STÉPHANE GRAS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU FOUR SEASONS HOTEL SAN FRANCISCO, UN CHOIX DE VIE ET DE CARRIÈRE TOURNÉ VERS L'INTERNATIONAL (États-Unis)
Le Français vient de prendre la barre du Four Seasons Hotel San Francisco, pour restaurer la splendeur de cet hôtel, en naviguant entre ouverture d’esprit et objectifs de performance |
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STÉPHANE GRAS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU FOUR SEASONS HOTEL SAN FRANCISCO, UN CHOIX DE VIE ET DE CARRIÈRE TOURNÉ VERS L'INTERNATIONAL (États-Unis)
Le Français vient de prendre la barre du Four Seasons Hotel San Francisco, pour restaurer la splendeur de cet hôtel, en naviguant entre ouverture d’esprit et objectifs de performance |
Catégorie : Amérique du Nord et Antilles - États-Unis - Interviews et portraits
- Les Leaders du secteur
Article rédigé par Vanessa Guerrier-Buisine le 01-09-2023
Après une carrière à sillonner plusieurs continents, majoritairement au service de Four Seasons Hotels & Resorts, Stéphane Gras vient de poser un pied dans le brouillard éphémère de San Francisco, pour prendre les rênes du Four Seasons Hotel San Francisco, qu’il a pour mission de réenchanter. À sa tête depuis quelques semaines seulement, le Ligérois est déjà à la manœuvre pour fédérer et mobiliser ses équipes. Son ambition : recréer une atmosphère vivante et différenciante, et attirer de nouveau les clients vers cette propriété iconique de San Francisco.
Le destin était loin d’être tracé pour le jeune Stéphane Gras, qui, issu d’une famille active dans l’univers paramédical, a débuté sur les bancs de la fac de médecine. Rapidement, il entrevoit que son avenir n’est pas dans cette filière, mais dans les lieux qu’il lui plait de fréquenter, « les beaux endroits et les bonnes tables ».
De ses jeunes années, il retient d’ailleurs le fait d’aimer recevoir, rassembler autour de lui. Les écoles suisses semblent alors les plus appropriées pour assouvir son envie d’appréhender l’univers de l’hôtellerie dans sa globalité, du sens du service à la gestion d’établissement. Ce sera l’EHL Hospitality & Business School, qui célèbre alors ses 100 ans, qu’il choisit pour sa formation, la plus complète à ses yeux, et pour l’ouverture incomparable à une diversité de cultures qu’elle offrait déjà.
L’envolée new-yorkaise
Son plan de carrière est déjà bien défini : il sera directeur général. Et pour ce faire, il souhaite débuter par une escale aux États-Unis, « pour comprendre le milieu américain ». Il s’envole à Washington DC pour son stage de troisième année et en profite pour découvrir New York. « Ce fut très clair dans ma tête, une fois diplômé, six mois plus tard, il me fallait revenir. Je souhaitais débuter ma carrière ici » se remémore-t-il.
La parenthèse du service militaire refermée, il revient à New York sans visa de travail, mais va « taper aux portes, CV sous le bras ». Si Four Seasons est son Graal, il faudra une première porte d’entrée dans l’univers de l’hôtellerie de luxe new-yorkaise. Ce sera Waldorf Astoria, une de ses deux seules expériences hors de Four Seasons Hotels & Resorts. « C’était extraordinaire, c’est un hôtel iconique » se rappelle-t-il. « C'était une échelle opérationnelle impressionnante, une imposante structure et naturellement beaucoup de leçons apprises » ajoute-t-il.
Les « yeux toujours tournés vers une jauge d'hôtellerie un peu plus modeste en taille, mais tout aussi ambitieuse, à la fois en termes de raffinement et de niveau de prestation », le jeune Français postule chez Four Seasons.
La restauration comme tremplin
Après son entrée au Four Seasons Hotel New York en tant que directeur du Room Service, Stéphane Gras va dérouler les expériences en F&B dans plusieurs établissements du groupe, exception faite d’une incartade de deux ans en France comme directeur F&B du Château de Bagnols en 2003. Austin, Newport Beach, Hawaï, Prague ou encore le Caire lui permettent de forger sa culture Four Seasons, avant de passer à un niveau d’exploitation complète d’un hôtel, en 2011 à Bakou.
« L’entrée dans le métier par la restauration était une préférence, cela m’attirait, juste naturellement, il y avait quelque chose de magique dans tout ce qui se passe en amont et dans l’exécution de la cuisine puis du service. Cela laisse beaucoup de place à la créativité, pour créer des évènements, des lieux dans lesquels les clients passent du bon temps » déroule-t-il. « C’est un apprentissage, l’anticipation est la clé du succès, mais en même temps, on doit réagir très rapidement aux imprévus – c’est une excellente école » complète-t-il.
