièvre, c’est une autre dimension. Plus le chef avance dans sa passion, plus il se débarrasse du superflu. Ces dernières années, il m’a appris à savoir gommer, à effacer, à doser, à travailler à l’essentiel. Voilà pourquoi la brigade fait bloc dans un mélange de discipline et de dialogue. Voilà pourquoi, je l’avoue, si nous lui donnons toujours du chef en cuisine, nous l’appelons tous papa dès qu’il a le dos tourné. Si je devais le définir en trois mots ? Créativité, ré-invention, Papa." Eric Frechon vu par Jean-Paul Montellier Ancien Directeur du restaurant gastronomique du Bristol Paris entre 1997 et 2004"Cela paraîtra peut-être étrange, bizarre, surprenant mais puisque l’on me demande de raconter Eric Frechon, alors je dois parler d’une porte et d’un miroir. La porte, c’est celle qui sépare la cuisine de la salle. Cette porte, c’est le domaine du service, l’espace ultime avant d’entrer en scène. Au Bristol, c’est aussi le domaine d’Eric Frechon. La chose peut paraître anecdotique, elle est unique. J’ai travaillé dans quelques grandes maisons avec quelques grands chefs mais jamais, où rarement, ces chefs prennent le temps de ce poste. En cuisine, Eric orchestre avec les mots, les gestes, le regard, l’horloge qui doit être la sienne mais, systématiquement, à chaque service, sans galop, sans cavalcade, il vient s’installer à la porte. Comme s’il accompagnait le plat le plus loin possible. C’est alors qu’en quelques secondes, il observe le convive face à l’assiette. Comme si ses regards, ses gestes, ses sourires, ses murmures lui en disaient un peu plus sur la recette. De ces choses vues, je reste persuadé que le chef nourrit sa création. Eric Frechon s’y oblige ; il en a fait une règle de cuisine comme il est des règles de vie, de conduite.
Eric Frechon derrière la porte car il reste ce timide, ce pudique et surtout parce qu’il n’accepte la cuisine de palace que lorsqu’elle se prolonge dans la connivence d’un service à l’avenant. Et c’est là qu’arrive le miroir ! Il m’a dit, un jour : « Jean-Paul, tu es mon miroir ! » Une phrase simple, limpide, offrant une formidable marque de respect tout en imposant une terrible pression. Le miroir chez Frechon, c’est d’abord un dialogue, un échange. Chacune de ses créations, il les partage avec ses maîtres d’hôtel. D’où mon émotion particulière pour la formidable volaille en vessie. J’y ai travaillé des heures pour concevoir les gestes, les angles de découpe, la mise en assiette qui accompagnerait jusqu’au convive l’intégrité des saveurs et l’esthétique de cette montgolfière de volupté. Miroir pour miroir, dois-je avouer que face à Eric, il m’a fallu parfois soutenir le regard lorsque l’échange montait en puissance. Sans crainte d’une quelconque intimidation mais, bien au contraire, pour fortifier la confiance. Si je devais le définir en trois mots ? Présence, respect, confiance."Eric Frechon vu par Pierre Ferchaud Ancien Président Directeur Général du Bristol Paris entre 1994 et 2010"Décembre 2018, c’est Noël au Bristol. Je suis au charme des salons de ce palace que j’ai eu le bonheur de diriger, des saisons durant. Parler d’Eric Frechon que j’irai saluer tout à l’heure, échanger quelques mots, partager quelques impressions comme nous l’avons si souvent fait, le soir après le dernier service. Par où commencer ? Peut-être par le commencement ! Après tout, vingt ans plus tôt, presque jour pour jour, je lui proposais de devenir le chef des lieux. Je l’avais découvert dans son bistrot des Buttes-Chaumont. Je le savais être passé par les grandes maisons mais cela ne suffit pas toujours. En sortant de ce dîner, j’avais le pressentiment qu’Eric avait l’étoffe pour relever le défi. Il n’avait pas d’étoile, il n’était pas célèbre mais, à l’époque, être capable de faire courir tout Paris jusqu’aux Buttes, avoir ce talent d’envoyer des plats de régal pour une addition qui s’excusait presque, il y avait là l’étoffe d’un grand. Un panache mêlé de discrétion qui aujourd’hui encore raconte le personnage. Tout est allé assez vite d’ailleurs. Frechon et le Bristol se sont dit oui avec ce sentiment précieux de la confiance partagée. Eric, alors, parlait peu mais c’est souvent l’apanage des hommes de parole. Vingt ans plus loin, preuve est donnée que nous avions tous raison de cette confiance. C’est souvent, elle, qui offre à durer dans un temps souvent trop pressé de se précipiter. Frechon sait donner le temps au temps. Ce que j’admirais sûrement le plus lorsque parfois, j’allais jeter un œil en cuisine, c’est l’exemplarité de cette brigade, la fierté qu’elle dégage, autour de son chef, le bonheur qu’elle prend à donner du bonheur. Eric a désormais la tête dans les étoiles mais il a su garder les pieds sur terre. Ce qui nous rappelle que l’excellence est d’abord une école de l’humilité. Sûrement est-ce d’ailleurs ce que nous murmure, aux creux de l’assiette, ce désormais incontournable gratin de macaronis aux truffes. Si je devais le définir en trois mots ? Etoffe, confiance, truffe."Eric Frechon vu par Clarisse Ferreres-Frechon Fondatrice et Directrice de l’agence de communication Melchior, épouse d’Eric Frechon"La première fois que je l’ai vu, je n’ai pas trouvé le bonhomme facile. Et puis un jour, au débotté, voilà qu’il pose devant moi un de ses plats signature : le Merlan cuit en croûte de pain de mie, tétragone mi-cuite et piquillos. Là, j’ai compris. J’ai compris l’homme qu’il était à travers sa cuisine : droit, rigoureux à l’extrême, précis, passionné, généreux, engagé, sincère et franc.
