DESIGN - DAPHNÉ DESJEUX, DESIGNER D'HÔTELS : « J'APPORTE UNE TOUCHE DE FANTAISIE AU LUXE »
De ses nombreux voyages, la designer d'intérieur Daphné Desjeux a rapporté un goût prononcé pour l'audace et l'anticonformisme. |
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DESIGN - DAPHNÉ DESJEUX, DESIGNER D'HÔTELS : « J'APPORTE UNE TOUCHE DE FANTAISIE AU LUXE »
De ses nombreux voyages, la designer d'intérieur Daphné Desjeux a rapporté un goût prononcé pour l'audace et l'anticonformisme. |
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Interview made by Sonia Taourghi on 2024-10-28
Daphné Desjeux, Designer d'hôtels et fondatrice de l'Atelier Daphné Desjeux Photo credit © Atelier Daphné Desjeux Lorsque l’on rencontre Daphné Desjeux pour la première fois, c’est comme revoir une bonne copine que l'on n’a pas vue depuis des mois, voire des années : une explosion. Sa joie de vivre et sa chaleur humaine vous enveloppent, vous attirent, vous désarment, presque.
Cela dit, il ne faut pas s’y tromper, la designer d’intérieur parisienne a un caractère bien trempé et une détermination qui reflètent bien son esthétique particulière, et le succès qu’elle connaît dans la profession.
Née à Paris dans un univers où mode et photographie se mêlent, Daphné Desjeux insuffle depuis 2013 un vent de fraîcheur dans le monde parfois trop convenu du design hôtelier de luxe. Cette ancienne journaliste et animatrice, reconvertie après une formation à l'École Boulle, bouscule les codes avec une approche singulière, nourrie par ses voyages à travers l'Asie, l'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Océanie.
Son parcours vers le design hôtelier est tout sauf conventionnel. Issue d'un milieu créatif – sa mère était agent de mannequins – elle a d'abord exploré les médias avant de trouver sa vocation. « Je passais mon temps à la rejoindre sur les défilés, où j’ai découvert une créativité infinie, dans des espaces qui pouvaient être vides et austères un jour, puis se transformer en lieux empreints de fantaisie le lendemain. Plus tard, en télévision, j’ai retrouvé cette fascination pour l’ampleur des studios et la manière dont les décors prenaient vie, créant souvent des univers magiques. Ce qui me captivait le plus, c’étaient vraiment les décors ».
Sa première incursion dans le design d'intérieur, un appartement avenue Montaigne, lui fait rapidement comprendre que son ambition est ailleurs. « J’ai trouvé que l’ambition était un peu limitée. Sans que cela devienne ennuyeux, tout paraissait assez prévisible. Par contre, dans un hôtel, j’ai ressenti une approche différente, avec une vraie envie de créer des espaces uniques et de faire vivre une expérience particulière ».
Le destin lui sourit lors d'une inauguration d'hôtel, où une rencontre fortuite se transforme en opportunité. Pour se démarquer lors de l'appel d'offres qui suit, elle ose l'originalité. « J’ai imaginé un moodboard en trois dimensions, une sorte de boîte géante, comme une mini scène de théâtre illuminée. Je me suis dit : c'est quitte ou double ». Cette audace lui vaut son premier projet : l'hôtel Snob, rue Saint-Denis à Paris. S'ensuivent le restaurant Suki, et l’hôtel Louvre Piemont.
Sa vision du luxe détonne dans un univers souvent formaté. « Quand on parle de luxe et de palace, les gens se redressent tout d'un coup et adoptent une attitude un peu trop sérieuse, ce qui crée une vraie distance, alors que le luxe devrait avant tout évoquer chaleur et convivialité », observe-t-elle. Pour elle, « Le luxe, c'est avant tout avoir le choix et la satisfaction de tous nos sens. C'est l'harmonie poussée à son paroxysme : un confort absolu, une esthétique plaisante, des parfums envoûtants, le tout sans jamais heurter la personne ».