L’homme vit ce virage « comme une évolution naturelle avec l’étendue des fonctions. On parle de l’hébergement, mais, au fil d’un parcours, on explore et découvre de nouvelles disciplines telles que le spa, mais également les fonctions support qui sont essentielles à la bonne marche d’un établissement : ingénierie, ressources humaines, finance » précise-t-il.
L’école Isadore Sharp
Le fondateur de Four Seasons Hotels & Resorts, Isadore Sharp, est celui qui a façonné la vision de l’hôtellerie de luxe de Stéphane Gras. Une hôtellerie conçue dès le départ et améliorée au fil du temps par les retours de ses clients. « Il a redéfini un certain modèle, qui fait écho chez moi. Il y a de la place pour différents types d’opérateurs, pour l’hôtellerie très raffinée, à l’image des palaces parisiens. Ce sont des modèles extraordinaires, magnifiques, mais qui ne correspondaient pas à mon souhait de vie et de carrière » précise Stéphane Gras. Après 27 années de carrière et 13 déménagements sur différents continents, sa soif de découverte et de voyages a été entretenue et continue de faire vibrer l’hôtelier.
Le mode opératoire, l’échelle des établissements, le style de leadership « où l’humain prime vraiment », la croissance raisonnée de la marque, ont fidélisé Stéphane Gras, qui n’a plus (ou presque) quitté Four Seasons depuis son entrée en 1999. « Lorsque j’ai rejoint la marque, nous avions 39 hôtels, et notre portefeuille est désormais de 126 hôtels » précise-t-il, « cette progression est assez soft, mais fait la force de la marque, qui a su développer une très forte connivence entre ses établissements, entre ses directeurs généraux. Nous nous connaissons et évoquons ensemble des problématiques, des difficultés ou de beaux événements, des bonnes nouvelles liées à nos clients ou nos équipes ».
« Isadore Sharp a toujours été très attentif à ce que la marque préserve son identité et que sa différence soit respectée, sans entraver son développement » poursuit-il. Une marque très plébiscitée, mais aux contrats de management de très long terme, « c'est un mariage et la marque reste très exigeante, sans être arrogante. (…) Nous avons un savoir-faire pour optimiser un établissement en termes de performance, d’image. Cela nécessite des investissements, un engagement » poursuit-il.
En tant que directeur général, s’il apprécie l’agilité que permettent des capacités d’hôtels inférieures à 400 chambres, il considère que cette proximité joue un rôle clef dans l’expérience clients qui est délivrée. Puisque pour lui, faire vivre des émotions est l’essence même de son métier.
Les vertus de l’hôtellerie de luxe et de l’international
« Il y a une sensibilité à l’art de vivre, présent dans la gastronomie, l’architecture et l’animation d’un lieu » s’enthousiasme-t-il quand il évoque sa conception de l’hôtellerie de luxe. « J’apprécie l’élégance, le raffinement dans ces différentes formes. L’hôtellerie de luxe évolue, mais les bases de précision, d’attention au détail demeurent essentielles » poursuit-il. Cette quête du détail l’anime quotidiennement.
Une quintessence du luxe qu’il retrouve chez Four Seasons, et qu’il aime conjuguer au dynamisme du mode de vie américain. « Le dénominateur commun est l’esprit combatif, l’ambition démontrée au quotidien, traduite par beaucoup d’énergie positive. La réussite y est célébrée, nourrit les rêves et motive les ambitions » décrit-il quand on l’interroge sur son pays d’adoption.
« Travailler à l’étranger implique forcément de sortir de sa zone de confort, et c’est très stimulant. Cela se traduit par de multiples apprentissages, de cultures, codes, etc. Il est primordial de les intégrer, et de rester dans le respect d’une possible différence. On se fait accepter et apprécier, car l’on respecte ce pays qui vous accueille » se plait-il à rappeler lorsque l’on évoque les bienfaits d’une expérience à l’étranger. Et de conclure « le succès viendra de votre aptitude à optimiser les compétences d’une équipe, à émuler les efforts et à mettre en avant la richesse que chaque culture possède ».
Si les 16 dernières années ont été marquées par des expériences entre Europe et au Moyen-Orient, sa dernière étape fut dans les Alpes françaises, où il a dirigé le Four Seasons Hotel Megève Collection durant les trois dernières années. L’été 2023 signe son retour aux Etats-Unis, à la barre du Four Seasons Hotel San Francisco, et le voilà prêt à relever ses manches face aux multiples défis qui l’attendent.