Parmi toutes les choses qui m’interpellent chez Eric Frechon, sa manière de travailler m’a toujours fascinée. Au-delà d’une puissance et d’une capacité de travail hors pair qui ne dévie pas depuis des dizaines d’années, je suis toujours stupéfaite par sa recherche du détail, son sens de la perfection, son aptitude à ne rien lâcher et à régler le détail le plus infime qui soit dans tout ce qu’il fait. Peut-être est-ce dû à ce manque de confiance en soi qu’il cache si pudiquement ? Il le pousse à se remettre toujours en question.
D’apparence très dure, Eric Frechon est un hypersensible. Et son hypersensibilité modèle profondément sa cuisine. Très humble, les récompenses lui font plaisir, mais il les balaye d’un revers de main pour aller de l’avant. Après 30 ans de carrière et toutes les distinctions qu’il a obtenues, il serait presque naturel de marcher sur un chemin tout tracé, longiligne, qui lui permette de continuer à briller. Mais Eric Frechon aime la prise de risque dans l’exploration de nouveaux univers de cuisine. N’est-il pas le seul à pouvoir passer sans sourciller, avec une aisance déconcertante et une réussite non démentie, d’une cuisine triplement étoilée, à des univers de brasseries traditionnelles ou contemporaines, des concepts plus novateurs jusqu’à la restauration rapide ?
Le projet du Pain Vivant au Bristol Paris qu’il a porté avec Roland Feuillas avec beaucoup de passion et de conviction montre de manière très concrète que chez Eric Frechon, rien n’est figé, rien n’est acquis. Il ne s’était jamais intéressé auparavant aux questions de blé ancien, il s’y est plongé dedans corps et âme pour comprendre, apprendre et faire. Et il a fallu une sacré dose de courage pour changer du tout au tout le pain du palace et l’imposer aux clients, passant de petits bijoux d’orfèvrerie à des miches de pain traditionnelles.
Sa loyauté envers les personnes qui lui font confiance est sans faille. Il aime et respecte les personnes qui l’accompagnent et qui l’entourent. Il nous régale, nous inspire, nous pousse à nous dépasser."Eric Frechon vu par Jean Solanet Président honoraire de la chambre des experts FNAIM, Président du Club des Cent"C’est lorsque je l’ai vu faire 54 essais sur la cuisson du pigeon avant de trouver la solution que j’ai eu un premier aperçu de sa conscience aigüe du travail bien fait. C’était il y a une trentaine d’années, lorsque Christian Constant lui avait confié l’organisation d’un déjeuner au Crillon pour le Club des Cent. Jamais auparavant du pigeon n’avait été servi aux membres du Club, c’est dire s’il était attendu au tournant !
Je ne l’ai ensuite jamais perdu de vue et j’étais du service inaugural à la Verrière. Il est fidèle : lorsqu’il a quitté le Crillon, ce n’était pas pour aller dans un autre Palace, c’était pour vivre une autre expérience. Avoir eu son restaurant lui a sans aucun doute beaucoup appris. Son sens de l’équilibre et des goûts francs ressemblent à sa personnalité. S’il est constant dans l’excellence, chaque année, il réinvente tout, des produits aux recettes, j’imagine qu’il doit passer par des étapes déplaisantes pour arriver à un résultat formidable. Son caractère, qui ne laisse jamais paraître les difficultés qu’il doit surmonter comme tout un chacun, n’a pas changé, il est toujours égal à lui-même, souriant. L’obtention du col tricolore a été une émotion unique, d’autres grands chefs s’y sont cassés les dents, si je puis dire. L’obtention de sa première étoile était une évidence, que la troisième ait tardé à reconnaître son talent ne le frustrait pas plus que ça, je crois. Le personnel est à son image, ce qui n’est pas anodin : il a le génie de la formation et de l’émulation.
Il ne court ni les honneurs ni les médias, ce sont eux qui viennent à lui. Lorsqu’il a reçu la Légion d’Honneur, il avait encore accroché à sa veste sa médaille du Mérite, que je lui ai enlevée en catastrophe : on ne se présente pas pour recevoir une distinction, en en arborant une autre ! Si je devais définir Eric Frechon en trois mots ? Heureux (de vivre), équilibré, altruisme (culinaire)."
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