À la tête de l'Atelier Daphné Desjeux, une agence d'une dizaine de personnes spécialisées dans l'hôtellerie, elle développe des projets qui portent sa signature unique. Pour cela, elle se raconte des histoires. « J'explore l'histoire du lieu et des propriétaires, ainsi que son emplacement, et je me crée une petite histoire. J'aime imaginer ce que chaque lieu pourrait avoir à raconter. Je suis vraiment une conteuse ». Cette approche narrative se traduit jusque dans les moindres détails. « Je dessine tout ce qui est visible : une chaise, une table, une lampe, un tapis, une poignée de porte, ainsi que des motifs ».
Son style anticonformiste et sa capacité à réinventer les codes lui ont valu la confiance de grands noms du secteur. Elle collabore notamment avec Paris Society International et Ennismore, pour qui elle développe actuellement un projet d'hôtel 5 étoiles à Bombay, incluant 110 suites, deux restaurants, un club et un business club privé de 1500 m². Un projet d’une envergure totale de 14 000 m² qui offre à la designer un canevas à la hauteur de ses ambitions. « Le brief était que cet hôtel respire la vie et que l’on ressente la possible fête, même en plein jour. C’était leur vision du luxe : un lifestyle vibrant qui évoque l'ambiance mythique du Studio 54 à New York ».
Son approche du design hors des sentiers battus distingue ses réalisations, à l’image du Sève du groupe 1.75 Paris. « J'aime l'excentricité mêlée à une certaine rigueur ; je suis fan de symétrie et de tout ce qui est bien aligné. J'apprécie énormément les pas de côté à condition de maintenir sa une ligne directrice ».
Sa vision du luxe contemporain est claire : il faut le réinventer. « Les personnes aisées aujourd'hui ont une nouvelle approche de l’hôtellerie, le marbre blanc et le laiton brillant ne suffisent plus ; il est temps d'apporter une touche de fantaisie au luxe ». Une approche qui résonne particulièrement à l'international, où elle multiplie les projets, notamment avec la marque Mondaine qu'elle a créée pour Paris Society, et pour laquelle elle a conçu Mondaine Istanbul ; un restaurant de 1 500 m² au sein du projet d’envergure Tersane en cours de développement.
Malgré son débordement créatif, son processus s'adapte aux besoins de ses clients. Face à un brief précis, elle propose « un avant-projet sommaire et un premier moodboard, que j'ajuste ensuite. Quand le brief est plus ouvert, je leur demande ce qu'ils n’aiment pas et je les incite à partager leurs réflexions et à préciser leurs attentes ». Toutefois, c'est peut-être le troisième scénario – lorsqu’elle a une liberté totale de création – qui l'épanouit le plus. « J'adorerais continuer à faire des projets aux quatre coins du monde, où je pourrais explorer davantage la richesse des espaces et des cultures. J’aime infiniment répondre aux attentes variées de mes clients hôteliers, tout en m’amusant à créer des environnements uniques et mémorables », confie-t-elle, évoquant des rêves d'hôtels dans les archipels d'Indonésie ou même un casino dans les Émirats. « J'aimerais concevoir des hôtels décalés à Bora Bora ou au Brésil, où chaque élément devient une occasion d'aventure, une surprise ou un clin d'œil. L'idée est de créer un décor léger, réalisé avec sérieux ».
Cette approche décalée, elle l'assume pleinement. « Je n’ai pas envie de me diriger vers la tendance ou le bon goût. Ce que je veux, c'est vraiment créer une émotion, même si le décor déplaît ». Un conseil qu'elle prodigue d'ailleurs aux jeunes designers. « Ne laissez pas les autres décider pour vous. Restez fidèle à votre vision » !
Forte de plus de quinze ans d'expérience, Daphné Desjeux continue de transformer chaque projet en une expérience inoubliable, alliant luxe et accueil chaleureux. Ses créations, du Babel au Mondaine, en passant par des projets en cours, notamment aux Maldives, témoignent d'une vision dans laquelle le luxe s'affranchit de ses codes traditionnels pour devenir plus accessible, plus humain, sans jamais perdre de vue l'excellence qui le caractérise.
Hôtel La Sève, Groupe 1.75 Paris Photo credit © Benoît Linero
Détail du Restaurant Mondaine, Paris Photo credit © Benoît Linero
Projet Ennismore et Paris Society Shrem Mumbai Photo credit © Ennismore
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