Des défis multifacettes
L’hôtel doit pleinement renaître au cœur du marché franciscanais. « L’hôtel était dominant et extrêmement bien positionné en 2019, mais l’hôtel ayant fermé plus longtemps que d’autres, certains clients se sont tournés vers les établissements qui sont restés ouverts. Nous devons leur donner envie de revenir à nous. Il y a donc forcément un enjeu commercial, de positionnement et de performance financière » confie Stéphane Gras.
Pour relever ce défi, l’hôtelier s’entoure d’une équipe expérimentée, connaisseuse du marché et de l’hôtel. « Nous avons pu reconstituer une équipe complète, avec le support de nos investisseurs et de nos propriétaires » poursuit-il. « La différenciation doit se faire par le niveau d’attention aux détails, la reconnaissance des clients – nous devons travailler davantage pour regagner notre positionnement. L’établissement est magnifique et reste une référence sur le marché de San Francisco ».
L’hôtel affiche, en effet, un emplacement idéal, à la croisée d’Union Square, de SoMa (South Market), et du Financial District, tout en étant très proche de l’Embarcadero, et héberge près de 1.500 m² d’espaces dédiés aux MICE. La clientèle y est naturellement orientée affaires, mais cohabite avec des voyageurs en villégiature et en quête d’expériences authentiques.
San Francisco, une ouverture d’esprit hors norme
À San Francisco, qu’il apprend à découvrir avec l’appétence qui le caractérise, Stéphane Gras a découvert une ouverture d’esprit ancrée dans l’histoire de la ville et de ses habitants. « Ici, la richesse vient des populations, des personnes qui ont afflué du monde entier, et qui ont influé sur l’identité de cette destination, sa culture, son architecture, la bienveillance qu’on y retrouve » se réjouit-il.
« On y apprécie des choses simples, comme arpenter la ville hors des grands axes, emprunter les cheminements sur les différentes collines, découvrir sa richesse architecturale et ses nombreux jardins et espaces verts privatifs. Je partage mes découvertes avec les clients de l’hôtel. Certaines sont étonnantes, comme ces trottoirs sur lesquels des flèches légèrement tracées à la craie permettent de nous guider vers de belles propriétés » se plait-il à décrire.
Quant aux images d’insécurité retransmises ces derniers mois, « ces problèmes sont pris en main=par les autorités, mais prennent du temps à se résoudre totalement, il faut être patient et poursuivre le travail, avec tous les acteurs de la destination. En tant qu’hôteliers, nous influençons ce que nos visiteurs découvrent : nous les aidons à découvrir les meilleurs endroits, et ils sont la très grosse majorité de la ville » assure-t-il.
« San Francisco est une destination magnifique et incontournable de tout circuit aux États-Unis » se plait-il à rappeler par ailleurs. « Être à San Francisco, c'est aussi être très facilement en dehors de San Francisco. C'est traverser la baie, prendre le ferry ou le Golden Gate Bridge, vers Sausalito. À quelque cinq minutes, vous avez un point de vue extraordinaire sur San Francisco, depuis un havre de paix, un environnement non citadin » ajoute-t-il.
Embrasser sa passion
Pour que ses équipes le suivent dans ces missions, Stéphane Gras saura user de ses qualités de leader, basées sur une écoute active, et surtout sur une communication précise et transparente. « Je crois beaucoup en ces échanges, parfois très informels, avec les équipes au sein de l’hôtel, au fil de la journée ; cela permet de remercier pour le travail incroyable qui est réalisé. Ensuite, il est crucial de fédérer le groupe autour de solutions à trouver, garder un peu d’altitude pour libérer les talents et les exposer à certaines problématiques, les aider à atteindre leurs rêves aussi » décrit-il. Il reste d’ailleurs inspiré et guidé par la règle d’or de la marque : « Traitez les autres comme vous aimeriez qu’ils vous traitent ».
Pour celui qui reste aligné surses valeurs d’hospitalité depuis son plus jeune âge, faire carrière dans l’hôtellerie de luxe implique un haut niveau d’exigence. Il est nécessaire « d’être en alignement avec les valeurs clés de ce métier : le don de soi, la disponibilité, la précision d’exécution des tâches » décrit-il. Et d’ajouter « être exigeant avec soi-même, car on ne peut demander à son équipe ce que l’on est incapable d’appliquer à soi-même ».
Le Four Seasons Hotel San Francisco a un nouveau capitaine à la barre, dont l’exigence n’a d’égale que l’attention qu’il porte aux autres. Entre l’empathie et le sens affûté du business de son directeur, gageons que l’hôtel ne tardera pas à retrouver toutes ses couleurs.
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